Chacun le sait ici : depuis 19 semaines, l'ordre public est contesté. Chaque samedi, en marge des manifestations des « gilets jaunes », des émeutiers s'infiltrent dans les cortèges, attaquent les forces de l'ordre et les symboles de la République, pillent des magasins et provoquent des blessures, tant chez les manifestants que chez les forces de l'ordre et les sapeurs-pompiers. Nous connaissons ce phénomène : il n'est, hélas, pas nouveau. Il s'agit, pour l'essentiel, de militants d'extrême gauche animés par la seule volonté de casser et de détruire. Ces dernières semaines, ils ont été rejoints par des « gilets jaunes » radicalisés et celles et ceux qui, complices aussi, assistent aux attaques, protègent les agresseurs et participent au pillage.
Face à eux, nos consignes ont toujours été très claires : fermeté et zéro impunité. Le 1er décembre dernier, des manifestations particulièrement violentes – nous avons eu l'occasion de venir devant vous pour les évoquer – se sont déroulées dans la capitale. Des voitures ont été brûlées, des vitrines ont été brisées, et des forces de l'ordre ont été prises pour cibles avec des pavés ou des cocktails Molotov. Face à la violence et à la multiplication de manifestations qui confinent à l'émeute, le Gouvernement a alors immédiatement réagi. En moins d'une semaine, nous avons fait, avec Laurent Nunez, des propositions et nous avons profondément modifié notre doctrine de maintien de l'ordre, que personne n'avait pris la responsabilité de changer au cours des dix dernières années.
Alors que nous partions d'un maintien de l'ordre statique, nous avons demandé aux policiers et aux gendarmes plus de réactivité, plus de mobilité et des interpellations immédiates. L'idée de cette nouvelle doctrine est simple : il s'agit de briser immédiatement l'émeute pour permettre des manifestations pacifiques. Le 8 décembre, cette doctrine a montré son efficacité. Des groupes d'individus dangereux ont pu être dispersés et les violences ont été maîtrisées.
Le samedi 16 mars, nous avons pourtant assisté à des scènes inacceptables sur les Champs-Élysées : 10 000 casseurs, militants « gilets jaunes » radicalisés et complices se sont retrouvés sur cette avenue parisienne avec un seul et unique objectif, qui était de détruire, de piller et parfois même de tuer. Sur 19 samedis de manifestations, le 16 mars est le jour dont le bilan est le plus grave pour nos forces de sécurité intérieure à Paris. Dans la même journée, 25 magasins ont été pillés, plus de 130 ont été dégradés, 79 feux ont été provoqués et 5 bâtiments ont été incendiés. Le 16 mars, 30 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers ont été blessés. Il y a eu des accidents très graves : je me souviens de ce gendarme dont la mâchoire supérieure a été brisée par un pavé et qui en portera les séquelles toute sa vie ; je me souviens aussi de cette femme et de son enfant qui ont été sauvés in extremis par les forces de l'ordre et les secours dans un bâtiment que les émeutiers avaient incendié. Le bilan des casseurs s'est encore aggravé avec ces blessés ; il est lourd et inexcusable : près de 4 000 personnes – membres des forces de l'ordre, sapeurs-pompiers et manifestants – ont été victimes des débordements et de la violence de ces brutes.
Outre le bilan matériel et humain, je pense qu'il faut évoquer celui qui existe sur le plan économique et moral. Il y a un bilan économique, évidemment, pour les commerçants dont les magasins ont été saccagés, mais aussi pour ceux qui perdent une partie de leur chiffre d'affaires à cause des rituels débordements du samedi. Il y a des employés mis au chômage technique et des millions d'euros de dégâts à réparer. Le bilan est aussi moral. Quand on incendie un restaurant ou que l'on brûle un kiosque, ce ne sont pas les clients qui sont pénalisés. Les premières victimes sont les serveurs qui travaillent jusqu'au milieu de la nuit et perçoivent le SMIC, ainsi que les kiosquiers qui se lèvent tous les jours à 5 heures du matin et qui voient leur vie détruite.
Je souhaite que nous condamnions fermement, ensemble et sans aucune ambiguïté, ces débordements, et je sais que ce sera le cas. Le samedi 16 mars, il n'y avait plus de revendications. Il n'y avait que de la violence, et je le dis parce que, trop souvent, certains parlent de la violence mais en ajoutant un « mais » : pour ma part, quand je parle de la violence, il n'y a pas de « mais ». Face à ces scènes inacceptables, notre première mission, avec Laurent Nunez, a été d'identifier ce qui n'avait pas fonctionné et d'en tirer les conséquences.
Si vous le permettez, madame la présidente, je vais laisser la parole à Laurent Nunez.