La lutte contre la vie chère est un enjeu majeur, surtout depuis la grave crise économique que nous avons vécue, le véritable décrochage qui s'est produit à partir 2004. Dans la période des essais nucléaires, la Polynésie a été « dopée » : c'était la « manne nucléaire ». En 1996 nous avons déjà connu un décrochage, qui avait été plus ou moins rattrapé grâce à la dotation de compensation et aux efforts de la Polynésie pour développer ses ressources propres, notamment en matière de tourisme. En 2004, nous avons cependant subi une grave instabilité politique qui a duré dix ans : treize gouvernements se sont succédé et nous avons perdu dix points de PIB. Le taux de chômage a doublé. Cette situation d'instabilité a été accentuée en 2008 par la crise des subprimes car les États-Unis étaient notre premier marché touristique. Quand la formation politique à laquelle j'appartiens est revenu au pouvoir dans les instances du pays, en 2013, il était en lambeaux. C'était une catastrophe économique, politique, sociale. Les niveaux de pauvreté avaient explosé.
Nous avons alors élaboré un plan de lutte contre la pauvreté et augmenté la pression fiscale de dix points en 2013 sur toutes les catégories sociales, les banques, les assurances, tout le monde, à hauteur de ce que chacun pouvait contribuer. Cette fiscalité a été fléchée dans un fonds pour l'emploi et la lutte contre la pauvreté. Nous ne nous réveillons pas aujourd'hui. C'est un travail de longue haleine ; on ne relève pas en quelques années un pays qui a été en crise pendant dix ans.
Les chiffres que vous avez sont ceux de 2015-2016 ; je vous remettrai ceux de 2018 et vous verrez qu'ils sont bien meilleurs. Nous avons réduit le taux d'endettement, retrouvé la croissance et nous revenons aux trajectoires de 2006. Certes, tout n'est pas encore réglé, même en termes de PIB par habitant, mais la situation est en nette amélioration.
L'État nous a accompagnés. C'est un partenaire majeur dans la reconstruction de la solidarité envers les plus faibles. Notre première action forte a d'ailleurs été de réinscrire un contrat de solidarité entre l'État et la Polynésie.
S'agissant de vos propositions, j'ai un problème de fond avec l'idée de « protectionnisme solidaire » et de lutte contre la vie chère, car c'est contradictoire. Pour votre information, nous avons une taxe pour le développement local qui grève les produits afin de protéger l'industrie locale. En même temps, cela dope forcément les prix. De nombreuses assises se sont tenues en Polynésie sur ces sujets. Nous avons fléché le produit ainsi perçu sur des outils de solidarité et élaboré un plan pour assainir les situations de monopole et d'abus de position dominante, avec la création d'une autorité de la concurrence.
Plutôt que de doper les prix à l'entrée et faire du rattrapage, comme dans vos propositions, pour augmenter les salaires des non-fonctionnaires, nous avons privilégié une stratégie de vérité des prix. Nous souhaitons des outils permettant de bloquer les marges : c'est ce que nous avons fait en revisitant la fiscalité douanière, pour permettre une baisse des prix. De l'autre côté, les aides sociales doivent aider les publics les plus démunis.
Les efforts produisent leurs effets puisque, si nous sommes encore loin d'être sortis de l'ornière, nous avons retrouvé des tendances positives en termes de développement, de taux de croissance, de climat des affaires et même d'emploi, choses que beaucoup de collectivités nous envient.