Intervention de Gérard Longuet

Réunion du jeudi 14 mars 2019 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office :

Je me réjouis de l'ordre du jour de ce matin. Ce sujet est à la fois extraordinairement d'actualité, grand public, et d'une vraie complexité sur le plan technologique, industriel, économique, social, et de l'aménagement du territoire. Il rassemble, dans une actualité brûlante, quasiment toute la problématique de la vie collective de notre pays.

Indépendamment de la commande qui nous a été adressée par les présidents Roland Lescure et Barbara Pompili, au nom respectivement de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, l'actualité du sujet n'échappe à personne, tant il est vrai que l'occupation des carrefours giratoires, et, le samedi, de l'avenue des Champs-Élysées, est assez largement liée à l'inquiétude de certains de nos compatriotes sur leur capacité à disposer d'une mobilité individuelle accessible, notamment au plan financier.

Je voudrais d'abord remercier chaleureusement nos collègues, la députée Huguette Tiegna et le sénateur Stéphane Piednoir, pour leur mobilisation. Vous avez été désignés le 12 juillet, et vous nous rendez un rapport aujourd'hui sur un sujet majeur. C'est un défi que vous avez relevé avec brio. Dans ce défi, vous avez été soutenus par un groupement constitué du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), institut pour lequel j'ai une sympathie toute particulière, puisqu'il a été mon premier employeur. Au terme d'un appel à concurrence, et à l'initiative du premier vice-président Cédric Villani, ces deux organismes scientifiques ont été désignés en tant que soutiens techniques, ce qui correspond à une évidente nécessité, même si vous avez fait par vous-même un important travail d'auditions pour donner à chacun la possibilité d'exprimer son point de vue, et vous permettre de les confronter. En définitive, vous faites apparaître des lignes de force qui sont très clairement exprimées dans votre rapport, et dans ses conclusions.

La saisine par les deux commissions est moins simple qu'il n'y paraît de prime abord. La première phrase de leur lettre commune de saisine du 2 juillet 2018 est porteuse, non pas d'ambiguïté, mais d'interrogations sur la signification de la volonté de l'exécutif : « Le Plan Climat annoncé par Monsieur Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire... » – à l'époque, depuis il a fait le choix de ne plus l'être –, « ...ambitionne » – ce terme n'a pas une signification juridique très claire, ambitionner signifiant que l'on va dans une direction, mais pas nécessairement qu'on l'atteint – «… un arrêt des ventes de véhicules à essence et diesel à l'horizon 2040. » L'ambiguïté résulte aussi du fait que l'on ambitionne d'arrêter les ventes de ces véhicules, mais pas d'en interdire la production. Vous l'évoquez d'ailleurs dans votre rapport, en indiquant que le marché mondial restera demandeur de véhicules thermiques.

Cela illustre la complexité du sujet. Le Plan climat est annoncé, mais il n'est pas décidé, parce qu'en tout état de cause, il implique toute une série de mesures législatives. En tant qu'Office parlementaire, il faut examiner les décisions législatives qui ont été prises ou qui devraient l'être, ce qui n'est pas tout à fait la même chose que l'annonce d'un Plan Climat.

Sur la possibilité de produire, certes on peut ne plus vendre de véhicules à essence et diesel sur le territoire national, mais, le monde étant un village, cela n'empêche pas de les vendre dans d'autres parties du monde. Arrêter de vendre, cela paraît relativement simple. Mais le Plan Climat comporte un objectif très clair, auquel on peut souscrire : la neutralité carbone en 2050. Dix ans auparavant, le Plan Climat « ambitionne » d'arrêter la vente en France de véhicules émettant des gaz à effet de serre. Cela pose un problème, auquel vous allez certainement répondre : d'un côté, on évoque l'arrêt de la vente de véhicules essence et diesel, et de l'autre la vente et la circulation de véhicules émettant des gaz à effet de serre. Qu'en est-il des véhicules qui revendiquent, à tort ou à raison, la neutralité carbone, du fait de la nature de leur carburant ? Nous avons, dans nos assemblées respectives, des partisans enthousiastes des biocarburants, qui vont dire que les conditions de l'arrêt des ventes des véhicules essence et diesel sont en contradiction avec l'objectif, beaucoup plus clair en termes d'environnement, d'un arrêt de la vente des véhicules émettant des gaz à effet de serre, ce qui permettrait de vendre ceux dont la neutralité carbone est reconnue.

Ensuite, il découle du deuxième paragraphe de la lettre de saisine, que la commande concerne les véhicules électriques, puisqu'il indique : « relever le défi climatique : les véhicules électriques font partie de la solution ». Vous avez traité ce sujet, en divisant les véhicules électriques en deux grandes catégories : véhicules à batterie et véhicules à pile à combustible (PAC), utilisant l'hydrogène. Vous introduisez également une catégorie intermédiaire, le véhicule hybride, qui existe aujourd'hui, et dont vous pensez qu'il représente certainement un élément du cheminement vers l'objectif évoqué.

Le défi du véhicule électrique, question qui nous est posée en tant qu'Office parlementaire, tient aussi à ce qu'il représente une opportunité industrielle pour notre pays. Vous l'évoquez bien, plutôt comme une contrainte. La dimension positive apparaît moins nette, mais l'importance des enjeux en présence semble mériter un examen approfondi.

Quel est l'objectif : le véhicule électrique, la neutralité carbone, ou le fait d'être compatible avec les contraintes et les enjeux ? Votre rapport le montre bien. Vous y dévoilez un paysage beaucoup plus complexe qu'il n'y paraissait a priori. Le seul risque que vous prenez avec ce rapport, c'est d'être sollicités pour le poursuivre sur les aspects que vous n'avez pas eu le temps de traiter ! Nous avions ainsi, le 29 novembre 2018, évoqué le sujet plus spécifique du déploiement des infrastructures de recharge de véhicules électriques. On peut également se poser la même question sur les infrastructures de recharge de véhicules disposant d'une pile à combustible. Et il y a matière à approfondir encore le sujet, notamment s'agissant du phasage dans le temps des conséquences industrielles, donc aussi sociales, de cette évolution.

J'ajouterais un point qui n'était pas dans la commande que vous aviez reçue : la question de la neutralité carbone sur l'ensemble de la chaîne. Vous évoquez à juste titre le coût d'usage global pour le propriétaire du véhicule, l'acronyme anglais étant TCO (Total Cost of Ownership). La neutralité carbone n'est pas une affaire facile, dès lors que l'on prend en compte la totalité des événements qui entrent dans le bilan carbone global : la construction du véhicule, son entretien, l'infrastructure mise en place, et le traitement du véhicule en fin de vie, avec les batteries ou les piles à combustible.

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