Intervention de Pierre Morel-À-L'Huissier

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2019 à 15h00
Services départementaux d'incendie et de secours et profession de sapeur-pompier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-À-L'Huissier :

Attention aussi à ne pas rouvrir un débat qui nous a occupés en 2010 et 2011 sur la définition juridique du SPV : neuf heures de travail au sein du Conseil d'État, et plusieurs jours de préparation avec les collaborateurs du Conseil d'État pour parvenir, après de difficiles discussions, à une définition qui permettait, au sens du droit positif français, de sortir le SPV à la fois du statut de la fonction publique mais aussi du code du travail. Le Conseil d'État a accepté de revenir sur son avis de 1993, qui qualifiait le SPV de collaborateur occasionnel du service public, le rattachant ainsi au statut de la fonction publique, en en faisant un salarié. Je tiens à citer l'article 1er de ma loi, devenu aujourd'hui l'article L723-5 du code de la sécurité intérieure : « L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres. »

C'est pourquoi cette définition, arrachée de longue lutte, permettait à la France de préserver le volontariat chez les pompiers. Nous savions déjà, à l'époque, qu'elle ne résisterait pas à la directive communautaire de 2003, que certains aujourd'hui découvrent. Mais c'était un choix fort du gouvernement français et du Parlement, tant de l'Assemblée nationale que du Sénat, avec l'aide du Conseil d'État. Aussi, quelle n'a pas été ma surprise de voir un amendement de mon ami Dino Cinieri qui tendait à revenir à la notion de collaborateur occasionnel du service public, amendement qu'Arnaud Viala avait accepté, et qui a été rejeté par la commission, car son adoption aurait conduit à rapprocher le SPV du statut de la fonction publique.

Aujourd'hui, et je le dis fermement, tout ce qui peut conduire à fragiliser le statut sui generis du SPV français est à proscrire. Toute la doctrine avait salué, à l'époque, la rédaction de l'article 1er et, encore aujourd'hui, malgré l'arrêt Matzak, la doctrine rappelle le travail minutieux mené lors de l'élaboration de la loi de 2011. Je le redis à mes collègues, sur un sujet aussi complexe, il faut saisir préalablement le Conseil d'État, et surtout s'assurer auprès du ministère de l'intérieur et du ministère du budget de la faisabilité technique, juridique et financière de telle ou telle mesure.

Je peux comprendre que votre proposition de loi serve d'aiguillon au Gouvernement, à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des risques, au Parlement, voire aux syndicats, ainsi qu'à la Commission européenne. Je pense notamment à des propositions diverses et variées comme l'allégement des charges patronales, les autorisations d'absence, les contributions d'organismes paritaires pour la formation, l'accès aux emplois réservés, l'amélioration de la couverture sociale, la modification de trimestres de retraite, l'accès aux logements sociaux, les stages d'étudiants. Je pense également aux mesures plus larges sur le délit d'outrage, le numéro unique, les crédits de soutien aux investissements des SDIS. Nous aurions pu également parler de la féminisation du service civique, des campagnes nationales de promotion, du service national, de la dotation d'équipement des territoires ruraux – DETR – , des réservistes, des pré-acquis et de la formation, de la gouvernance des SDIS. Tout ceci va dans le bon sens, mais pour être utile, encore faut-il que de telles mesures soient, je le redis, juridiquement, financièrement et techniquement plausibles.

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