Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2019 à 15h00
Services départementaux d'incendie et de secours et profession de sapeur-pompier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

… mais je le dis parce que cela me semble plus essentiel que de parler de la droite et de la gauche.

Ce texte est intéressant, car il permet de poursuivre le débat sur les services départementaux d'incendie et de secours, qu'il s'agisse des pompiers professionnels ou des pompiers volontaires. À mon tour, je tiens à leur rendre hommage, car ils exercent un métier difficile : ils sont souvent en dernière ligne, ceux qui restent quand il n'y a plus personne, ceux qu'on appelle quand tous les autres n'ont pas répondu ou ne sont pas arrivés. Or le texte ne fait pas mention du recul général des services publics, qui a pour conséquence un accroissement de l'activité des pompiers professionnels et volontaires. Les organisations syndicales notamment m'ont indiqué que les regroupements du SAMU et des SMUR s'étaient traduits, dans certains cas, par un tel allongement des temps de trajet que les pompiers étaient plus rapides et devaient occuper un rôle auparavant dévolu à leurs collègues du SAMU ou du SMUR.

Il en va de même pour la police. Vous disiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, qu'il existait des protocoles. De fait, il en existe pour tout et, en théorie, tout est prévu et tout se passe bien, mais là n'est pas la question : au-delà des protocoles, lorsque se produisent des incidents, bagarres ou rixes, qu'il y a des blessés et que les pompiers doivent intervenir, ils sont, dans la quasi-totalité des cas, plus rapides que les policiers et arrivent donc les premiers. Comme nous n'avons plus de policiers de proximité – ou si peu – , les pompiers se retrouvent en première ligne et les policiers arrivent après la bataille. Lorsqu'on veut renforcer le volet pénal face à l'insécurité et à la violence qui vise les pompiers, c'est qu'il est déjà trop tard : on a déjà failli et on se trouve déjà dans une situation qui n'aurait pas dû être. On ne résoudra pas le problème en se contentant de ces mesures.

Pour en revenir à la question centrale du volontariat, on évoque rarement le « volontariat forcé » que connaissent certains pompiers professionnels auxquels on demande d'être en même sapeurs-pompiers volontaires afin de pouvoir gérer le plan de charge et assurer la continuité du service public. Dans de nombreux départements, c'est le cas de la moitié des sapeurs-pompiers professionnels. Cette situation rend clairement inapplicables l'arrêt Matzak et la réglementation européenne – on n'est plus du tout dans les clous, et je comprends qu'on ne veuille pas et qu'on ne puisse pas les appliquer. Cette réglementation n'en pourrait pas moins avoir de l'intérêt pour les sapeurs-pompiers professionnels – et pour eux seuls – , car nous n'allons tout de même pas nous plaindre que les travailleurs aient des droits fondamentaux, par exemple des temps de repos.

C'est donc plutôt pour les sapeurs-pompiers qui ne sont que volontaires que l'arrêt Matzak et la directive sur les travailleurs posent problème. Je ne tournerai pas autour du pot, car il me semble que cette question fait l'unanimité sur tous nos bancs : il faut renégocier ces dispositions et prévoir un statut particulier pour les sapeurs-pompiers volontaires.

Cela n'épuise cependant pas le sujet. Si on croit avoir réglé le problème du volontariat en se contentant de cette modification, on se fourre le doigt dans l'oeil. La question se posera notamment, je l'ai souligné en commission, à l'occasion d'opérations telles que les plans blancs. En effet, la plupart des sapeurs-pompiers volontaires qui ne sont pas en même temps sapeurs-pompiers professionnels sont souvent issus du corps médical, ambulanciers ou soignants, qui sont précisément mobilisés au titre du plan blanc : seront-ils alors d'abord ambulanciers, ou sapeurs-pompiers volontaires ? Si les différentes catégories se recoupent, disposons-nous des effectifs nécessaires ? Il faudra donc travailler à renforcer le volontariat – et, en réalité, à renforcer les effectifs des sapeurs-pompiers professionnels. Vous ne pouvez pas éviter cette question.

Toutefois, pour ce qui concerne les sapeurs-pompiers volontaires, tous les éléments de la directive relative aux travailleurs ne sont pas à jeter, notamment dans le domaine de la protection sociale. On m'a rapporté de nombreux cas de volontaires blessés pendant leurs heures de volontariat et, s'il existe bien des mécanismes de compensation et de prise en charge, aucun lien n'est prévu lorsque ces blessures les empêchent d'exercer leur travail quotidien, si bien qu'ils n'ont plus qu'à se débrouiller – a fortiori s'il s'agit d'intérimaires que leurs blessures empêchent d'effectuer leurs missions d'intérim : que tchi, walou ! Ils n'ont plus que leurs yeux pour pleurer. C'est là un point sur lequel on pourrait progresser, ce qui rendrait en outre plus facile d'envisager le choix de devenir pompier volontaire.

On manque donc de sapeurs-pompiers professionnels et, si j'en juge par la manière dont on m'a présenté cette situation, il y a là un mystère, car le nombre de postes ouverts à l'échelle nationale pour leur recrutement ne semble pas correspondre aux besoins exprimés par l'ensemble des départements. Il y a un problème ! Les départements demandent 100, 200 ou 300 sapeurs-pompiers et l'on devrait donc pouvoir, en additionnant ces chiffres, recruter un nombre correspondant de sapeurs-pompiers professionnels. Or, ce n'est jamais le cas et il est systématique que les organisations syndicales déplorent que des départements qui ont demandé le recrutement de 100 sapeurs-pompiers n'aient pu en recruter que 70 ou 60. Il y a là une petite énigme, qu'il faudra résoudre.

J'ai bien compris que nous ne pourrions pas examiner les articles du texte ni discuter les amendements. Je tiens cependant à insister sur trois de ces amendements.

Le premier, qui aurait été examiné au début du texte, fait suite à la discussion que nous avons eue en commission à propos de l'exonération de cotisations sociales prévue par la proposition de loi pour les entreprises employant un sapeur-pompier volontaire. J'avais alors rappelé que les cotisations sociales servaient à quelque chose et un débat s'était alors engagé pour savoir si la mesure proposée était destinée à compenser le manque subi pour l'entreprise du fait que l'un de ses salariés aille faire du volontariat. On avait alors dit que ce n'était pas vraiment pour compenser, mais un peu quand même… Je vous propose d'être plus clairs !

Nous avions déposé un amendement de suppression, que j'ai maintenu, mais également cet amendement de proposition tendant à instaurer un crédit d'impôt au titre de l'impôt sur les sociétés. Il nous paraît en effet beaucoup plus logique d'accorder un tel crédit, au prorata du nombre d'heures de volontariat effectuées par le salarié, en assumant qu'il s'agit là d'une certaine forme de compensation pour l'entreprise qui a embauché un sapeur-pompier volontaire. De la sorte, on ne touche plus aux cotisations sociales.

Je verse cette suggestion au débat. Peut-être sera-t-elle utile lorsque nous aurons à examiner un plus grand texte sur ces questions. J'ai bien compris, en effet, que les idées doivent venir de la majorité pour être jugées utiles – ce n'est, du reste, pas une nouveauté de cette législature.

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