Intervention de Christian Charrière-Bournazel

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 11h35
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Christian Charrière-Bournazel, avocat, ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris :

C'est une question très importante. À mon avis, la suppression du service national a été une catastrophe. On était dans ce lieu pour servir. Sans aucune distinction de milieu social, d'origine ethnique ou de couleur de peau, on y était des citoyens français, alignés de la même manière sur le même service.

Je le dis d'autant plus que je n'ai pas fait de service national armé : j'ai fait mon service dans la coopération. Comme j'avais fait des études de lettres et de droit, et que j'avais enseigné trois ans en France, je suis allé enseigner deux ans au Maroc. Ce fut pour moi une expérience absolument formidable, une source d'ouverture d'esprit énorme. J'ai gardé des liens avec d'anciens élèves, à peine plus jeunes que moi. Ils sont restés des amis. Compatriotes méditerranéens, nous avons le sentiment d'avoir les mêmes repères moraux et intellectuels. C'est essentiel. Souvent, leurs enfants sont venus en France et sont des Français.

Dans leur enfance, tous les jeunes n'ont pas eu la chance d'avoir des parents scolarisés assez longtemps et ils sont perdus. S'il est assez long, le service national universel peut jouer un rôle fondamental dans la cohésion sociale. Mais il ne faut pas qu'il dure quinze jours, trois semaines ou un mois. Même six mois, c'est trop court. C'est là que l'on se rencontre, que l'on se connaît. Des jeunes, qui ne se connaissaient pas, apprennent à se voir. C'est essentiel. C'est comme le lycée étranger des environs de Lille où j'avais envoyé deux de mes fils en pension. Je leur avais dit d'inviter à la maison, pendant les week-ends, les enfants dont les parents étrangers n'habitaient pas en France. Pendant des années, nous avons eu à la maison des garçons et des filles de toutes les nationalités et de tous les continents. Mes fils ont des amis partout dans le monde.

Il est essentiel de se rapprocher les uns des autres, d'échanger, de participer à une aventure commune qui laisse des souvenirs souvent très heureux, et de se comprendre. Rien n'est pire que cette solitude dans certains quartiers sinistres de nos villes, où il n'est pas possible d'avoir de l'espérance. Comment organiser ce service national universel sur le plan matériel ? Je ne sais pas. Je serais prétentieux de faire des propositions mais je suis absolument favorable au principe.

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