Les équipements qui supporteront les nouveaux réseaux de cinquième génération feront potentiellement courir de nouveaux risques en matière de cybersécurité, du fait de plusieurs facteurs qui ont déjà été relevés par le rapporteur et la secrétaire d'État : leurs caractéristiques intrinsèques et leurs spécificités techniques, d'abord ; l'usage de la 5G dans certains domaines industriels critiques, notamment les véhicules connectés et les réseaux d'énergie, ensuite ; des obligations légales, enfin, qui pourraient contraindre les opérateurs à coopérer avec des États étrangers dans la collecte de renseignement.
L'exploitation des faiblesses des équipements de desserte des réseaux 5G, du fait d'erreurs ou de défauts de conception, volontaires ou non, pourrait porter atteinte à la sécurité nationale. La mise en place de la 5G a pris une dimension politique européenne et internationale, du fait des fortes craintes exprimées par les États-Unis sur la probité de l'opérateur chinois Huawei. Cette crainte s'exprime dans le contexte particulier d'une guerre commerciale larvée entre les deux grandes puissances. Les États-Unis, par le biais de leur ambassadeur à Berlin, ont notamment sommé l'Allemagne d'exclure l'opérateur chinois de l'appel d'offres d'ouverture à la 5G sur son territoire national, sous peine de renoncement à tout échange de renseignement entre les deux pays. L'Allemagne, qui tire une grande partie de ses exportations du commerce avec la Chine, a refusé cet ultimatum, mais a affirmé vouloir prendre toutes les précautions nécessaires au niveau technique.
Avec cette proposition de loi du groupe majoritaire, qui introduit un régime d'autorisation préalable pour certains équipements radioélectriques, la France semble s'engager dans une voie qui lui permettra d'interdire les opérateurs qui ne respecteraient pas les conditions légales d'intégrité et de sécurité des réseaux. Il faut noter que l'agenda européen percutera probablement l'examen de cette proposition de loi, puisqu'un important sommet de l'Union européenne avec la Chine aura lieu le 9 avril, la veille de son examen en séance publique.
Ce texte prévoit l'obligation de formuler une demande d'autorisation préalable au Premier ministre avant toute exploitation de certains équipements radioélectriques. Ce dernier déterminera « s'il existe un risque sérieux d'atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale, en se basant sur les critères définis dans la loi et notamment au regard des garanties que présente l'équipement pour l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation des réseaux ». Devront ainsi être respectées les conditions de permanence, de qualité, de disponibilité, de sécurité et d'intégrité du réseau et du service, les conditions de confidentialité et de neutralité au regard des messages transmis et des informations liées aux communications et, enfin, les prescriptions exigées par l'ordre public, la défense nationale et la sécurité publique, notamment celles qui sont nécessaires à la mise en oeuvre des interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique. La liste des équipements soumis au régime d'autorisation sera d'ailleurs publiée et régulièrement actualisée. Il sera notamment porté attention au fait que les opérateurs ne soient pas soumis à l'ingérence d'États non membres de l'Union européenne. Cette autorisation sera délivrée pour un ou plusieurs modèles et un périmètre géographique pour une durée maximale de huit ans. La proposition de loi prévoit également, en cas d'infraction à ce dispositif, des peines d'emprisonnement et des amendes.
Madame la secrétaire d'État, Monsieur le rapporteur, le groupe Socialistes et apparentés est a priori favorable à cette proposition de loi, mais nous souhaitons faire deux remarques à ce stade des débats. Premièrement, il nous semble nécessaire que la décision du Premier ministre soit pleinement éclairée et rendue après avis de l'ANSSI. Nous proposerons donc un amendement en ce sens. Deuxièmement, les opérateurs craignent que les délais d'instruction prévus par la présente proposition de loi aient pour effet de ralentir le déploiement des réseaux 4G et 5G. Pouvez-vous, Monsieur le rapporteur, nous donner votre avis sur ce point ?