Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Présentation

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Nous examinons le projet de loi sur la taxation des géants du numérique. Ce texte était un engagement du Président de la République et une priorité de la campagne présidentielle. L'engagement sera tenu et cette priorité se traduira en acte.

Pourquoi la taxation les géants du numérique est-elle une priorité ? Pourquoi la France s'est-elle engagée depuis deux ans dans ce combat, sans cibler aucun État, aucune nation en particulier, mais avec un objectif de justice et d'efficacité fiscale ? Elle le fait parce que nous sommes confrontés à une révolution économique à laquelle nous n'avons jusqu'à présent apporté aucune réponse fiscale. Cette révolution, c'est celle de l'économie du numérique qui crée de la valeur à partir des données. Aujourd'hui, la valeur est créée en France grâce aux consommateurs français et aux données françaises, mais les impôts sont perçus ailleurs, en Irlande ou aux États-Unis notamment – quand ils sont recouvrés.

Les États-Unis nous disent qu'ils ont augmenté leur taux d'imposition sur ces activités au cours des derniers mois et que cela rendait inutile la taxation nationale sur les activités numériques ; s'il est vrai qu'ils ont augmenté leurs taux d'imposition, la France et le trésor public français ne perçoivent rien de ces impôts sur des données produites en France. Il est à nos yeux inacceptable que les opérateurs numériques réalisent des profits considérables grâce à nos données, notamment personnelles, alors que leurs profits sont beaucoup moins taxés que ceux de nos PME et TPE. Pour faire simple : les bénéfices sont en France mais les impôts sont à l'étranger. Personne ne peut l'accepter.

Il est inacceptable que cette situation fiscale – où la France est privée du bénéfice du produit de la valeur des données françaises – conduise également à l'émergence de géants du numérique qui rachètent, une à une, toutes nos start-ups et tuent l'innovation dans notre pays. La grande question qui se pose, au-delà de cette injustice fiscale, est claire : à quelle régulation souhaitons-nous désormais soumettre l'économie numérique ? Et la taxation du numérique n'est qu'une partie de la réponse à cette question.

En revanche, c'est l'honneur de la France d'être en pointe sur ces sujets. C'est l'honneur de la France d'avoir soulevé la question de la régulation de l'économie numérique. C'est l'honneur de la France d'avoir fait de l'imposition minimale une priorité lors du G7 Finances que je préside – et j'aurai l'occasion, dès la fin de la semaine, de dire à mes partenaires du même G7 qu'il est indispensable d'instaurer une imposition minimale à l'impôt sur les sociétés pour éviter cette évasion fiscale grâce à laquelle on fait des bénéfices à un endroit, qu'on délocalise ensuite à un autre pour payer moins d'impôts et être soumis à moins de taxes. C'est aussi pourquoi nous voulons transformer le droit européen de la concurrence pour l'adapter aux réalités technologiques et économiques du XXIe siècle et éviter la constitution de monopoles qui captent des rentes, des données et qui empêchent l'émergence de nouveaux acteurs économiques. C'est pour cela aussi que nous avançons aux niveaux national et international pour taxer les géants du numérique.

Au vu de cette réalité économique mondiale nouvelle, je suis tenté de répondre à tous ceux qui soutiennent que ce combat pourraient affecter nos champions nationaux et européens : mais quels champions nationaux et européens puisque, hélas, nous n'avons pas été capables, au cours des dix dernières années, de faire émerger ces champions technologiques européens ou nationaux, faute d'ambition mais aussi parce que ces données étaient captées par un petit nombre d'entreprises ?

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