La TSN touchera-t-elle des entreprises avec peu de marges ? C'est certes possible, quoique peu probable compte tenu du secteur touché, et ce ne sera au demeurant pas la première taxe sectorielle sur le chiffre d'affaires à être créée – je note que les précédentes avaient suscité moins d'émoi chez certains de nos collègues… Et puis, retenir comme assiette le bénéfice ou la marge exposerait la taxe à une neutralisation par les conventions et permettrait des manipulations. Enfin, si la TSN touchera certes des entreprises américaines qui paient déjà l'impôt, la vraie question n'est pas de savoir combien ces entreprises paient d'IS mais où, sachant que ce n'est pas là où la valeur est créée, là où sont leurs utilisateurs, en l'occurrence en France. J'ajoute que si le taux d'imposition de certaines entreprises américaines a augmenté, il intègre les milliers de milliards de dollars logés pendant des années aux Bermudes ou ailleurs en toute franchise d'impôts, et seulement récemment taxés. Je rappelle que la Commission européenne a établi qu'Apple, entre 2003 et 2014, supportait au titre de ses bénéfices européens un taux d'IS de 1 %, descendu jusqu'à 0,005 %, soit 5 000 fois moins que les chiffres avancés dans certaines des études parues ces derniers jours.
Venons-en aux travaux de la commission. Nous avons apporté au dispositif initial de nombreuses modifications qui le perfectionnent, le précisent ou le rendent plus opérationnel. Ainsi, par un amendement que j'ai déposé, les services exclus ont été précisément définis, notamment les bourses d'enchères dans la publicité programmatique, mais aussi, pour tenir compte de l'avis du Conseil d'État, certains services financiers. Nous avons également prévu un mécanisme particulier afin de garantir que la TSN due au titre de l'année 2019 porte sur des données dont les redevables disposent effectivement. Par ailleurs, à mon initiative, le mécanisme initial de conversion monétaire en euro a été amélioré pour tenir compte des variations de change dans l'année. Les modalités déclaratives et de paiement ont également été améliorées par diverses précisions, dont l'inscription dans la loi de l'assiette des pénalités applicables en cas de modulation à la baisse excessive des acomptes. De plus, la commission a rendu plus opérationnel et sécurisé le contrôle de la TSN puisque, à l'initiative de nos collègues Émilie Cariou et Jean-Noël Barrot, le délai de reprise de l'administration a été porté à six ans, et qu'à mon initiative, la mise en demeure préalable à une éventuelle taxation d'office a été étendue, dans le souci de ne pas pénaliser à l'excès les redevables. Notre commission a également supprimé la déductibilité de la TSN de l'assiette d'une autre taxe, connue sous le nom de « taxe YouTube », pour ne pas réduire les ressources du CNC – le Centre national du cinéma et de l'image animée. Nous avons aussi, à l'unanimité ou presque, adopté plusieurs amendements identiques signés par les deux rapporteurs pour avis, par nos collègues du MODEM et par moi-même, pour répondre aux préoccupations sur le caractère provisoire de la TSN. Chaque année, et dès septembre prochain, le Gouvernement devra présenter l'état des négociations internationales en cours, les pistes étudiées et leur impact pour la France et nos entreprises ainsi que, j'insiste sur ce point, tous les éléments permettant de fournir un calendrier ou une date de substitution de la solution internationale à la TSN. Nous pourrons donc débattre de ces sujets dès septembre, nous assurant que le Parlement dispose d'un droit de regard bien éclairé en la matière.
Mes chers collègues, l'Assemblée tient ici une occasion rare d'envoyer un signal fort en faveur de l'équité fiscale, et, plus généralement, de participer au travail de modernisation du cadre fiscal international. C'est pourquoi la commission a adopté ce projet de loi, enrichi des éléments que je vous ai rapidement présentés, et je vous invite à faire désormais de même, en y apportant toutes les améliorations qui se révéleraient le cas échéant utiles.