Monsieur le ministre, vous nous avez dit la semaine dernière en commission que la taxe sur les services numériques n'avait rien à voir avec l'évasion fiscale, qu'en aucun cas ce projet de loi ne visait à combattre l'évasion fiscale. Mais comment pourrions-nous aborder ce texte sans parler d'évasion fiscale ? Que vous le vouliez ou non, l'évasion ou l'optimisation fiscale est au coeur du sujet que nous traitons aujourd'hui. D'ailleurs, comment expliquer autrement l'inacceptable écart d'imposition entre nos PME, qui paient 23 % d'impôts, et les multinationales, qui en paient 9 % grâce à des paradis fiscaux comme l'Irlande et les Pays-Bas, où elles délocalisent leurs bénéfices ?
Nous ne pouvons donc aborder ce débat par le petit bout de la lorgnette, sans parler de l'évasion fiscale. Les GAFA, c'est l'arbre qui cache la forêt. Eh bien, nous, nous voulons nous attaquer et à l'arbre et à la forêt.
Je commencerai par la forêt. La forêt de l'évasion fiscale, ce sont d'abord des États, des paradis fiscaux qui ne jouent pas le jeu de la coopération fiscale : pour attirer des capitaux, et même de l'argent sale, ils pratiquent des taux d'imposition quasi nuls. L'évasion fiscale est le cancer de l'Europe, le mal qui ronge nos économies. En refusant de vous y attaquer, de mettre ces pays sur une liste noire des paradis fiscaux, vous acceptez ce dumping fiscal, cette course effrénée vers les taux d'impôts les plus bas.
Une lueur d'espoir s'est toutefois allumée dernièrement, lorsque le Parlement européen a adopté un rapport épinglant sept États qui présentent les caractéristiques d'un paradis fiscal : la Belgique, Chypre, la Hongrie, l'Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas. Rendons-nous bien compte : trois des six États fondateurs de l'Union européenne figurent dans la liste ; trois membres fondateurs de l'UE sont des paradis fiscaux. Il y a tout de même quelque chose qui ne tourne pas rond !
Cette question devrait être au coeur des réponses apportées au grand débat, comme de la campagne des élections européennes, puisqu'à cause de ces pays il manque 1 000 milliards d'euros dans les budgets des États. Vous pouvez bien sûr compter sur les communistes pour en faire leur priorité lors de cette campagne.
Après la forêt, j'en viens à l'arbre : le contenu du projet de loi.
L'assiette que vous avez retenue pour la taxe sur les GAFA concerne les seules entreprises du numérique : exit les autres multinationales qui pratiquent elles aussi le jeu dévastateur de l'optimisation fiscale – Renault et sa filiale aux Pays-Bas, LVMH à Malte, PPR et son activité au Luxembourg, Nike, McDonald's, Starbucks, etc. Même Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d'administration fiscales à l'OCDE, a convenu que cette assiette n'était pas très grande. Je vous l'ai déjà dit, ce n'est pas une assiette, c'est une soucoupe – que dis-je, un sous-bock en carton !