Permettez-moi tout d'abord de rappeler la promesse que vous avez faite, monsieur le ministre, devant les représentants de la nation dans cet hémicycle, le 16 novembre 2017, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. À l'époque, vous vous engagiez à ramener le taux de l'impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % sur l'ensemble du quinquennat, soit une baisse de charges fiscales de plus de 11 milliards d'euros pour les entreprises. Le 23 novembre 2017, vous réitériez devant les sénateurs l'engagement solennel de redonner du souffle à des entreprises françaises asphyxiées par les charges qui grèvent leur compétitivité. La main sur le coeur, vous promettiez de ramener le taux de l'impôt sur les sociétés à 28 %, dès 2018, sur la fraction de bénéfices inférieure à 500 000 euros ; pour tous les bénéfices, ce taux serait ramené à 31 % en 2019, à 28 % en 2020, à 26,5 % en 2021 et à 25 % en 2022.
Malheureusement, seize mois vous auront suffi pour trahir la confiance des entreprises et revenir sur votre promesse. En proposant un taux différent de celui initialement prévu pour l'année 2019, vous ne vous contentez pas de dévier de votre trajectoire. Au total, ce sont 1,76 milliard d'euros d'impôts supplémentaires que vous créez.
Certes, la semaine dernière, vous avez affirmé devant la commission des finances que votre revirement n'était qu'une modification conjoncturelle liée à la transformation du CICE en allègement de charges pérenne et que la promesse d'un taux de 25 % en 2022 serait tenue. Or l'argument du CICE ne tient pas, car l'impact de sa transformation était connu bien avant décembre dernier.
Comment vous croire sur parole alors qu'à peine un an et demi après votre première déclaration, vous sollicitez encore un nouvel effort de la part des entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros ? Ces entreprises ne sont pas toutes des multinationales ou des grands groupes du CAC 40, loin de là !
Comment nos dirigeants d'entreprises peuvent-ils vous croire alors que vous avez refusé de réaffirmer devant la commission des finances le maintien de la trajectoire du taux d'imposition à 28 % en 2020 et 26,5 % en 2021 ? C'est la crédibilité de l'État et du Président de la République qui est en jeu.
Inutile de rappeler que les dépenses publiques ont augmenté de 44 milliards d'euros en deux ans et que la dette a poursuivi son envolée – elle s'est accrue de 150 milliards d'euros supplémentaires pour atteindre le niveau record de 2 315 milliards au 31 décembre 2018. Dans la mesure où vous ne faites pas d'effort pour réduire la dépense publique, vous choisissez la seule solution alternative possible : continuer à augmenter les impôts.
À l'heure où le déficit de notre balance commerciale culmine à près de 60 milliards d'euros, contre 280 milliards d'excédent pour l'Allemagne, l'inconstance fiscale de votre ministère est mortifère. Faute d'offrir une visibilité sur l'avenir, vous tuez dans l'oeuf tout espoir de compétitivité. Ainsi, au détour d'un texte relatif à la taxation du numérique, vous revenez sur un de vos engagements, au détriment de la compétitivité de notre pays.
J'en viens à l'article 1er du projet de loi, qui a focalisé l'attention des observateurs, probablement pour mieux éclipser votre manoeuvre à l'article 2.
Nous partageons votre objectif de soumettre les mastodontes du numérique que sont les GAFA à un plus juste niveau d'imposition. C'est une question d'équité devant l'impôt, alors que l'évasion fiscale révolte à juste titre nos compatriotes. C'est également une nécessité budgétaire, sachant que notre niveau de déficit est la risée de l'Europe. Il est indispensable de mieux taxer les géants du numérique, tant il est inconcevable et insupportable que ces multinationales soient soumises à un taux moyen d'imposition bien plus faible que les entreprises traditionnelles.