Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Attention, toutefois, à ne pas tomber dans la caricature qui consiste à penser que les GAFA se soustrairaient totalement à l'impôt. Les choses sont tout de même en train de changer : depuis la réforme fiscale menée aux États-Unis en 2017, lorsque ses profits à l'étranger sont taxés à moins de 13,125 %, une multinationale doit désormais payer la différence aux États-Unis. Il s'agit donc d'une véritable arme contre les paradis fiscaux.

Cette précision étant faite, nous souhaitons, tout comme vous, revoir les règles d'imposition des géants du numérique. Le groupe Les Républicains avait d'ailleurs été précurseur en la matière, puisqu'il avait proposé une taxe sur le chiffre d'affaires lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019. Nous avons néanmoins des réserves réelles sur la méthode et les modalités que vous avez choisies. Plusieurs questions méritent d'être posées à cet égard.

Première question : pourquoi la France est-elle aujourd'hui contrainte d'avancer de manière très isolée sur ce sujet ? Vous le savez pertinemment, cette taxe nationale est en définitive une taxe par défaut, une taxe de repli faute de mieux. Pour être efficace, une telle taxe devrait être instaurée au minimum au niveau européen, voire à l'échelle internationale, au niveau de l'OCDE. Or la France est obligée de faire cavalier seul, car l'exécutif n'a pas été capable d'obtenir un accord avec nos partenaires de l'Union européenne. Il s'agit d'un échec de la France dans les discussions, dont le Gouvernement porte l'entière responsabilité – il nous avait pourtant longtemps assuré qu'il parviendrait à un accord.

Que dire ensuite, monsieur le ministre, de votre refus d'inscrire le caractère transitoire de la taxe dans le marbre de la loi en attendant la possible création d'une taxe à l'échelle de l'OCDE ? Ce refus entêté est illogique, dans la mesure où il entravera probablement la possibilité de trouver une solution efficace à l'échelle internationale. Vous affirmez vous-même – vous venez d'ailleurs de le répéter ici – que cette taxe devra être provisoire. Pourtant, c'est bien une taxe pérenne que vous proposez avec ce texte, puisque vous repoussez les amendements par lesquels nous proposons d'inscrire dans la loi qu'elle présente un caractère transitoire.

Deuxième question, essentielle : cette taxe GAFA atteindra-t-elle l'objectif visé ? La réponse est malheureusement nuancée, car il s'agit non pas d'une taxe GAFA, mais, en réalité d'une taxe beaucoup plus large sur les activités numériques. Elle ne permettra donc absolument pas de séparer le bon grain de l'ivraie. Créée pour sanctionner les moins vertueux, elle s'appliquera également à des entreprises qui ne font pas d'optimisation fiscale. Prenons garde aux effets de bord de la loi, qui pourrait pénaliser des fleurons français tels que Criteo ou Deliveroo.

En outre, si les jeunes pousses françaises ne sont pas concernées par ce nouvel impôt, celui-ci leur envoie un signal très défavorable, car il n'est absolument pas ciblé. Alors que la France manque précisément de « licornes », ces sociétés dont la valorisation dépasse le milliard d'euros, voulons-nous vraiment dissuader l'investissement des entreprises traditionnelles dans la transformation digitale ?

J'ai déposé un amendement par lequel je propose que la nouvelle taxe soit imputable sur l'impôt sur les sociétés.

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