Nous examinons aujourd'hui un projet de loi qui pourrait faire sens et répondre à la demande exprimée par nos concitoyens d'une plus grande justice fiscale. Médiatiquement, il pourrait ressembler à un projet de taxation des GAFA, ces géants du numérique qui ne paieraient pas suffisamment d'impôts en France.
Pourtant, l'article 1er vient créer une taxe sur l'ensemble des services numériques, qui ne semble pas affecter les GAFA de manière particulièrement significative au vu de son assiette et de son rendement, estimé à 400 millions d'euros à peine pour une trentaine de groupes redevables.
Cette taxe n'est pas une taxe de justice fiscale applicable aux GAFA, mais une taxe sur l'économie numérique, dont le périmètre est discutable. Taxer les entreprises qui opèrent sur notre territoire mais qui évitent de payer des impôts est louable ; cependant, cette bonne intention ne doit en aucun cas s'effectuer au détriment de toutes les entreprises qui respectent nos règles fiscales et paient les impôts et taxes qui leur sont demandés. Il est donc très important de s'assurer que ladite taxe n'aboutira pas à une double taxation qui profiterait alors uniquement au renforcement des plus gros acteurs du secteur.
À vous entendre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la taxe sur les services numériques serait facile à mettre en oeuvre. Pourtant, le seul calcul du chiffre d'affaires numérique, donc lié uniquement aux trois activités assujetties à la taxe, suppose une ventilation très fine du chiffre d'affaires des différentes activités des groupes réalisant 25 millions d'euros de chiffre d'affaires en France et 750 millions d'euros au niveau mondial.
À cette ventilation s'ajoute un mécanisme de localisation des utilisateurs, différent en fonction du type de l'activité numérique et ne nécessitant pas le même type d'information. La part des revenus rattachés au territoire national sera calculée à partir des revenus mondiaux, auxquels sera appliqué un coefficient de présence numérique en France. Ce coefficient sera déterminé au prorata des utilisateurs français actifs sur le service. Comment l'administration fiscale française pourra-t-elle obtenir ces données, qui ne sont pas nécessairement conservées par les entreprises elles-mêmes ?