Aborder ces sujets dans une instance unique, qui pourrait être dénommée – mais cela reste à creuser – « conseil économique et social » ou « conseil social et économique », doit permettre de parler davantage de prévention organisationnelle, au même titre que de prévention technique, sociale, managériale, c'est très important. La question de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, j'en suis d'accord, est de l'intérêt commun des salariés et des entreprises, et constitue probablement l'un des points forts du modèle social français.
Il ne s'agit évidemment pas de diminuer le champ des responsabilités et des attributions. Si, par le vote de la loi d'habilitation, vous nous autorisez à prendre une ordonnance sur la fusion des instances représentatives, l'ensemble des compétences du CE, des délégués du personnel et du CHSCT seront transférées, bien sûr, à ce nouveau comité. Il n'y aura pas de dégradation des responsabilités, notamment de celles incombant aujourd'hui au CHSCT.
Par contre, on pourra avoir une vue stratégique d'ensemble et discuter davantage des moyens de déployer une prévention qui concilie le bien-être au travail et l'efficacité. C'est ce qu'attendent beaucoup de gens, je crois. Les organisations syndicales elles-mêmes reconnaissent avoir un débat sur ces questions en leur sein, et, sur le terrain, beaucoup de personnes affirment que, plutôt que de passer de longues heures dans des institutions formelles, il serait préférable, pour progresser davantage sur le plan social, de disposer d'une enceinte où l'on pourrait discuter de tout en profondeur.
Il existe des conditions pour arriver à ce résultat, et il est vrai que le CHSCT est l'élément le plus important de ce sujet. Il n'est pas question une seconde de baisser la garde sur la santé et la sécurité au travail. Il convient d'abord d'avoir une vision intégrée d'ensemble ; c'est un plus. Néanmoins, rien n'empêchera de constituer une commission spécialisée car, vous avez raison, mes chers collègues, la prévention est une compétence qui s'acquiert au fil du temps et les « préventeurs » ont fait progresser les choses dans notre pays. La présence d'une instance bénéficiant de la vision stratégique globale n'empêche pas de disposer d'une commission spécialisée travaillant, notamment mais pas uniquement, sur les métiers dangereux.
Fruit des concertations menées lors de la dernière semaine, la compétence d'ester en justice sur les sujets de santé et de sécurité au travail sera transférée à cette nouvelle instance, et nous n'allons pas réduire ce droit.
Les recours à des expertises seront maintenus mais, trop souvent – là, c'est l'expérience qui parle –, des expertises séparées sont conduites sur les mêmes sujets par le CE et le CHSCT. Dans le cas des fusions d'entreprises, les quatre instances – la structure de négociation, les délégués du personnel, le CE et le CHSCT – se penchent sur le dossier. Une expertise commune permettra d'étudier à la fois l'économique et le social, et donc de faire des progrès. Le recours à l'expertise subsistera donc.
Dans la nouvelle instance, le sujet des moyens, que vous avez évoqué à juste titre, sera important, et nous devrons avancer sur le nombre d'heures de délégation, la formation et les parcours de carrière des représentants syndicaux et du personnel. Cela fait partie de la même logique d'ensemble : pour que le dialogue soit fourni, il faut que les acteurs puissent disposer de moyens.
Ainsi, nous attendons de cette réforme non pas moins, mais plus de vision stratégique d'ensemble de l'économique et du social, tout en conservant, comme je l'ai dit lors de la présentation du texte, le meilleur de notre histoire sociale, que nous devons compléter, transformer et simplifier pour le renforcer dans l'avenir.
Les CPRI, les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, avaient deux jours d'existence lors de l'examen du texte en commission et en ont onze aujourd'hui. Nos capacités d'évaluation ont beaucoup progressé, mais nous manquons en l'occurrence de recul pour savoir si ces commissions donneront satisfaction. La concertation a montré que tout le monde était attentif à leur rôle. Faudra-t-il faire évoluer leur fonctionnement ? Le projet de loi d'habilitation permettra d'agir si cela s'avérait nécessaire dans six mois. Nous ne devons pas nous interdire de faire évoluer le rôle des CPRI si les discussions sur les petites entreprises en montraient l'intérêt.
La presse n'a pas relayé l'ensemble de ce que nous proposons aux partenaires sociaux en matière de pénibilité – c'est normal, elle est libre de choisir ses sujets, mais cela crée une incompréhension.
D'une part, tous les droits des salariés dans ce domaine seront conservés : je l'ai redit il y a quelques jours, le fait de pouvoir partir à la retraite deux ans plus tôt lorsqu'il est attesté que l'on a eu une vie pénible sur le plan physique, représente une mesure de justice sociale sur laquelle nous ne reviendrons pas. Nous ne renonçons donc à aucun des dix critères.
En revanche, les quatre derniers critères d'éligibilité à cette mesure pèsent sur les entreprises et s'avèrent, notamment dans les plus petites d'entre elles, complètement irréalistes ; comme je l'ai déjà dit, un artisan ou un agriculteur ne peut pas passer sa journée à chronométrer le temps pendant lequel son salarié porte des charges lourdes.