Je peux vous prendre un rendez-vous quand vous voulez. Cela me paraît urgent, tant vous êtes sourd. Vous êtes sourd aux Français – et, sans surprise, sourd de l'oreille gauche.
Il faut en revenir au samedi 17 novembre, à ce miracle social, à ce jour où les plus invisibles – intérimaires, personnes handicapées, auxiliaires de vie sociale, autoentrepreneurs – se sont rendus hyper visibles avec leurs gilets fluorescents. À ce jour où les muets sont devenus bavards, racontant leur vie de galère, leur frigo trop vide, leurs dettes au RSI, leurs courses au Secours populaire. À ce jour, surtout, où les plus résignés se sont vus traversés d'une espérance ; ce jour où, ensemble, ils se sont élevés contre l'injustice.
À tous les carrefours, semaine après semaine, nous avons entendu : « Rends l'ISF d'abord ! », « Macron, démission », « Destitution ! » et « Que les gros paient gros, et que les petits paient petit ». Nous l'avons entendu jusqu'aux abords de l'Élysée, dans les beaux quartiers, pas très loin de Matignon, sur tous les tons.
Pour faire taire ce cri, vous avez envoyé les bulldozers contre les cabanes des pauvres. Et, surtout, vous avez tenté de noyer ce cri dans un grand débat. C'est un truc connu : dissoudre l'urgence de l'ici et maintenant dans le plus tard, toujours plus tard – diluer la révolte dans l'inertie.
Mais même là, même avec le tri social, même avec des Français aux cheveux blancs, plus diplômés, mieux payés, même avec cette France du grand débat qui vous ressemble plus que les gilets jaunes, même avec eux, cela revient comme un écho : hier, lors de la restitution, quelles demandes mentionnaient vos garants eux-mêmes ? Le retour de l'ISF ! Mais vous n'entendez pas. Plus de tranches d'impôt ! Mais vous n'entendez pas. La TVA à 0 % sur les produits de première nécessité ! Mais vous n'entendez pas. Et, à la place, vous déclarez : « Nous devons continuer à baisser les impôts, et à le faire plus vite ».
Tout ça pour ça ! Six mois de protestations, trois mois de grand débat, 12 millions d'euros dépensés, et tout ça pour aboutir à quoi ? À un Premier ministre qui nous offre une resucée de Thatcher, qui nous fait du sous-Friedman, du post-Reagan. Il fallait tout ce tralala pour finir avec le plus usé de tous vos slogans, avec votre refrain depuis quarante ans : moins de dépenses publiques !
À vous écouter, la conclusion est donc que vous aviez bien raison, que vous avez presque tout bon : qu'au fond, les Français réclament plus de Macron, plus vite, plus loin, plus fort.