Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté avec attention hier et aujourd'hui. Nous sommes à l'issue d'un débat important, que vous avez même qualifié de « grand » et auquel nombre de Français ont participé, même si nous en attendions davantage.
Vous avez reconnu vous-même qu'il ne sera plus possible de gouverner comme avant. Votre porte-parole, que je salue, a ajouté en écho : « Après ce grand débat, rien ne sera comme avant. Les gens ont besoin d'être beaucoup plus associés aux décisions. Il y a aussi un sentiment d'injustice, en matière fiscale, notamment, et il faudra aussi qu'on y réponde. »
Tout à l'heure, je vous ai écouté évoquer plusieurs sujets. Je ne reviendrai pas sur l'excellent propos de Mme Rabault, que je ne puis que compléter. Vous avez rappelé l'existence d'un mur de défiance entre les Français et ceux qui les représentent. Si j'ai bien compris votre propos allusif, la solution résiderait pour une large part dans une proposition que vous aviez déjà formulée à l'été 2018, quand vous avez exposé votre propre vision constitutionnelle. Chacun en connaissait le sens et savait que votre objectif était non seulement d'introduire une dose de représentation proportionnelle mais surtout de réduire le nombre de parlementaires.
Si cette mesure peut trouver un écho dans l'opinion, nous autres députés savons aussi qu'elle aura pour principal effet de fragiliser les oppositions. Admettons cependant que nous la soutenions : comment la seule et unique conclusion que vous tiriez du débat avec les Français pourrait-elle être qu'on ne détruira ce mur de défiance qu'en attaquant ce que nous sommes, ici, au Parlement, sans jamais mentionner la responsabilité majeure du Président de la République dans le mouvement des gilets jaunes ?
Vous évoquez un changement institutionnel. Pourquoi pas ? Mais allez jusqu'au bout du raisonnement : si la République doit évoluer, il faut aussi redéfinir l'équilibre entre le pouvoir exécutif, notamment ce pouvoir présidentiel qualifié depuis peu de « jupitérien », et le pouvoir législatif. Pourquoi même ne pas évoquer une autre République, si la question devait se poser ?
J'insiste : vous ne pouvez pas vous contenter de renvoyer la balle dans le camp des parlementaires, comme si tous les problèmes venaient d'eux.