Intervention de Matthieu Deconinck

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 17h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Matthieu Deconinck, chef du bureau D2 aè la direction de la législation fiscale (DLF) :

Je vous propose de commencer par une brève présentation des impôts qui frappent l'énergie. Nos collègues de la direction du budget cibleront plus spécifiquement les affectations, en particulier en matière d'électricité.

Le point essentiel sur lequel je tiens à appeler votre attention est que la fiscalité énergétique, notamment celle qui touche la consommation d'électricité, est harmonisée au niveau européen. Les deux impôts indirects les plus importants, y compris en termes de rendement, sont donc encadrés par des directives du Conseil européen. Ce sont, d'une part, le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et, d'autre part, le régime général d'accise, qui définit un cadre commun pour les tabacs, les alcools, les produits énergétiques et l'électricité.

Ce cadre harmonisé emporte trois conséquences principales. La première est l'obligation pour les États membres, au regard du droit européen, de prévoir des impôts sur ces différentes matières. La deuxième est que la mécanique de l'impôt – le fait générateur, l'exigibilité, les assiettes, les règles de déductibilité, etc. – est intégralement harmonisée et intangible. La troisième, enfin, est que le pouvoir de taux des États membres est limité, et ce de plusieurs manières : pour le nombre de tarifs différents, mais aussi pour les activités et les produits éligibles au tarif réduit. Des minimums de taxation sont également prévus. Ces différentes limitations valent pour la TVA et le régime général d'accise, notamment pour la taxation de l'énergie, produits pétroliers et électricité. Sauf exceptions minimes, sur lesquelles je reviendrai si vous le souhaitez, le produit des recettes de ces impôts n'est pas, quant à lui, encadré par le droit européen.

L'exigence de compatibilité avec le droit européen est une source de contentieux particulièrement importante et d'une jurisprudence abondante de la Cour de justice de l'Union européenne, qu'il s'agisse du droit dérivé, donc des règles spécifiques que je viens de mentionner, ou du droit primaire, à savoir les aides d'État, les impositions discriminatoires et les grandes libertés. Parmi les questions soumises à la direction de la législation fiscale, celle de savoir s'il est possible de prévoir tel tarif réduit en faveur de tel produit ou de tel usage, prévaut donc généralement.

Dans le cadre du droit européen harmonisé, l'état du droit national est, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, quelque peu complexe puisqu'il existe, en matière de fiscalité énergétique, une multiplicité d'outils fiscaux visant à le transposer.

Pour les carburants et les combustibles, ce sont les fameuses taxes intérieures de consommation (TIC), au nombre de quatre : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes, dite taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC), la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants (TIRIB), cette dernière ayant le mérite de l'originalité, si l'on s'intéresse au soutien aux énergies renouvelables, du fait d'une technique de taxation tout à fait particulière.

En matière d'électricité, l'imposition « maîtresse » est la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), qui continue d'apparaître sur les factures sous le nom de contribution au service public de l'électricité (CSPE). En effet, lorsque la CSPE a été transformée en TICFE, on a maintenu l'ancienne dénomination pour éviter tout choc visuel aux usagers, au détriment d'une certaine clarté et d'une bonne compréhension des outils juridiques.

Trois autres taxes existent en matière d'électricité, avec la même assiette. Ce sont la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité (TDCFE), la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) et la contribution au Fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ).

Au-delà de ces impositions qui frappent la consommation d'électricité, pour un total d'environ 10 milliards d'euros de recettes en cumulé, il existe une taxe sur l'abonnement au réseau électrique, la contribution tarifaire d'acheminement (CTA). Je passe sur l'ensemble des tarifs réglementés, qui ne relèvent pas du domaine de la fiscalité, notamment le TURPE et l'accès régulé au nucléaire historique (ARENH).

Sur le plan strictement fiscal, c'est-à-dire indépendamment des affectations, le soutien aux énergies renouvelables au sein de ces impôts se traduit, tout d'abord pour les carburants et les combustibles, par des tarifs réduits, notamment de TICPE pour les biocarburants, et par l'existence de la fameuse TIRIB, que j'ai mentionnée tout à l'heure.

Pour l'électricité, il n'existe pas de disposition spécifique dans le droit national afin de favoriser explicitement les énergies renouvelables, mais un dispositif de simplification administrative, d'exonération des petits producteurs, relativement fragile sur le plan juridique et régulièrement dénaturé quant à sa finalité. Des travaux sont en cours, en lien avec nos collègues du ministère de l'environnement et les professionnels, pour rendre ce dispositif conforme au droit européen.

Enfin, s'agissant de la TVA, il faut savoir que, pour les carburants et les combustibles, un verrou européen s'applique, avec un taux de 20 % sur l'intégralité du prix de vente, incluant évidemment les taxes intérieures que je viens de mentionner. Pour l'électricité, nous avons la possibilité de recourir à un taux réduit, possibilité que nous activons partiellement en droit national pour les abonnements au réseau électrique, mais pas pour les consommations. Pour un coût total de 400 millions d'euros, un taux de 5,5 % est appliqué aux abonnements à la fourniture d'électricité, les consommations étant quant à elles taxées à 20 %.

Je précise qu'à la suite d'une clarification de la jurisprudence par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le fait d'appliquer deux taux différents à une seule et même offre soulève des questions sur le plan juridique au regard du fonctionnement de la TVA.

Pour conclure sur les grands principes, et avant de laisser la parole à mon collègue pour un bref historique de la fiscalité de l'électricité, je rappellerai que le principe de neutralité fiscale de la TVA s'oppose, en théorie, à recourir à des taux différenciés pour favoriser l'énergie à raison de son origine renouvelable ou non. Le principe de neutralité fiscale impose en effet de traiter de manière identique des produits qui répondent aux mêmes besoins directs pour l'acheteur.

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