Intervention de Michel Giraudet

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 17h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Michel Giraudet, adjoint au chef du bureau D2 aè la direction de la législation fiscale (DLF) :

Je vous propose de prendre l'histoire en marche en 2003. Cette année-là, avec l'adoption de la directive « Énergie » 200396CE, le législateur communautaire a donné à la France jusqu'au 1er janvier 2009 pour mettre sa fiscalité de l'électricité en conformité avec le droit européen. Quelle était la fiscalité française de l'électricité à l'époque ? Jusqu'en 2009, elle consistait essentiellement dans les taxes locales sur l'électricité, départementale et communale, et le FACÉ. La CSPE, créée au mois de janvier 2003 et présentée à la Commission européenne comme une taxe à finalité spécifique, n'était pas intégrée au paysage fiscal. Elle se trouvait en dehors du champ de l'accise harmonisée communautaire.

En 2009, comme l'on pouvait s'y attendre, la fiscalité française de l'électricité n'était toujours pas conforme au droit européen. Seule la menace d'un contentieux communautaire a conduit le Gouvernement, à l'occasion de la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « loi NOME », à procéder, en juillet 2010, à la mise en conformité du droit français. Pour la petite histoire, la France a été condamnée par un arrêt en manquement de la Cour de justice du 25 octobre 2012 pour non-transposition des dispositions de l'article 18 de la directive.

Dans la loi NOME, un article a donc été adopté pour appliquer les normes communautaires aux deux taxes locales, départementale et communale, en termes de fait générateur, d'exigibilité, de champ, de redevables et d'exonération. Cet article ne touche pas à la taxe FACÉ, dont il n'est même pas question de la mettre en conformité, et oublie la CSPE.

Pour les deux taxes mises en conformité, la loi NOME trouve toutefois opportun de maintenir aux collectivités locales un pouvoir de délibération. Ce faisant, elle crée une fragilité juridique assez forte au regard du droit communautaire puisqu'en matière de fiscalité de l'énergie la directive impose un taux par produit. Or, si l'on laisse un pouvoir de délibération aux collectivités locales, pour la consommation des ménages comme pour la consommation des entreprises, il y a autant de tarifs que de collectivités locales délibérantes.

Pour le moment, la Commission a accepté de ne pas regarder ce sujet de trop près, dans la mesure où la France est capable de lui garantir l'égal accès des fournisseurs au marché, car la question sous-jacente est bien celle-là. Plus l'accès des fournisseurs étrangers est difficile, plus la Commission considère les dispositifs nationaux d'un mauvais oeil. Plus l'accès au marché est facile, au contraire, plus elle a tendance, dès lors que les consommateurs sont captifs sur le réseau national, à admettre les délicatesses avec la directive.

La loi NOME a eu une deuxième conséquence. Elle a créé, à côté des deux taxes locales, une petite taxe nationale appliquée uniquement sur l'électricité consommée sous une puissance de 250 kilovoltampères (kVA).

Tel était l'état du droit après la mise en conformité communautaire. L'évolution suivante a porté sur la CSPE. Cette taxe souffrait d'une fragilité juridique très forte dans la mesure où elle a été affectée au soutien de la solidarité territoriale et de la Caisse des dépôts et consignations après avoir servi à financer les énergies renouvelables. Elle a donc été attaquée et fait l'objet de nombreux contentieux, le dernier ayant porté sur sa conformité à la directive. L'arrêt de la Cour du 2 juillet 2018 a validé, dans la CSPE, la fraction relative aux énergies renouvelables, mais l'a invalidée pour les autres charges de service public exposées, notamment l'interconnexion et la cohésion territoriale.

Anticipant cet arrêt, le Gouvernement a décidé en 2015 de supprimer la CSPE dans le code de l'énergie et de créer à la place la TICFE. La taxe nationale sur l'électricité a été étendue à toutes les consommations d'électricité. Son champ a ainsi été mis en parfaite conformité avec la directive, au regard du redevable, du fait générateur, de l'exigibilité, des exonérations et même des tarifs réduits, puisqu'on a intégré dans la taxe un grand nombre de tarifs réduits au profit des entreprises intensives en énergie.

Depuis 2016, la fiscalité nationale de l'électricité se base sur l'addition de deux dispositifs qui n'en font qu'un en droit européen : d'une part, les taxes locales, communale et départementale, sur l'électricité, dont le tarif maximum est d'environ 9 euros par mégawattheure ; d'autre part, la TICFE, dont le tarif est de 22,50 euros par mégawattheure (MWh). Pour un consommateur français, le tarif total de la taxe sur l'électricité s'élève donc à une trentaine d'euros par mégawattheure.

Les autres taxes sur l'électricité, qui portent directement ou indirectement sur la consommation finale d'électricité, n'ont pas été mises en conformité. La survie de la taxe FACÉ dépend d'un éventuel dépôt de plainte, qui ne manquerait pas d'entraîner son annulation par la Cour de justice.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.