Le Gouvernement dit encore qu'il est anormal que l'État soit à la fois régulateur des jeux de hasard, actionnaire et collecteur des recettes fiscales induites. Bobard encore ! Si l'État reste actionnaire, même minoritaire, cela ne changera rien.
Si nous sommes contre la privatisation de La Française des jeux, ce n'est pas seulement pour des raisons économiques, mais surtout parce qu'il s'agit d'un secteur où les dangers sont nombreux, à commencer par l'addiction. Permettez-moi d'insister là-dessus. En 2010, 47,8 % des Français étaient des joueurs occasionnels. En 2014, ce chiffre avait progressé de dix points, notre pays comptant alors 46 millions de joueurs. Cette hausse globale s'accompagne d'une progression inquiétante des joueurs dits « à risque modéré », dont le nombre est passé de 400 000 à 1 million entre 2010 et 2014. Au cours des quinze dernières années, les Français ont eu de moins en moins d'argent à consacrer à leurs loisirs, mais une part grandissante de cet argent est allée aux jeux. Disons-le clairement : c'est un symptôme d'une société qui ne va pas bien. J'ajoute que près de 80 % des joueurs dits « problématiques » sont surendettés, à une hauteur moyenne de 25 000 euros. Le baromètre publié par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé – INPES – pour 2009-2010 indiquait que 40 000 personnes auraient perdu leur emploi à cause du jeu, ce qui représente pour la collectivité un coût de 2,6 milliards d'euros. Il y a fort à parier, hélas, que ces chiffres exploseront après la privatisation, car il y aura toujours plus de publicité, toujours plus d'incitations à jouer, toujours plus d'offres promotionnelles, mais toujours moins de sensibilisation au risque, puisque cette dernière ne rapporte pas d'argent.
Revenons aux arguments économiques. Là encore, nous avons bien des raisons de refuser cette privatisation. La Française des jeux a réalisé en 2017 un bénéfice annuel de 181 millions d'euros, un chiffre en augmentation par rapport à 2015. Sa marge d'exploitation était stable, sa marge nette atteignait 10 % et ses 26 millions de clients lui permettaient d'afficher une trésorerie supérieure à ses dettes de 950 millions d'euros. Surtout, avec 31 000 points de vente, La Française des jeux possède un réseau de proximité très complet et très développé. L'investisseur privé qui récupérera l'affaire fera une très belle opération, et l'État ne profitera plus de ces dividendes, qui étaient de 80 à 100 millions d'euros chaque année, et en augmentation !
Pour toutes ces raisons, nous aurions dû garder La Française des jeux dans le giron de l'État. Vous avez fait un autre choix.
Vient ensuite le groupe Aéroports de Paris. En 2017, les dividendes versés par ces trois entreprises ont permis à l'État de percevoir 750 millions d'euros. Chaque année, vous le savez, ADP rapporte directement 174 millions d'euros à l'État.