Je voudrais remercier tout le monde, car les dizaines d'heures que nous avons partagées ensemble furent un bel exercice démocratique.
Néanmoins, il faut conclure. Une mesure de ce projet de loi n'est pas comme les autres. Nous regrettons et condamnons plusieurs dispositions. Il y a eu des controverses et quelques accords, que je signalerai par honnêteté intellectuelle.
La privatisation d'ADP est irréparable. La durée de concession de soixante-dix ans est très longue. Il y a soixante-dix ans, nous fondions l'Europe… Dans quel monde serons-nous dans soixante-dix ans ? Personne ne peut le dire. Faire du sujet du temps long un débat citoyen n'est pas du populisme, mais un exercice démocratique. Nous ne devons pas commettre l'irréparable sur ce sujet.
Je regrette évidemment les dérégulations que vous avez mises en place : je les connais bien car, au moment de l'élaboration de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », nous avions déjà dû résister à de telles propositions. À l'époque, nous avions réussi à trouver une quasi-unanimité, droite et gauche confondues, pour adopter le volet économique de la loi Sapin 2. Cette fois-ci, les digues n'ont pas résisté et je regrette vivement le caractère idéologique de l'affaiblissement des chambres consulaires, de l'absence de réciprocité pour les seuils, du non-élargissement des missions des commissaires aux comptes, qui n'aurait pas entraîné de coût supplémentaire, de la suppression du stage obligatoire de préparation à l'installation et du mauvais traitement réservé aux sociétés par actions simplifiées. Autant de regrets très profonds sur ces dérégulations que nous aurions pu éviter, mais sur lesquelles nous pourrons revenir.
Je veux saluer avec honnêteté certains signaux faibles. Nous approuvons et défendons les dispositions relatives à la Caisse des dépôts et consignations et à La Poste, car elles esquissent le pôle public bancaire dont notre pays a besoin. Nous avons également défendu la création des entreprises à mission, mais que diable n'avez-vous pas accepté la codétermination ! Cela aurait été la moindre des choses. J'ai récemment rencontré les acteurs de l'économie sociale et solidaire, qui ne comprennent pas votre hésitation.
S'agissant de la réforme du code civil et de l'intérêt social, vous avez maintenu l'expression « prendre en considération » qui, en anglais, est presque empreinte de mépris – elle marque en tout cas une certaine distance. Si vous aviez accepté les mots « prendre en compte », nous aurions pu esquisser une nouvelle comptabilité des droits humains et des conséquences environnementales. Nous n'avons pas obtenu gain de cause, mais nous saluons le geste symbolique.
Des pas importants ont été effectués sur l'actionnariat salarié, ce qui constitue un progrès.
Je voudrais saluer le dialogue que nous avons eu avec Jean-Noël Barrot sur l'épargne et sur le caractère réversible et fongible de l'assurance-vie. Il y a là un potentiel de développement que nous devrons exploiter à l'automne, lors des débats sur le prochain projet de loi de finances.
Ce projet de loi est surtout marqué par un rendez-vous manqué. En amont de son élaboration, nous avions déposé, en janvier 2017, une proposition de loi sur la nouvelle entreprise, fruit d'un travail amorcé au collège des Bernardins, poursuivi par Esprit Civique et porté par le groupe Socialistes et apparentés avec des partenaires de tous les horizons – acteurs du monde de l'entreprise, syndicats et ONG. Les neuf propositions que nous avions élaborées ont été affinées pour faire l'objet d'amendements.
Oui, une codétermination à la française aurait été une nouvelle frontière pour notre économie. Elle aurait permis à nos entreprises de mieux traverser les épreuves, d'entrer dans la mondialisation et d'être la porte d'entrée d'une responsabilité sociale et environnementale qui ne soit pas de la communication, mais un authentique virage de notre économie. Oui, accepter la codétermination revenait à reconnaître la fin de la suprématie actionnariale, qui a tant coûté à notre économie et à nos projets industriels, et à installer les salariés dans le rôle, non plus seulement de ressources humaines, mais de parties constituantes de l'entreprise. C'est le grand rendez-vous manqué de ce projet de loi PACTE.
S'agissant des écarts de revenus, nous aurions aimé que ce texte ne fasse pas semblant, mais qu'il agisse vraiment. De même, il aurait été opportun d'accroître la transparence fiscale et, surtout, de créer un label public de la RSE, qui aurait été l'amorce d'une nouvelle comptabilité. Monsieur le ministre, vous avez installé une mission sur ce sujet, qui rejoindra sûrement nos propositions. Il y a donc bien eu un rendez-vous manqué !
Nous sommes en décalage avec le monde qui vient. Le 21 mars, je participais au colloque qui a réuni 200 entreprises à l'Assemblée nationale : dans l'atelier que j'animais, les entreprises allaient plus loin que les dispositions de ce projet de loi. Je rencontre beaucoup de jeunes, étudiants des écoles de commerce ou d'agronomie, qui entreprennent et qui souhaitent aller plus loin que ce texte. Nous sommes en deçà de l'espérance éthique qui monte dans la société. Je regrette vivement que nous ne soyons pas pionniers, mais en retard, pour des raisons qui m'échappent. Parmi les soixante-six propositions de Nicolas Hulot et Laurent Berger, celles relatives à l'économie sont exactement les mêmes que celles que nous avons défendues sur les bancs du groupe Socialistes et apparentées.
Hier, lors des questions au Gouvernement, nous avons assisté à un échange assez cocasse. Monsieur le ministre, vous avez tancé la droite conservatrice, depuis la droite libérale que vous incarnez, en lui disant qu'elle avait perdu le nord.