Pour la dernière fois, nous devons nous prononcer sur un projet de loi qui aura suscité de nombreux remous au sein de l'opinion publique, en dépit des tentatives répétées du Gouvernement pour éclipser ses nouvelles offrandes au dogme néolibéral. Ce dernier mot, nous le voulons solennel, tant nous considérons que les atteintes que votre texte porte à l'intérêt général sont graves.
Tout d'abord, il s'attaque à la qualité de vie des salariés. En supprimant les seuils sociaux pour les entreprises, vous reprenez à votre compte une vieille lubie du patronat, qui ne produira aucun effet vertueux. En revanche, elle aura des conséquences bien réelles, notamment un nouveau recul pour les droits sociaux, sacrifiés une fois de plus sur l'autel d'une supposée rationalité économique.
Par ailleurs, il porte un sérieux coup à la santé économique des entreprises. En poursuivant jusqu'à l'obsession l'objectif d'augmenter le nombre des introductions en bourse par le biais d'un abaissement des contraintes réglementaires, votre projet de loi accentuera la dérégulation. L'époque commande au contraire de mener une réforme d'ampleur du système bancaire, afin d'en finir avec le trou noir de la financiarisation.
Ensuite, votre projet de loi s'attaque à la Caisse des dépôts et consignations. Or celle-ci, loin d'être un fonds d'investissement quelconque, est un service public, en charge de la protection de l'épargne des Français. Son rôle dans le développement des territoires est donc essentiel.
Malheureusement, votre texte de loi procède au dévoiement de sa fonction. En bouleversant la composition de sa commission de surveillance, vous transformez subrepticement celle-ci en conseil d'administration ordinaire, afin de permettre à la Caisse des dépôts et consignations de prendre le contrôle de La Poste tout en se rapprochant de l'opérateur CNP Assurances. Vous préparez ainsi pernicieusement la future privatisation de La Poste.
Enfin, le Gouvernement parachève sa course folle à la libéralisation en privatisant des entreprises stratégiques de l'Etat. « Les financiers ne font bien leurs affaires que lorsque l'État les fait mal », disait Talleyrand. Il ne croyait pas si bien dire !
La privatisation d'Aéroports de Paris en atteste. Avec la promulgation de la présente loi, ce gouvernement et cette majorité s'apprêtent à commettre une faute historique. Tout a été dit ou presque sur ADP. Personne, dans cet hémicycle, ne peut croire à la rationalité économique d'une telle opération.
Voilà une entreprise prospère, qui a généré plus de 600 millions d'euros de bénéfices en 2018 et rapporté plus d'1,1 milliard d'euros de dividendes entre 2006 et 2016 ! Voilà une entreprise devenue en 2018 le numéro 1 mondial des aéroports, avec le transit de plus de 281 millions de passagers ! Voilà une entreprise qui demeure le monopole naturel de l'État, concentrant 80 % des vols du pays et assurant la gestion d'une frontière vitale ! Voilà une entreprise qui emploie des milliers de personnes et abrite en son sein le hub de la compagnie aérienne nationale, Air France !
Et pourtant, cette majorité s'en débarrasse, par une opération que la postérité qualifiera de scandale d'État. Scandale, car nul ne peut sacrifier l'intérêt général pour satisfaire l'appétit d'opérateurs privés. Scandale, car le Gouvernement sait pertinemment que cette privatisation suscite une désapprobation massive.
Indubitablement, le projet de loi PACTE, en dépit de son caractère disparate, fera date comme l'un des textes les plus aboutis du dogme ultralibéral.