De l'autre côté du globe, la Polynésie française participe fortement à la richesse de la France : richesse culturelle, avec ses traditions, ses langues, ses arts ; richesse écologique, puisque la Polynésie abrite 20 % des atolls coralliens du monde ; richesse économique, grâce à son attrait touristique et à ses cultures d'exception, de la perle noire à l'enivrante vanille. Et j'en passe ! La Polynésie est, sans nul doute, un atout précieux de la France et sa position dans le Pacifique est porteuse d'enjeux géopolitiques qu'on ne saurait ignorer.
La Polynésie française est un territoire d'outre-mer doté d'une large autonomie, acquise progressivement à partir de 1977. Cette autonomie confère à l'assemblée territoriale une compétence de droit commun, alors que les attributions de l'État sont limitativement énumérées.
Depuis 2004, la collectivité est régie par un statut organique la définissant comme un « pays d'outre-mer au sein de la République ». Il a été modifié en 2007, puis en 2011. Après une période d'instabilité politique des institutions polynésiennes et une certaine défiance entre les représentants polynésiens et l'État français, les discussions ont repris depuis 2014, afin d'adapter une nouvelle fois le statut d'autonomie de la Polynésie française.
Les textes dont nous discutons aujourd'hui sont donc le fruit d'une longue concertation, entamée sous la précédente majorité et que vous avez poursuivie, madame la ministre. Cette concertation a mobilisé l'ensemble des acteurs concernés, en particulier les élus de la Polynésie française, fortement impliqués. Elle a permis d'aboutir à deux textes qui permettront de faciliter l'exercice de leurs compétences par le pays et les communes polynésiennes et de renforcer la stabilité institutionnelle.
Ces textes ont, par ailleurs, une très forte portée symbolique, puisqu'ils prennent acte de la reconnaissance de la contribution de la Polynésie française à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire de la France. Ils consacrent ainsi les engagements pris par l'État pour assumer les conséquences de ces essais nucléaires.
En effet, il est nécessaire de rappeler que la France a procédé, sur une période de trente ans, à 193 essais nucléaires sur les atolls de Mururoa et Fangataufa. On ne peut fermer les yeux sur les lourdes conséquences sanitaires et environnementales de ces essais. On peut déplorer leur prise en compte tardive par l'État français. Après une première reconnaissance en 2003 par le président Chirac, après la loi de 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, après la signature, en 2017, de l'accord de l'Élysée, il était important que cette reconnaissance soit inscrite dans la loi.
C'est donc chose faite à l'article 1er du projet de loi organique : nous tenions à saluer tous les acteurs ayant travaillé à sa rédaction, afin d'aboutir à un texte qui emporte l'adhésion du plus grand nombre.
Le reste du projet de loi organique permet d'actualiser le statut de la Polynésie française, afin, notamment, de stabiliser ses institutions. En l'état du droit, la démission de trois représentants à l'assemblée de la Polynésie française impose le renouvellement intégral de l'institution. Pour y remédier, les articles 12 et 13 du projet de loi organique prévoient le renouvellement intégral de l'Assemblée dès lors que le tiers des sièges y serait devenu vacant, soit 19 sièges sur 57.
Ce projet de loi organique permet aussi de clarifier les compétences de la Polynésie française, notamment en ce qui concerne l'exploitation des terres rares et la participation à des organisations internationales. Il renforce, en outre, les attributions du conseil des ministres, facilite la saisine du Conseil d'État en cas de doute sur la répartition des compétences ou sur les lois de pays. Il s'efforce également d'améliorer les compétences des communes et la coopération locale.
Concernant le projet de loi ordinaire, nous tenions à saluer l'ajout, par le Sénat, des dispositions permettant de remédier aux difficultés liées à l'indivision successorale, qui se posent de manière particulièrement prégnante dans les territoires d'outre-mer. Lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi de Serge Letchimy, notre collègue Maina Sage nous avait fait part des problématiques relatives aux successions propres à la Polynésie française, qui n'étaient pas celles de la Martinique ou de La Réunion.
Il avait d'abord été envisagé d'intégrer ces dispositions à la loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale en outre-mer. Finalement, à la demande des élus polynésiens, le présent véhicule législatif a paru plus approprié : ces quelques mois supplémentaires auront permis d'aboutir à des rédactions répondant avec précision aux enjeux propres au territoire polynésien.
Vous le savez, le groupe MODEM est très attaché au principe de la différenciation territoriale : nous voyons bien là l'intérêt d'un tel principe, puisqu'il permet à un territoire d'adopter une législation différenciée, même temporaire, visant à répondre à ses problématiques spécifiques. Nous pensons que cette différenciation, si utile à l'outre-mer, pourrait également l'être sur le territoire métropolitain.
En conclusion, ces deux textes ayant été longuement discutés et négociés aux différentes étapes de leur élaboration, nous pensons qu'il est nécessaire d'en respecter les équilibres.
Les dispositions contenues dans ces deux projets de loi permettront de moderniser le statut d'autonomie de la Polynésie tout en maintenant les relations de confiance entre ce territoire et la métropole. Pour ces raisons, le groupe Modem et apparentés, qui y est tout à fait favorable, votera ces deux textes.