Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions posées, mais les ministres pourront répondre cet après-midi à celles qui s'adressent plus précisément à eux – je pense notamment aux observations de M. Coquerel.
Je rappelle que la mission du Haut Conseil est, en raison du choix fait par le Gouvernement de l'époque, une mission étroite, définie elle-même à partir d'une interprétation étroite des textes européens. Nous délivrons un avis sur les hypothèses macroéconomiques. Certes, à partir de l'avis demandé au Haut Conseil sur la cohérence entre les différents scénarios macroéconomiques et le scénario de finances publiques, nous en arrivons à formuler quelques observations sur les finances publiques, mais, s'il devait y avoir des modifications de la loi organique, peut-être faudrait-il préciser davantage le mandat du Haut Conseil au cas où vous souhaiteriez qu'il puisse exprimer très clairement un avis sur le scénario de finances publiques.
Je pense que cela pourrait être utile et clarifierait un certain nombre de choses. Mais encore faut-il que nous ayons, ensuite, le temps et les moyens de vous délivrer des avis les plus pertinents possibles. Vous avez pris connaissance de notre avis ce matin ? Nous l'avons transmis hier soir, car nous-mêmes n'avons été saisis que mercredi dernier – à 23 heures 27 ! Nous avions cependant anticipé, à travers quelques auditions que nous avions programmées le mercredi, de sorte que nous avons pu nous réunir le jeudi, le vendredi, le lundi et finaliser hier notre avis. Ce sont des conditions que nous qualifierons de sportives, lorsqu'il s'agit d'exprimer un avis le plus pertinent possible, et ce d'autant plus qu'un certain nombre de sujets, comme la croissance potentielle ou le déficit structurel, sont des notions ou des concepts quelque peu instables... En ce domaine, il n'y a pas de vérité, de la même façon que nous nous sentons plus assurés pour commenter 2019 que pour commenter 2021 ou 2022. On peut toujours se tromper lorsqu'il s'agit de prévisions à moyen terme et, dans le passé, un certain nombre d'erreurs d'appréciation ont pu être commises, du simple fait que l'environnement international bouge.
Pour en revenir aux quelques questions qui m'ont été posées, nous considérons bien que les objectifs tels qu'ils sont affichés sont crédibles au regard des informations dont nous pouvons disposer. Nous n'avons donc pas repris le terme de l'année dernière : « optimistes » ; nous les considérons plutôt « raisonnables ». Cette évolution est-elle due à l'existence du Haut Conseil ? Il pourrait paraître immodeste de l'affirmer. En réalité, tout le monde révise à la baisse ses prévisions. Le Gouvernement révise à la baisse ses hypothèses de croissance, comme tous les organismes et que tous les autres pays sont contraints de le faire, compte tenu d'un contexte et d'un environnement international moins porteur.
Cela dit, nous pouvons constater que, depuis que le Haut Conseil des finances publiques existe, il peut contribuer à rendre les gouvernements, quels qu'ils soient, plus raisonnables dans leurs prévisions. Comme il l'a démontré dans le passé, le Haut Conseil s'exprime en toute indépendance et n'hésite pas à dire clairement les choses, quand il estime improbables certains scénarios.
Reste que l'environnement actuel pèse beaucoup. Maintenir les hypothèses de croissance à 1,7 % n'aurait pas été seulement « optimiste », mais vraisemblablement « peu crédible », « irréaliste », « invraisemblable ». Le chiffre finalement retenu paraît plus réaliste, même si les choses, d'ici 2022, peuvent évoluer, y compris positivement.
L'un d'entre vous a évoqué la possibilité, envisagée par certains économistes, d'une crise financière nouvelle. Ce scénario n'est pas intégré dans le programme de stabilité présenté par le Gouvernement. Il y a toujours des risques possibles, mais il ne nous est pas apparu aujourd'hui que ce soit le scénario le plus probable. Le fait qu'il n'ait pas été retenu dans les hypothèses présentées par le Gouvernement peut donc tout à fait se concevoir, même s'il faut naturellement rester vigilant sur la croissance potentielle.
Dans nos avis précédents, nous avions déjà déclaré que la prévision de croissance potentielle, telle qu'elle était formulée par le Gouvernement, constituait une base raisonnable pour asseoir la programmation des finances publiques. Il est vrai que l'OCDE et le FMI intègrent des effets plus importants des réformes structurelles annoncées que ne le fait le Gouvernement lui-même, qui prévoit un passage de la croissance potentielle de 1,25 % à 1,35 % en fin de période, tandis que le FMI va un petit peu plus loin, tout comme l'OCDE. Il faut peut-être en tirer la conclusion que le Gouvernement demeure prudent sur l'impact possible de ses propres réformes structurelles...
La différence d'estimation avec la Commission européenne s'explique par le fait que cette dernière n'intègre pas l'impact des réformes structurelles dans ses prévisions, ou le fait à partir de bases forfaitaires qui ne sont pas du tout les mêmes que celles du FMI ou de l'OCDE. À la page 9 de notre avis, vous trouverez un graphique faisant apparaître une divergence très significative entre les prévisions de la Commission européenne et celles du FMI et de l'OCDE : la courbe des premières descend tandis que celle des secondes monte, ce qui fait qu'elles se croisent. Je dois vous avouer qu'une divergence d'une telle ampleur est inexplicable – à ce sujet, la Commission européenne elle-même se borne à indiquer que cela provient peut-être du fait qu'elle n'intègre pas un certain nombre de données dans son raisonnement.
La Commission établit ses prévisions à politique inchangée – ce qu'elle assume et revendique – et n'intègre dans ses prévisions pour les années à venir que ce qui a été voté ou ce qui est suffisamment spécifié. Or, comme on le sait et comme la Cour des comptes le fait souvent remarquer, les données et les faits ne sont pas toujours aussi documentés qu'il le faudrait – je crois qu'il arrive également à votre rapporteur général de le déplorer...