Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mercredi 10 avril 2019 à 13h35
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

S'agissant tout d'abord de la saisine du CSFPT, nous avons aujourd'hui un système de consultation avec des instances de représentation et de consultation organisé autour de trois conseils supérieurs, un par versant, et d'un conseil commun, le CCFP. Il est important de préciser que ce conseil commun n'a pas d'autorité hiérarchique, de prééminence sur les trois conseils supérieurs. Ce sont trois institutions indépendantes mais il est précisé que le conseil commun traite de toutes les questions communes à ces instances. La règle n'est pas très claire lorsqu'un sujet concerne deux des trois fonctions publiques. Nous prévoyons que le conseil commun puisse se saisir, par l'intermédiaire de son président, des sujets qui sont propres à deux des trois versants de la fonction publique et qui comportent par ailleurs des dispositions spécifiques à un versant mais non dépourvues de tout lien avec les dispositions communes du projet de texte examiné. Cela nous évitera des situations un peu baroques qui nous conduisent à refuser d'examiner en CCFP un certain nombre d'amendements sous prétexte qu'ils relèvent du CSFPT alors même que leur champ d'application concerne, dans la réalité des services, les trois versants. C'est ce qui nous amène à proposer cette possibilité de saisine du CCFP.

Nous avions imaginé que la saisine soit possible avec l'accord du président du conseil supérieur, qui se verrait ainsi dessaisi, si l'on peut dire. Le Conseil d'État, dans son avis, nous a déconseillé de maintenir ce critère. De la même manière, il n'est pas conseillé non plus d'envisager que la « dessaisine », si vous permettez ce barbarisme, soit à l'initiative d'une majorité du conseil supérieur concerné puisque cela signifierait l'obligation de convoquer ce conseil dans les formes appropriées, de constater sa volonté de ne pas traiter d'un sujet, pour le renvoyer au conseil commun, et nous n'y gagnerions pas beaucoup en simplification. Il a même été proposé que ce soit le bureau du conseil supérieur qui décide de cela ; or ce n'est pas possible puisque le bureau d'un conseil supérieur ne dispose d'aucune délégation de type bureau exécutif. C'est ce qui nous amène à ce texte. Il y a une réalité et une pratique du droit. Dans la pratique, il est absolument inenvisageable que le président du conseil commun, tout membre du Gouvernement qu'il soit, puisse dessaisir les deux autres conseils supérieurs sans prendre la peine de consulter leurs présidents respectifs. Et s'il s'agit du Conseil supérieur de la fonction publique d'État, c'est le même qui préside, donc les choses devraient se passer correctement.

Autre aspect qu'il faut avoir en tête : les employeurs et les organisations syndicales de chacun des conseils supérieurs ont des représentations au conseil commun. C'est donc une vraie volonté de simplification, et nous veillons à ne pas créer de tutelle ou de hiérarchie entre le conseil commun et les trois autres conseils supérieurs.

S'agissant des CAP, la principale modification que nous apportons concerne l'examen des situations individuelles. Notre organisation du dialogue social est aujourd'hui un peu particulière : les comités techniques traitent d'organisation des services, parfois de rémunération, les CHS ne traitent que d'hygiène et de sécurité, ou quasiment, et les CAP examinent, pour ce qui concerne les promotions et les mobilités, des dossiers individuels à l'aune de règles générales et de décisions prises par l'autorité et l'employeur concernés sans jamais être saisies, ou très rarement, de la définition des règles d'accès à la mobilité ou à la promotion. Nous souhaitons que l'instance unique traite des règles générales d'accès aux mobilités et aux promotions à travers les lignes directrices de gestion des ressources humaines. Nous voulons que ces règles puissent être invoquées ; elles seront un cadre d'action et les agents pourront aussi s'y référer. Les décisions seront prises sans que les dossiers passent en CAP sous la forme de l'examen individuel, afin de gagner du temps et éviter les contradictions. C'est un point important du texte.

Cela ne veut pas dire que les CAP disparaissent. Elles resteront compétentes sur un certain nombre de cas, que l'on qualifie parfois de cas « difficiles », même si ce n'est pas un terme juridique. Elles continueront donc de rendre un avis préalable en matière disciplinaire, d'insuffisance professionnelle, de refus de titularisation, de licenciement dans le cas où un agent refuse trois postes successifs après une mise en disponibilité en vue de sa réintégration, de refus de congé de formation syndicale, de refus de formation ou de congé de formation professionnelle, de déchéance ou de restriction du droit à pension. Elles n'examineront plus les décisions en matière de mobilités et de mutations, d'avancement et de promotion ou d'acceptation de démission sous leur forme individuelle. D'autre part, les CAP interviendront toujours en tant qu'instance de recours à la demande de l'agent sur les décisions individuelles défavorables, à l'exception de celles ayant trait aux mobilités, aux mutations et aux promotions, qui feront l'objet d'un droit de recours spécifique. Si je n'ai pas été assez clair sur les compétences des CAP, je pourrai vous transmettre un document récapitulatif.

Vous m'interrogez sur la disposition qui autorisera, en modifiant l'article 3-3 de la loi de 1984, les communes de moins de 1 000 habitants et les groupements de communes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil, à recruter des contractuels sur l'ensemble de leur cadre d'emplois, quelle que soit leur catégorie hiérarchique. Aujourd'hui, cette disposition ne vaut que pour les secrétaires de mairie. Or nous avons constaté que seuls 16 % des secrétaires de mairie sont contractuels, alors que le pourcentage de contractuels dans l'ensemble de la fonction publique s'élève à 20 %. La réalité est donc plutôt rassurante et ne laisse pas craindre, a priori, un recours abusif aux contractuels. Par ailleurs, il faut avoir en tête que la référence aux communes de moins de 1 000 habitants et à leurs groupements est une expression qui figure déjà dans notre droit, au sujet des secrétaires de mairie : ce n'est pas une invention. Nous introduisons la possibilité de recruter des agents titulaires ou contractuels pour les temps non complets en dessous d'une quotité de 50 %, mais je souligne qu'au-delà de 50 %, il ne pourra s'agir que de titulaires.

Notre objectif est de réduire la précarité, en préférant les contrats longs aux fausses vacations et en favorisant l'accès à un emploi titulaire à temps non complet dans des conditions beaucoup plus souples qu'aujourd'hui. Voilà qui devrait faire disparaître votre crainte d'un recours abusif aux contractuels : il est assez limité aujourd'hui et il n'y a pas de raison que ce texte bouleverse les choses.

J'en viens aux modalités de recrutement des agents contractuels, qui s'appliqueront à toutes les catégories hiérarchiques, y compris aux emplois de direction. Je précise que par « emplois de direction », on entend, dans le domaine des collectivités, les emplois fonctionnels des collectivités de plus de 40 000 habitants : nous avons retenu cette limite, parce que c'est la barre démographique à partir de laquelle, en droit commun, on peut recruter des administrateurs territoriaux. Le recrutement des contractuels sera encadré par un certain nombre de dispositions, qui ont vocation à garantir le principe de l'égal accès à l'emploi public.

Ce principe suppose au moins deux conditions. La première, c'est la transparence. Le décret du 28 décembre 2018, relatif à l'obligation de publicité des emplois vacants sur un espace numérique commun aux trois versants de la fonction publique, « Place de l'emploi public », répond à cette obligation de transparence. La deuxième condition, c'est le caractère objectif du recrutement et l'égalité du candidat devant le jury. Nous renvoyons cette question à un décret, qui pourrait contenir des éléments relatifs à la composition du dossier de candidature, aux modalités et aux conditions d'examen – avec la convocation éventuelle à un entretien –, à la composition du jury, qui doit compter les mêmes membres pour l'examen de toutes les candidatures, ou encore à l'articulation avec les candidatures titulaires et les modalités de recrutement ou d'objectivation des compétences. Nous veillerons à ce que les conditions d'un égal accès à l'emploi public soient réunies, mais – et je crois que c'est un point important pour votre Délégation – nous ne formaliserons pas d'une manière trop précise les modalités pratiques d'organisation de cette sélection, puisqu'on ne peut pas demander à une commune de 3 000 ou 4 000 habitants d'introduire les mêmes procédures qu'une commune de 50 000, 100 000 ou 200 000 habitants. Il faut qu'une différenciation soit possible.

J'en viens à la rupture conventionnelle. Nous avons introduit trois garde-fous, qu'il faut bien avoir en tête.

Le premier, et je m'adresse ici à celles et ceux qui craindraient une utilisation abusive de la rupture conventionnelle, c'est qu'elle fera l'objet, comme dans le secteur privé, d'une homologation, ce qui permettra de distinguer les ruptures conventionnelles de convenance de celles qui répondent réellement à l'objectif de ce dispositif.

Le deuxième garde-fou tient au fait que, dans la mesure où les employeurs publics ne cotisent pas à l'assurance chômage pour les agents titulaires, l'allocation de retour à l'emploi, qui est prévue et qui sera un droit pour l'agent ayant accepté une rupture conventionnelle, reposera sur l'autofinancement. Ce dispositif n'est pas nouveau puisqu'il existe déjà, dans certains cas très précis, un droit à l'allocation-chômage pour des agents publics licenciés, qui est assuré par la collectivité anciennement employeuse, soit directement, soit dans le cadre d'une convention avec Pôle Emploi.

Le troisième garde-fou, enfin, est une demande des organisations syndicales que nous avons acceptée. Il s'agit de permettre à l'agent à qui l'on a proposé une rupture conventionnelle d'être accompagné par un conseiller syndical de son choix, à la fois pendant la période de la rupture conventionnelle et après celle-ci – dans l'hypothèse où il la refuse – pour veiller à ce que ce refus n'entraîne pas un traitement différencié, voire des représailles.

Nous n'envisageons pas d'autoriser la rupture conventionnelle pour les titulaires d'un contrat de projet, pour une raison très pragmatique : le contrat de projet est un CDD et la rupture conventionnelle s'appliquera, dans le secteur public comme dans le secteur privé, aux seuls CDI. J'ai indiqué qu'un terme sera fixé au moment de la signature du contrat de projet. L'arrêt anticipé de celui-ci par l'employeur donnera lieu, quel que soit son motif, à une indemnisation spécifique de l'agent contractuel, ce qui est une garantie supplémentaire.

S'agissant des mobilités, nous allons mettre à bas un maximum d'obstacles, généraliser la position normale d'activité et neutraliser des taux de cotisation, afin de faciliter les mobilités de la fonction publique d'État vers les autres versants. Mais nous allons également faire en sorte que les agents de la fonction publique territoriale puissent passer dans la fonction publique d'État et dans la fonction publique hospitalière.

Sur cette question, j'ai deux éléments de réponse à vous donner. Le premier tient à la réorganisation des CAP : le fait qu'elles ne soient plus organisées par corps ou par cadres d'emploi, mais par catégories hiérarchiques, va permettre de dépasser les logiques corporatistes, qui ne facilitent pas le passage d'agents de la fonction publique territoriale vers la fonction publique d'État. Le deuxième, c'est que les procédures de recrutement – et donc d'encadrement des mobilités – que nous introduisons en supprimant l'avis des CAP sur les décisions individuelles de mobilité, permettront aux employeurs de l'État de recruter plus librement, en vertu d'un processus de sélection qu'ils mettront eux-mêmes en place sans avoir à consulter une CAP sur la situation individuelle des candidats, dès lors que la décision qu'ils prendront sera conforme aux lignes directrices de gestion arrêtées par leur instance unique. Une petite transformation culturelle est nécessaire, mais l'organisation du dialogue social que nous proposons vise aussi à faciliter les mobilités de la territoriale vers l'État.

J'en viens, pour finir, aux ordonnances. Il devrait y en avoir quatre, et non onze, comme j'ai pu l'entendre dire parfois.

La première concernera la prévention des risques psychosociaux, la santé et la médecine professionnelle. Je l'ai dit, nous sommes loin d'être exemplaires en la matière, et c'est pourquoi nous avons demandé à Mme Charlotte Lecocq de prolonger dans le secteur public les travaux qu'elle a menés dans le secteur privé, afin de formuler des propositions qui seront soumises à la concertation. Nous devrons, sur cette question importante, prendre le temps de la concertation.

La deuxième ordonnance concernera la formation initiale et continue des trois versants de la fonction publique. Outre la question du CNFPT et des centres de gestion, d'autres sujets méritent d'être mis en avant, notamment celui de l'accès renforcé à la formation pour les trois types d'agents territoriaux que j'ai évoqués.

La troisième ordonnance portera sur la décentralisation du dialogue social : nous devons faire le bilan des accords de Bercy de 2008 et déterminer les champs du dialogue social qui peuvent être traités au niveau local. Cette question nécessitera également un temps de concertation assez long, parce que les enjeux sont de taille et que l'on n'a pas encore tiré le bilan des accords de 2008.

La quatrième ordonnance concernera la protection sociale complémentaire. Nous sommes ouverts à la discussion sur les questions tant de santé que de prévoyance, et nous avons veillé à ce que le champ de l'habilitation soit suffisamment large pour cela. Nous nous appuierons sur un rapport que nous avons commandé aux trois inspections : il nous sera remis dans les prochaines semaines et vous en serez destinataires. Nous leur avons demandé de faire un bilan et un panorama exhaustif de la participation des employeurs aux différents modèles de protection sociale complémentaire : la situation est extrêmement hétérogène d'un versant à l'autre, d'un employeur à l'autre et parfois même, au sein d'un même ministère, d'un établissement ou d'un service à l'autre.

Nous leur avons également demandé de travailler sur un certain nombre de questions juridiques. Dès lors que l'on adopte – c'est une hypothèse – le principe de la participation obligatoire des employeurs, la participation relève-t-elle toujours de l'action sociale de l'employeur, ou bien est-ce un élément de la rémunération, avec les conséquences que cela induit en termes de fiscalisation de cette participation, comme dans le secteur privé ? Nous devrons également prêter attention aux questions budgétaires, puisqu'une première estimation montre qu'en s'en tenant à la seule protection sociale complémentaire en matière de santé, et en écartant le champ de la prévoyance, si nous arrêtions le principe d'une participation à 50 %, comme dans le secteur privé, l'écart entre le total des participations connues aujourd'hui et la participation qui serait nécessaire dans le cadre de contrats individuels – parce que les contrats de groupe peuvent changer la donne – s'élève déjà à plus de 2 milliards d'euros, à la charge des employeurs. Cela nécessitera, vous l'imaginez, des discussions, une concertation et peut-être, si nous arrivons à un accord, une montée en charge progressive afin de rendre la chose acceptable.

Derrière ces quatre ordonnances, il n'y a aucune volonté – et l'ancien député que je suis aurait du mal à la partager si elle existait – de dessaisir le Parlement. Il y a, en revanche, une double volonté : avoir le temps de concertation nécessaire, entre douze et quinze mois selon les sujets, parce que ces questions n'ont pas encore été abordées avec les partenaires sociaux, et traiter un certain nombre de points extrêmement techniques en leur donnant une force législative dès la publication de l'ordonnance. Il est rare que des textes sur la fonction publique soient inscrits à l'ordre du jour du Parlement et il serait dommage de devoir attendre l'inscription à l'ordre du jour d'un nouveau texte sur la fonction publique, dans plusieurs années.

Je m'engage, comme je l'ai déjà fait ce matin, à mener un travail de concertation sur ces ordonnances, aussi bien avec les partenaires sociaux qu'avec les parlementaires, dans les domaines qui les concernent. J'indique par ailleurs que nous sommes ouverts à toute proposition qui permettrait, à la fois, de garantir la concertation à laquelle je me suis engagé et de préciser les objectifs et les ambitions des différentes ordonnances.

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