La réunion débute à 13 heures 30
Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président
Nous sommes ravis de recevoir Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, et responsable du projet de loi de transformation de la fonction publique.
C'est la seconde fois que nous vous recevons, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez été le premier membre du Gouvernement à être entendu par cette délégation ; c'était il y a environ un an, sur un sujet très différent, les finances locales.
Nombre de dispositions de la loi de transformation de la fonction publique que vous portez au nom du Gouvernement touchent directement la fonction publique territoriale et c'est la raison pour laquelle la délégation s'est saisie pour avis de ce texte. C'est ce pan de la fonction publique qui nous intéressera plus particulièrement au cours de la présente audition.
Ce projet de loi est maintenant bien connu. Je pense que c'est un modèle en matière de concertation. Celle-ci, en particulier avec les organismes syndicaux, a été publique et longue, et a permis de faire progresser le texte. Le passage devant le Conseil d'État a également apporté un certain nombre de modifications, dont vous nous parlerez certainement.
Le rapporteur pour avis, Éric Poulliat, vous posera les premières questions à la suite de votre présentation. La discussion sera ensuite ouverte à l'ensemble des députés.
J'ai présenté ce projet de loi ce matin devant la commission des Lois et je le ferai à nouveau, après en avoir discuté avec votre délégation, devant la délégation parlementaire de l'Assemblée nationale aux droits des femmes, dans le cadre du titre V sur l'égalité professionnelle.
Comme vous l'avez dit, monsieur le président, de nombreuses dispositions concernent la fonction publique territoriale, et ce pour deux raisons. La première, c'est que certains articles sont propres à la fonction publique territoriale (FPT). La seconde, c'est que l'intégralité ou presque des articles s'appliquent aux trois versants, ou au moins à deux d'entre d'eux, et de nombreuses dispositions communes aux trois versants trouvent matière à s'appliquer dans la FPT. Par ailleurs, la méthode de concertation que nous avons suivie nous a conduits à différencier certaines mesures pour la FPT par rapport à ce que nous proposons pour la fonction publique d'État (FPE) et la fonction publique hospitalière (FPH).
Il est important de le souligner car, lorsque nous parlons de fonction publique territoriale, nous nous adressons à environ 1,9 million d'agents, titulaires ou contractuels, et à 48 000 employeurs publics, de tailles extrêmement différentes, connaissant des problématiques différentes et des organisations qui le sont tout autant. Nous savons que nos concitoyens sont attachés aux métiers de la territoriale, que ce soit dans les écoles, les EHPAD, les services techniques, etc. : bref, l'ensemble des services, notamment municipaux et départementaux, qui interviennent quotidiennement dans leur vie. Avec ce texte, nous avons voulu apporter aux employeurs, qui nous le demandent régulièrement, plus de confiance, plus d'autonomie, plus de responsabilité aussi. Nous avons également voulu répondre aux agents publics qui sont nombreux à considérer vivre une forme d'assignation à résidence professionnelle et manquer de perspectives, de possibilités d'envisager une deuxième ou une troisième carrière. Ce faisant, nous avons voulu répondre aux usagers, qui souhaitent un service public plus efficace, plus réactif, dont la continuité serait garantie et qui soit en mesure de s'adapter très rapidement aux évolutions des besoins, des technologies ou des organisations territoriales.
Nous avons présenté ce projet après une année – et même un peu plus – de concertation, qui s'est traduite par plusieurs centaines d'heures de réunion, dont 200 environ que j'ai présidées, avec les organisations syndicales, qui ont toutes joué le jeu, même si, à la fin du processus, seules deux d'entre elles, la CFDT et l'UNSA, ont fait le choix de présenter des amendements. La démarche est à saluer puisque, sur les quelque 200 amendements présentés par ces deux organisations, lorsqu'on excepte les amendements de suppression d'articles qui avaient une vocation de rappel de positions de principe, nous avons donné suite à environ la moitié des demandes, ce qui démontre aussi que nous avons écouté, entendu et pris en compte les propositions.
Avec les employeurs, nous avons initié une méthode de co-construction appuyée sur des relations et des rencontres très régulières avec les associations d'élus, en lien avec Jacqueline Gourault et l'ensemble de ses services, ainsi qu'avec la coordination des employeurs initiée par Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), et regroupant l'ensemble des associations dites représentatives, les maires ruraux, les petites villes, l'association Villes de France, France urbaine, l'Assemblée des communautés de France (ADCF), l'Association des régions de France (ARF), l'Assemblée des départements de France (ADF), l'Association des maires de France (AMF), et j'en oublie certainement. Nous avons aussi, avec Philippe Laurent, été chargés par le Premier ministre il y a maintenant plus d'un an, lors de la Conférence nationale des territoires de Cahors, de travailler conjointement à la rénovation de la fonction publique territoriale et nous avons pu constater à cette occasion que les convergences étaient nombreuses et que nous avions largement de quoi construire des mesures partagées.
La co-construction implique une forme de différenciation. C'est la raison pour laquelle des dispositions ont été introduites soit par les employeurs territoriaux par voie d'amendement lors des instances de consultation du personnel et des employeurs, soit grâce au soutien qu'ils ont apporté eux-mêmes à des amendements portés par les organisations syndicales. À titre d'exemple, nous n'avions pas prévu initialement, non pas que nous ne soyons pas convaincus mais parce que je voulais le co-construire avec eux, que la rupture conventionnelle pour les agents titulaires, sous forme d'expérimentation, serait ouverte à la fonction publique territoriale. Nous l'avions réservée à la FPE et à la FPH. À la suite d'un amendement syndical soutenu par le collège des employeurs, nous avons accepté cette extension. De même, nous prévoyons de permettre la signature de contrats de deux fois trois ans en catégories A, B et C au lieu de la seule catégorie A, dans la FPE et la FPH, et c'est un amendement des employeurs territoriaux qui nous conduit à permettre la signature de tels contrats en catégorie B pour la territoriale. En revanche, ils n'ont pas souhaité que cette possibilité soit étendue aux catégories C ; c'est là aussi une demande que nous avons entendue.
L'équilibre que nous recherchons entre d'une part davantage de souplesse et d'autonomie pour les employeurs publics, et d'autre part de nouvelles garanties et de nouveaux droits pour les agents repose ainsi sur la concertation, et n'aurait pu être atteint sans l'implication des employeurs territoriaux et des élus qui les représentent.
Je ne reviendrai pas sur les cinq piliers du texte puisque j'ai eu l'occasion de le faire ce matin en commission des lois. Je pense plus utile pour votre délégation d'insister sur trois points.
Tout d'abord, la question du dialogue social. Nous avons comme objectif de le simplifier en ayant moins d'instances de représentation et de consultation. Celles-ci sont aujourd'hui au nombre de 22 000 pour 5,5 millions d'agents publics. Nous souhaitons, par la fusion des comités techniques (CT) et des comités d'hygiène et de sécurité (CHS), recentrer le dialogue social sur des enjeux plus qualitatifs, sur les questions essentielles, avec des compétences pour cette instance unique en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de lignes directrices de gestion des ressources humaines, tant pour la mobilité que pour la promotion, ainsi que d'organisation puisque nous reprenons l'intégralité des compétences exercées précédemment par les CT et les CHS.
Nous voulons que les employeurs publics, et notamment les employeurs territoriaux, aient plus de latitude dans le dialogue social. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons que le Gouvernement puisse légiférer par ordonnances sur un point particulier, qui consiste à permettre de décentraliser le dialogue social et de lister, avec les employeurs publics comme avec les organisations syndicales, les champs pour lesquels un accord majoritaire, avec une portée juridique, pourrait être négocié localement, indépendamment de l'existence ou non d'un accord au niveau national. Cela permettrait de responsabiliser les acteurs du dialogue social au niveau local et favoriserait les améliorations. Une concertation préalable sera nécessaire avant la rédaction de l'ordonnance, car il faudra dresser un bilan des accords de Bercy conclus en 2008, qui avaient arrêté le principe de l'accord majoritaire dans la fonction publique mais en limitant son champ d'application au niveau national.
Le deuxième point sur lequel je souhaite insister touche à l'élargissement des viviers de recrutement, dans une volonté, tout d'abord, de transparence. Depuis un décret du 28 décembre dernier, l'ensemble des employeurs publics, quel que soit leur versant, sont tenus de publier toute offre d'emploi vacant, titulaire ou contractuel, dès lors que le contrat est supérieur à un an. Un espace numérique commun du nom de « Place de l'emploi public » permet aujourd'hui de géolocaliser 9 000 emplois publics dans les trois versants, pour garantir les conditions de transparence et de publicité de ces emplois.
Au-delà de cet accès à l'information, nous voulons favoriser d'une part les mutations interministérielles et d'autre part les mobilités inter-versants au niveau local. Il s'agira de supprimer la compétence des commissions administratives paritaires (CAP) en matière d'examen des dossiers individuels de mobilité et de promotion. Il s'agira aussi de favoriser la mobilité des fonctionnaires de l'État vers les versants territoriaux et hospitaliers. C'est ainsi, à titre d'illustration, que nous allons neutraliser le différentiel de taux de contribution employeur pour la retraite entre l'État et les deux autres versants puisque celui-ci est de quarante-quatre points aujourd'hui et que, lorsqu'un employeur territorial souhaite accueillir un agent de l'État en détachement, il est parfois réfréné dans son envie par la perspective d'un renchérissement de quarante points de cotisations sociales.
Par ailleurs, nous élargissons les cas de recours au contrat afin de permettre le recrutement sur des métiers pour lesquels il n'y a pas d'école de service public qui forme à la compétence, et ainsi répondre à des spécificités techniques, et de favoriser aussi des recrutements plus locaux dans la mesure où certaines filières titulaires rencontrent des difficultés faute d'attractivité. Je rappelle pour rassurer celles et ceux qui craignent parfois une trop grande différence entre les deux statuts que l'article 32 de la loi de 1983 portant statut général de la fonction publique soumet les agents contractuels aux mêmes engagements et aux mêmes devoirs que les agents titulaires et leur garantit les mêmes droits. Nous allons donc permettre dans la fonction publique territoriale des contrats de deux fois trois ans en catégorie B et dans la fonction publique hospitalière des contrats de deux fois trois ans en catégories B et C comme pour la fonction publique d'État.
Je souhaite souligner deux autres aspects concernant les contrats. Tout d'abord, nous envisageons un contrat de projet qui permettra à un employeur public de s'adjoindre une compétence pendant un temps donné. Ce sera un CDD d'un maximum de six ans et d'un minimum d'un an. Nous avons prévu une durée minimale pour éviter que ce soit une forme de machine à contrats courts ou très courts. L'employeur et l'agent contractuel devront déterminer lors de la signature la durée prévisionnelle du contrat. Il ne s'agit pas de dire à l'agent contractuel qu'il rejoint une collectivité pour une durée variant d'un à six ans mais plutôt qu'il mènera une mission de quatre ou cinq ans, que ce soit pour la mise en oeuvre ou la conception d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) ou le suivi d'un projet de rénovation urbaine. Cela permettra aux différentes administrations de s'adjoindre des compétences pour un temps donné, et à des contractuels venus du secteur privé de consacrer quelques années de leur vie à l'action publique sans s'inscrire à l'échelle d'une carrière.
Ensuite, nous faisons en sorte que les communes de moins de 1 000 habitants puissent recruter par contrat pour l'ensemble de leurs emplois permanents, quelle que soit la catégorie hiérarchique et pas seulement pour les secrétaires de mairie comme c'est le cas actuellement. Nous consacrerons aussi la portabilité du CDI inter-versants, qui nous paraît logique.
Le troisième point que je veux souligner porte sur l'abaissement des cloisons entre le secteur public et le secteur privé. Il s'agit de permettre aux agents publics de construire eux-mêmes une deuxième ou troisième carrière professionnelle dès lors qu'ils le souhaitent ou que le besoin s'en fait sentir. Nous allons ainsi, comme cela a été demandé lors de la concertation, mettre en place la rupture conventionnelle au bénéfice des agents en CDI et des fonctionnaires des trois versants, avec un encadrement, une forme d'homologation, mais aussi des indemnités de rupture et d'assurance chômage dans les mêmes conditions que pour le secteur privé, ce qui nous paraît essentiel pour sécuriser le projet professionnel de l'agent concerné.
Nous garantirons aussi la portabilité des droits à la formation entre secteurs public et privé avec un mécanisme de conversion des droits acquis dans un secteur de manière à pouvoir les utiliser dans un autre secteur et favoriser les mobilités, voire les allers-retours, tout en adaptant le cadre déontologique pour mieux prévenir les conflits d'intérêts. L'objectif est de recentrer le champ du contrôle systématique de la commission de déontologie sur les métiers à risques en sortie de la fonction publique vers le secteur privé, mais de rendre aussi systématique le contrôle pour les mêmes métiers lors du retour ou, et c'est une création, lors de l'entrée dans la fonction publique. Si nous ouvrons les emplois de direction aux contractuels comme nous le souhaitons, il faut en effet prévoir ce contrôle de déontologie.
Le projet de loi n'épuise pas l'intégralité des sujets de la fonction publique. D'autres concertations sont en cours sur l'attractivité des concours, la protection sociale complémentaire, même s'il y a un renvoi là aussi à une ordonnance, le développement de l'apprentissage…
Surtout, ce projet a vocation à être enrichi à l'occasion de l'examen parlementaire. Je pense à un certain nombre de sujets comme celui de la formation, en ayant en particulier à l'esprit le rapport de Jacques Savatier et Arnaud de Belenet sur les rapprochements possibles entre le CNFPT et les centres de gestion. Je pense aussi à la nécessité d'avancer peut-être davantage sur une initiative des organisations syndicales que nous avons acceptée et qui consiste à prévoir un accès renforcé à la formation, notamment dans la territoriale, pour trois catégories d'agents : ceux qui ont la formation initiale la moins importante, ceux qui sont en situation de handicap et ceux qui occupent des postes à usure professionnelle. Ce sont en effet celles qui rencontrent le plus de difficultés de reclassement du fait des évolutions technologiques ou de problématiques médicales. Sur ces dernières, nous aurons aussi un travail de concertation à mener pour réformer les instances médicales et garantir une meilleure prévention car en la matière nous sommes très loin de l'exemplarité et il y a fort à faire pour progresser.
Je n'évoquerai pas les autres thèmes du projet de loi, comme l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou l'accompagnement des restructurations, qui relèvent de la fonction publique d'État, mais si vous avez des questions sur ces sujets, j'y répondrai volontiers.
Je remercie M. Dussopt de sa présence devant la délégation. C'est une manière de consacrer la légitimité de celle-ci à travailler sur ce texte.
Je salue également son implication et sa capacité d'écoute sur ce projet de loi. Les réformes de la fonction publique sont toujours à haut potentiel inflammable mais les discussions sur cette réforme se sont déroulées dans un climat respectueux et ont été très riches. C'est une approche globale, concertée et humaine, sortant des questions purement comptables, qui a été adoptée et, au final, ce projet de loi répond aux besoins exprimés aussi bien par les employeurs que par les organisations syndicales. C'est un exemple en matière de méthodologie législative.
Sur le projet lui-même, il me semble important de rappeler quelques éléments de contexte. À l'heure des conclusions du Grand débat national, on voit à quel point le renforcement des services publics dans les territoires, la présence de services de proximité sont essentiels pour lutter contre les inégalités territoriales. Pour autant, nos concitoyens, ils l'ont dit, souhaitent davantage d'agilité dans la gestion des services publics du quotidien, et plus d'efficacité. Il nous faut donc opérer une profonde modernisation dans la gestion des ressources humaines afin de répondre aux attentes à la fois de nos concitoyens et des employeurs, tout en préservant le statut des fonctionnaires, ce qui a été un vrai sujet dès le départ. Des craintes existaient en effet, à cet égard, et il était important d'offrir aux agents de nouveaux droits et de nouvelles perspectives en termes d'évolution professionnelle.
La délégation s'est saisie pour avis de ce texte et je remercie notre président Jean-René Cazeneuve de nous offrir cette opportunité.
Je relèverai quelques points saillants : le dialogue social, fortement ancré dans les collectivités ; les outils de recrutement, pour créer de la flexibilité et sécuriser en même temps les parcours des agents ; l'harmonisation du temps de travail ; et les mobilités, dans une double approche entre la sécurité qu'offre le statut et le sentiment d'enfermement qu'il peut parfois créer.
J'en viens à mes questions.
Lors des auditions auxquelles j'ai participé avec la rapporteure de la commission des lois, Émilie Chalas, le président du CSFPT a pointé la nécessité d'obtenir l'accord de la majorité du conseil, plutôt que celle du président uniquement, sur les saisines du Conseil commun de la fonction publique (CCFP). Quel est votre point de vue ?
Pouvez-vous également nous préciser le futur rôle des CAP ? Vous soulignez qu'elles doivent se recentrer sur les situations complexes et non plus sur la mobilité ou l'avancement. Qu'entendez-vous par de telles situations complexes ? Pouvez-vous nous dire quel sera le rôle des organisations syndicales dans ces CAP ?
L'article 10 rend possible pour les communes de moins de mille habitants et les groupements composés de communes de recourir au contrat pour l'ensemble des emplois permanents, même non complets. Un EPCI de 50 000 habitants avec une soixantaine de communes, donc avec une moyenne de population par commune de moins de mille habitants, pourra-t-il recourir à des contractuels sur tous les emplois ? N'y a-t-il pas là une difficulté ?
La rupture conventionnelle pour les fonctionnaires va constituer une révolution culturelle. Sera-t-elle ouverte aux contractuels recrutés dans le cadre de contrats de projet ? Ce contrat de projet est à mon sens une avancée réelle pour les employeurs territoriaux, qui pourront enfin recruter en fonction des besoins plutôt que du statut.
La mobilité est très demandée, notamment par les agents territoriaux car, quand on est dans la territoriale, on a le sentiment d'être obligé d'y rester. Vous facilitez les passages de la FPE vers la FPT, où les charges sont moins importantes, on l'a bien compris, mais comment encourager aussi la mobilité de la FPT vers la FPE ou la FPH ? Il ne faudrait pas enfermer les agents territoriaux, qui verraient en outre une concurrence arriver des autres versants.
Enfin, il est prévu que passent par voie d'ordonnance beaucoup de sujets clés, comme la négociation sur l'organisation et le temps de travail, la protection sociale et la santé au travail... Certes, cela va concourir au dialogue social. Mais lorsqu'il est question de protection complémentaire santé, s'agit-il aussi de prévoyance? Sur la formation initiale, les contractuels seront-ils correctement formés ? Avez-vous des pistes à ce sujet ? La volonté de conserver une connaissance de l'environnement est assez ancrée chez nos agents. Enfin, est-ce que les CDG auront un rôle d'appui en matière de déontologie ?
S'agissant tout d'abord de la saisine du CSFPT, nous avons aujourd'hui un système de consultation avec des instances de représentation et de consultation organisé autour de trois conseils supérieurs, un par versant, et d'un conseil commun, le CCFP. Il est important de préciser que ce conseil commun n'a pas d'autorité hiérarchique, de prééminence sur les trois conseils supérieurs. Ce sont trois institutions indépendantes mais il est précisé que le conseil commun traite de toutes les questions communes à ces instances. La règle n'est pas très claire lorsqu'un sujet concerne deux des trois fonctions publiques. Nous prévoyons que le conseil commun puisse se saisir, par l'intermédiaire de son président, des sujets qui sont propres à deux des trois versants de la fonction publique et qui comportent par ailleurs des dispositions spécifiques à un versant mais non dépourvues de tout lien avec les dispositions communes du projet de texte examiné. Cela nous évitera des situations un peu baroques qui nous conduisent à refuser d'examiner en CCFP un certain nombre d'amendements sous prétexte qu'ils relèvent du CSFPT alors même que leur champ d'application concerne, dans la réalité des services, les trois versants. C'est ce qui nous amène à proposer cette possibilité de saisine du CCFP.
Nous avions imaginé que la saisine soit possible avec l'accord du président du conseil supérieur, qui se verrait ainsi dessaisi, si l'on peut dire. Le Conseil d'État, dans son avis, nous a déconseillé de maintenir ce critère. De la même manière, il n'est pas conseillé non plus d'envisager que la « dessaisine », si vous permettez ce barbarisme, soit à l'initiative d'une majorité du conseil supérieur concerné puisque cela signifierait l'obligation de convoquer ce conseil dans les formes appropriées, de constater sa volonté de ne pas traiter d'un sujet, pour le renvoyer au conseil commun, et nous n'y gagnerions pas beaucoup en simplification. Il a même été proposé que ce soit le bureau du conseil supérieur qui décide de cela ; or ce n'est pas possible puisque le bureau d'un conseil supérieur ne dispose d'aucune délégation de type bureau exécutif. C'est ce qui nous amène à ce texte. Il y a une réalité et une pratique du droit. Dans la pratique, il est absolument inenvisageable que le président du conseil commun, tout membre du Gouvernement qu'il soit, puisse dessaisir les deux autres conseils supérieurs sans prendre la peine de consulter leurs présidents respectifs. Et s'il s'agit du Conseil supérieur de la fonction publique d'État, c'est le même qui préside, donc les choses devraient se passer correctement.
Autre aspect qu'il faut avoir en tête : les employeurs et les organisations syndicales de chacun des conseils supérieurs ont des représentations au conseil commun. C'est donc une vraie volonté de simplification, et nous veillons à ne pas créer de tutelle ou de hiérarchie entre le conseil commun et les trois autres conseils supérieurs.
S'agissant des CAP, la principale modification que nous apportons concerne l'examen des situations individuelles. Notre organisation du dialogue social est aujourd'hui un peu particulière : les comités techniques traitent d'organisation des services, parfois de rémunération, les CHS ne traitent que d'hygiène et de sécurité, ou quasiment, et les CAP examinent, pour ce qui concerne les promotions et les mobilités, des dossiers individuels à l'aune de règles générales et de décisions prises par l'autorité et l'employeur concernés sans jamais être saisies, ou très rarement, de la définition des règles d'accès à la mobilité ou à la promotion. Nous souhaitons que l'instance unique traite des règles générales d'accès aux mobilités et aux promotions à travers les lignes directrices de gestion des ressources humaines. Nous voulons que ces règles puissent être invoquées ; elles seront un cadre d'action et les agents pourront aussi s'y référer. Les décisions seront prises sans que les dossiers passent en CAP sous la forme de l'examen individuel, afin de gagner du temps et éviter les contradictions. C'est un point important du texte.
Cela ne veut pas dire que les CAP disparaissent. Elles resteront compétentes sur un certain nombre de cas, que l'on qualifie parfois de cas « difficiles », même si ce n'est pas un terme juridique. Elles continueront donc de rendre un avis préalable en matière disciplinaire, d'insuffisance professionnelle, de refus de titularisation, de licenciement dans le cas où un agent refuse trois postes successifs après une mise en disponibilité en vue de sa réintégration, de refus de congé de formation syndicale, de refus de formation ou de congé de formation professionnelle, de déchéance ou de restriction du droit à pension. Elles n'examineront plus les décisions en matière de mobilités et de mutations, d'avancement et de promotion ou d'acceptation de démission sous leur forme individuelle. D'autre part, les CAP interviendront toujours en tant qu'instance de recours à la demande de l'agent sur les décisions individuelles défavorables, à l'exception de celles ayant trait aux mobilités, aux mutations et aux promotions, qui feront l'objet d'un droit de recours spécifique. Si je n'ai pas été assez clair sur les compétences des CAP, je pourrai vous transmettre un document récapitulatif.
Vous m'interrogez sur la disposition qui autorisera, en modifiant l'article 3-3 de la loi de 1984, les communes de moins de 1 000 habitants et les groupements de communes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil, à recruter des contractuels sur l'ensemble de leur cadre d'emplois, quelle que soit leur catégorie hiérarchique. Aujourd'hui, cette disposition ne vaut que pour les secrétaires de mairie. Or nous avons constaté que seuls 16 % des secrétaires de mairie sont contractuels, alors que le pourcentage de contractuels dans l'ensemble de la fonction publique s'élève à 20 %. La réalité est donc plutôt rassurante et ne laisse pas craindre, a priori, un recours abusif aux contractuels. Par ailleurs, il faut avoir en tête que la référence aux communes de moins de 1 000 habitants et à leurs groupements est une expression qui figure déjà dans notre droit, au sujet des secrétaires de mairie : ce n'est pas une invention. Nous introduisons la possibilité de recruter des agents titulaires ou contractuels pour les temps non complets en dessous d'une quotité de 50 %, mais je souligne qu'au-delà de 50 %, il ne pourra s'agir que de titulaires.
Notre objectif est de réduire la précarité, en préférant les contrats longs aux fausses vacations et en favorisant l'accès à un emploi titulaire à temps non complet dans des conditions beaucoup plus souples qu'aujourd'hui. Voilà qui devrait faire disparaître votre crainte d'un recours abusif aux contractuels : il est assez limité aujourd'hui et il n'y a pas de raison que ce texte bouleverse les choses.
J'en viens aux modalités de recrutement des agents contractuels, qui s'appliqueront à toutes les catégories hiérarchiques, y compris aux emplois de direction. Je précise que par « emplois de direction », on entend, dans le domaine des collectivités, les emplois fonctionnels des collectivités de plus de 40 000 habitants : nous avons retenu cette limite, parce que c'est la barre démographique à partir de laquelle, en droit commun, on peut recruter des administrateurs territoriaux. Le recrutement des contractuels sera encadré par un certain nombre de dispositions, qui ont vocation à garantir le principe de l'égal accès à l'emploi public.
Ce principe suppose au moins deux conditions. La première, c'est la transparence. Le décret du 28 décembre 2018, relatif à l'obligation de publicité des emplois vacants sur un espace numérique commun aux trois versants de la fonction publique, « Place de l'emploi public », répond à cette obligation de transparence. La deuxième condition, c'est le caractère objectif du recrutement et l'égalité du candidat devant le jury. Nous renvoyons cette question à un décret, qui pourrait contenir des éléments relatifs à la composition du dossier de candidature, aux modalités et aux conditions d'examen – avec la convocation éventuelle à un entretien –, à la composition du jury, qui doit compter les mêmes membres pour l'examen de toutes les candidatures, ou encore à l'articulation avec les candidatures titulaires et les modalités de recrutement ou d'objectivation des compétences. Nous veillerons à ce que les conditions d'un égal accès à l'emploi public soient réunies, mais – et je crois que c'est un point important pour votre Délégation – nous ne formaliserons pas d'une manière trop précise les modalités pratiques d'organisation de cette sélection, puisqu'on ne peut pas demander à une commune de 3 000 ou 4 000 habitants d'introduire les mêmes procédures qu'une commune de 50 000, 100 000 ou 200 000 habitants. Il faut qu'une différenciation soit possible.
J'en viens à la rupture conventionnelle. Nous avons introduit trois garde-fous, qu'il faut bien avoir en tête.
Le premier, et je m'adresse ici à celles et ceux qui craindraient une utilisation abusive de la rupture conventionnelle, c'est qu'elle fera l'objet, comme dans le secteur privé, d'une homologation, ce qui permettra de distinguer les ruptures conventionnelles de convenance de celles qui répondent réellement à l'objectif de ce dispositif.
Le deuxième garde-fou tient au fait que, dans la mesure où les employeurs publics ne cotisent pas à l'assurance chômage pour les agents titulaires, l'allocation de retour à l'emploi, qui est prévue et qui sera un droit pour l'agent ayant accepté une rupture conventionnelle, reposera sur l'autofinancement. Ce dispositif n'est pas nouveau puisqu'il existe déjà, dans certains cas très précis, un droit à l'allocation-chômage pour des agents publics licenciés, qui est assuré par la collectivité anciennement employeuse, soit directement, soit dans le cadre d'une convention avec Pôle Emploi.
Le troisième garde-fou, enfin, est une demande des organisations syndicales que nous avons acceptée. Il s'agit de permettre à l'agent à qui l'on a proposé une rupture conventionnelle d'être accompagné par un conseiller syndical de son choix, à la fois pendant la période de la rupture conventionnelle et après celle-ci – dans l'hypothèse où il la refuse – pour veiller à ce que ce refus n'entraîne pas un traitement différencié, voire des représailles.
Nous n'envisageons pas d'autoriser la rupture conventionnelle pour les titulaires d'un contrat de projet, pour une raison très pragmatique : le contrat de projet est un CDD et la rupture conventionnelle s'appliquera, dans le secteur public comme dans le secteur privé, aux seuls CDI. J'ai indiqué qu'un terme sera fixé au moment de la signature du contrat de projet. L'arrêt anticipé de celui-ci par l'employeur donnera lieu, quel que soit son motif, à une indemnisation spécifique de l'agent contractuel, ce qui est une garantie supplémentaire.
S'agissant des mobilités, nous allons mettre à bas un maximum d'obstacles, généraliser la position normale d'activité et neutraliser des taux de cotisation, afin de faciliter les mobilités de la fonction publique d'État vers les autres versants. Mais nous allons également faire en sorte que les agents de la fonction publique territoriale puissent passer dans la fonction publique d'État et dans la fonction publique hospitalière.
Sur cette question, j'ai deux éléments de réponse à vous donner. Le premier tient à la réorganisation des CAP : le fait qu'elles ne soient plus organisées par corps ou par cadres d'emploi, mais par catégories hiérarchiques, va permettre de dépasser les logiques corporatistes, qui ne facilitent pas le passage d'agents de la fonction publique territoriale vers la fonction publique d'État. Le deuxième, c'est que les procédures de recrutement – et donc d'encadrement des mobilités – que nous introduisons en supprimant l'avis des CAP sur les décisions individuelles de mobilité, permettront aux employeurs de l'État de recruter plus librement, en vertu d'un processus de sélection qu'ils mettront eux-mêmes en place sans avoir à consulter une CAP sur la situation individuelle des candidats, dès lors que la décision qu'ils prendront sera conforme aux lignes directrices de gestion arrêtées par leur instance unique. Une petite transformation culturelle est nécessaire, mais l'organisation du dialogue social que nous proposons vise aussi à faciliter les mobilités de la territoriale vers l'État.
J'en viens, pour finir, aux ordonnances. Il devrait y en avoir quatre, et non onze, comme j'ai pu l'entendre dire parfois.
La première concernera la prévention des risques psychosociaux, la santé et la médecine professionnelle. Je l'ai dit, nous sommes loin d'être exemplaires en la matière, et c'est pourquoi nous avons demandé à Mme Charlotte Lecocq de prolonger dans le secteur public les travaux qu'elle a menés dans le secteur privé, afin de formuler des propositions qui seront soumises à la concertation. Nous devrons, sur cette question importante, prendre le temps de la concertation.
La deuxième ordonnance concernera la formation initiale et continue des trois versants de la fonction publique. Outre la question du CNFPT et des centres de gestion, d'autres sujets méritent d'être mis en avant, notamment celui de l'accès renforcé à la formation pour les trois types d'agents territoriaux que j'ai évoqués.
La troisième ordonnance portera sur la décentralisation du dialogue social : nous devons faire le bilan des accords de Bercy de 2008 et déterminer les champs du dialogue social qui peuvent être traités au niveau local. Cette question nécessitera également un temps de concertation assez long, parce que les enjeux sont de taille et que l'on n'a pas encore tiré le bilan des accords de 2008.
La quatrième ordonnance concernera la protection sociale complémentaire. Nous sommes ouverts à la discussion sur les questions tant de santé que de prévoyance, et nous avons veillé à ce que le champ de l'habilitation soit suffisamment large pour cela. Nous nous appuierons sur un rapport que nous avons commandé aux trois inspections : il nous sera remis dans les prochaines semaines et vous en serez destinataires. Nous leur avons demandé de faire un bilan et un panorama exhaustif de la participation des employeurs aux différents modèles de protection sociale complémentaire : la situation est extrêmement hétérogène d'un versant à l'autre, d'un employeur à l'autre et parfois même, au sein d'un même ministère, d'un établissement ou d'un service à l'autre.
Nous leur avons également demandé de travailler sur un certain nombre de questions juridiques. Dès lors que l'on adopte – c'est une hypothèse – le principe de la participation obligatoire des employeurs, la participation relève-t-elle toujours de l'action sociale de l'employeur, ou bien est-ce un élément de la rémunération, avec les conséquences que cela induit en termes de fiscalisation de cette participation, comme dans le secteur privé ? Nous devrons également prêter attention aux questions budgétaires, puisqu'une première estimation montre qu'en s'en tenant à la seule protection sociale complémentaire en matière de santé, et en écartant le champ de la prévoyance, si nous arrêtions le principe d'une participation à 50 %, comme dans le secteur privé, l'écart entre le total des participations connues aujourd'hui et la participation qui serait nécessaire dans le cadre de contrats individuels – parce que les contrats de groupe peuvent changer la donne – s'élève déjà à plus de 2 milliards d'euros, à la charge des employeurs. Cela nécessitera, vous l'imaginez, des discussions, une concertation et peut-être, si nous arrivons à un accord, une montée en charge progressive afin de rendre la chose acceptable.
Derrière ces quatre ordonnances, il n'y a aucune volonté – et l'ancien député que je suis aurait du mal à la partager si elle existait – de dessaisir le Parlement. Il y a, en revanche, une double volonté : avoir le temps de concertation nécessaire, entre douze et quinze mois selon les sujets, parce que ces questions n'ont pas encore été abordées avec les partenaires sociaux, et traiter un certain nombre de points extrêmement techniques en leur donnant une force législative dès la publication de l'ordonnance. Il est rare que des textes sur la fonction publique soient inscrits à l'ordre du jour du Parlement et il serait dommage de devoir attendre l'inscription à l'ordre du jour d'un nouveau texte sur la fonction publique, dans plusieurs années.
Je m'engage, comme je l'ai déjà fait ce matin, à mener un travail de concertation sur ces ordonnances, aussi bien avec les partenaires sociaux qu'avec les parlementaires, dans les domaines qui les concernent. J'indique par ailleurs que nous sommes ouverts à toute proposition qui permettrait, à la fois, de garantir la concertation à laquelle je me suis engagé et de préciser les objectifs et les ambitions des différentes ordonnances.
Avant de donner la parole à nos collègues, j'aimerais revenir sur trois points que vous avez déjà en partie abordés.
Au sujet de l'article 18, relatif à l'harmonisation du temps de travail, j'aimerais savoir combien de fonctionnaires de la fonction publique territoriale travaillent moins que ce que prévoit la loi. Ce que l'on me dit, c'est que les collectivités qui ne sont pas encore passées à cette durée légale sont assez contentes qu'on leur demande de le faire, sans leur en laisser la responsabilité. Est-ce aussi votre perception des choses ?
Ma deuxième question porte sur l'article 25. Il est extrêmement important, en particulier dans les territoires ruraux, où la densité des services publics est assez faible, de faciliter le passage d'une fonction publique à l'autre. Mais, dans les faits, chacun va vouloir garder ses bons collaborateurs. Avez-vous prévu des indicateurs ou des incitations ? Les gens seront-ils évalués sur leur capacité à faire évoluer les agents au-delà de la fonction publique à laquelle ils appartiennent ?
Ma troisième question concerne les allers-retours entre le public et le privé, qui seront, à n'en pas douter, une source d'enrichissement pour les collaborateurs, comme pour les collectivités territoriales. Néanmoins, nous devons tenir compte du climat de suspicion généralisée dans lequel nous vivons. Les élus nationaux sont les plus visés, mais la suspicion pourrait se porter aussi sur les élus locaux. Les fonctionnaires territoriaux ont le sens de l'intérêt général, leur probité n'est pas en cause mais, dans la mesure où de nombreux appels d'offres sont faits par les fonctionnaires, avez-vous imaginé des règles pour garantir la transparence et pour éviter que le doute ne s'insinue ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué les contrats de projet, qui pourront durer entre un et six ans. Mais, dans le cadre des conventions conclues entre l'État et les collectivités locales en matière de renouvellement urbain, les délais ont souvent tendance à s'allonger, pour des raisons financières, techniques ou administratives. Sera-t-il possible, si un projet dure plus de six ans et si c'est justifié, de proroger le contrat de la personne en charge de celui-ci ?
Par ailleurs, et ce point fait souvent débat, dans le cadre de vos discussions avec les partenaires sociaux, avez-vous évoqué l'absentéisme et le présentéisme et toutes les questions liées, qu'il s'agisse des primes ou des abus ?
Dans le prolongement des questions extrêmement intéressantes qu'a posées notre rapporteur, j'aimerais vous interroger sur la mobilité des agents territoriaux. Vous avez évoqué le passage de la fonction publique territoriale vers la fonction publique d'État, qui serait effectivement une bonne chose, mais qu'en sera-t-il, plus spécifiquement, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) ? Leur cas est particulier, puisque ce sont des services hospitaliers, mais qu'ils relèvent souvent de la fonction publique territoriale. L'un des problèmes du recrutement dans les EHPAD, c'est qu'il est difficile d'en sortir, une fois qu'on y est entré. Avez-vous imaginé des mobilités entre la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, éventuellement au travers de la validation des acquis, pour donner aux agents des perspectives de carrière ?
Monsieur le secrétaire d'État, pour avoir créé un comité de déontologie dans le département où je travaillais, j'aimerais vous entendre sur ces questions. Avez-vous des préconisations en matière de déontologie ? Voulez-vous instaurer une obligation, ou bien laisserez-vous aux collectivités la liberté d'agir ?
Monsieur Gaillard, nous ne prévoyons pas de proroger les contrats de projet, pour une raison très simple : la loi Sauvadet de 2012 prévoit qu'au bout de six ans sur le même poste, on passe en CDI. Or nous ne voudrions pas qu'une disposition relative au contrat de projet remette en cause la possibilité de cédéisation des agents, car cette disposition, qui était attendue, rencontre un certain succès. Cela étant, il y a deux façons de répondre à votre préoccupation. Si le projet dure plus de six ans et que l'employeur et l'agent souhaitent prolonger leur collaboration pendant quelques années, mais pas nécessairement à l'échelle d'une carrière, l'agent passera en CDI et la rupture conventionnelle sera un moyen d'y mettre fin.
Il y a une deuxième option, qui aurait les mêmes conséquences en termes de fin de contrat. Nous réfléchissons aux moyens d'améliorer, ou en tout cas d'élargir les possibilités de primo-recrutement en CDI. Il existe un certain nombre de métiers extrêmement techniques pour lesquels nous n'avons pas de formation spécifique dans la fonction publique et pour lesquels les établissements publics de l'État peuvent avoir recours à un primo-recrutement directement en CDI. Ce pourrait être une formule intéressante dans un certain nombre de situations et de cas particuliers.
J'en viens à la question du présentéisme et de l'absentéisme. Elle n'est pas abordée dans ce texte, même si nous rendons possible la généralisation de la part variable, dans la mesure où nous l'autorisons pour les contractuels, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. En la matière, néanmoins, la jurisprudence est assez précise et elle interdit notamment de sanctionner financièrement l'absentéisme, ce qui suscite des discussions parfois baroques autour de la notion de présentéisme, que j'ai du mal à comprendre. Nous n'avons pas creusé cette question, qui mériterait pourtant de l'être, pas nécessairement dans ce texte, mais à l'occasion d'autres discussions avec les organisations syndicales.
S'agissant des EHPAD, madame Kamowski, tout ce qui relève de la validation des acquis est d'ordre réglementaire. C'est effectivement un point très important, notamment pour permettre la préparation d'une reconversion ou d'un reclassement. C'est d'ailleurs ce qui a poussé la CFDT à demander l'équivalent du plan d'investissement dans les compétences (PIC) dans la fonction publique territoriale pour les trois types d'agents que j'ai déjà évoqués – agents très faiblement qualifiés, agents en situation de handicap et agents occupant un poste à usure professionnelle –, qui sont souvent employés dans les EHPAD. Nous créons, dans cette loi, les moyens qui seront nécessaires pour prendre un certain nombre de dispositions. Mais tout ce qui relève de la validation des acquis de l'expérience (VAE) relève du domaine réglementaire et d'autres chantiers que nous menons par ailleurs sur l'attractivité des métiers titulaires et la capacité à valoriser ces formations.
S'agissant, monsieur le président, des mobilités et des leviers de management, il est évident que garder les meilleurs est toujours une gageure. Il faut que les employeurs publics se saisissent de tous les moyens à leur disposition pour le faire. Par exemple, on peut envisager de supprimer toute forme de notation pour aller vers l'évaluation et l'entretien professionnel, afin de définir des perspectives de carrière et de formation. On peut faire en sorte de rendre plus effectif le recours au compte personnel de formation, pour que chacun puisse construire sa propre perspective professionnelle. Dans ce texte, nous ne répondrons pas à toutes ces questions. En tout cas, nous ne ferons pas les choses à la place des employeurs. Ils ont un cadre contraint, ils peuvent nous demander davantage de liberté – et c'est ce qu'ils font –, mais chacun gérera ses affaires comme il l'entend. En matière d'accompagnement des carrières, notre démarche est la même que pour les contrats : nous favorisons le recours au contrat, mais nous n'introduisons pas d'obligation. C'est un champ de possibilités que nous ouvrons.
S'agissant du temps de travail dans la fonction publique territoriale, dans son rapport fait au titre du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale il y a plus de deux ans, Philippe Laurent estime que 1 500 collectivités ne respecteraient pas, dans leur protocole d'accord, les 1 607 heures de durée légale du temps de travail. Souvent, ces collectivités maintiennent des protocoles qui sont entrés en vigueur avant 2001, en application de l'article 7-1 de la loi de 1984, qui précise que les collectivités ayant des protocoles antérieurs à 2001 et une quotité inférieure à 1 607 heures peuvent les maintenir, tant qu'ils ne sont pas révisés. La plupart des rapports des chambres régionales des comptes incitent, pour ne pas dire plus, les collectivités à réviser ces protocoles, mais toutes ne l'ont pas fait. La loi va rendre cette révision obligatoire dans l'année qui suivra, non pas sa publication, mais le prochain renouvellement des assemblées délibérantes de chaque collectivité. Nous avons en effet considéré qu'il s'agissait plutôt d'un dossier de début que de fin de mandat, et qu'il valait mieux laisser un petit délai pour la mise en application de cette disposition.
On estime que le manque à gagner – même si je ne suis pas sûr que ce terme soit approprié – serait de 30 000 équivalents temps plein (ETP). Cela dit, il faut être prudent avec la règle de trois, car lorsqu'il manque une heure par semaine à un agent dans une collectivité de 10, 15 ou 20 salariés, ce n'est pas parce que cette heure sera travaillée que l'on va réduire les effectifs ou considérer que l'on a gagné un, deux ou trois ETP. Je précise que le même débat se posera pour la fonction publique d'État, puisqu'un récent rapport montre que sur les 1,1 million d'agents de l'État qui n'ont pas de régime particulier, 310 000 ne travailleraient pas 1 607 heures par an, 190 000 du fait de sujétions particulières – travail le week-end ou de nuit – et 120 000 pour des raisons moins faciles à expliquer. S'agissant de ce deuxième groupe, l'État est prêt à prendre les dispositions nécessaires et à en rendre compte, pour revenir à un régime normal. En effet, si l'on appelle les collectivités à se mettre en conformité avec la loi, il est normal que l'État fasse aussi son travail.
J'en viens à la Commission de déontologie de la fonction publique. Aujourd'hui, elle est saisie d'environ 8 000 dossiers par an, ce qui pose des difficultés d'instruction. Or certains dossiers font l'objet d'une saisine obligatoire de la Commission de déontologie, alors même que les fonctions exercées ne présentent pas un risque majeur en termes de déontologie. Nous voulons donc recentrer la saisine obligatoire de la Commission de déontologie sur les fonctions à risque, qui restent à définir. Nous voulons aussi introduire deux contrôles. Le premier, le contrôle au retour, existe déjà, mais est facultatif. Un chef de service peut saisir la Commission de déontologie s'il se pose des questions sur la situation de son nouvel agent au regard des règles de déontologie, mais il n'y est pas obligé. Nous considérons que s'il y a contrôle à la sortie, il faut aussi un contrôle au retour. Par ailleurs, nous voulons créer un contrôle à l'entrée, qui lui n'existe pas. Si nous ouvrons le recours aux contractuels, notamment sur des emplois de direction, il semble utile d'avoir un contrôle d'entrée, pour sécuriser à la fois l'employeur et celui ou celle qu'il recrute.
Nous voulons aussi améliorer la publicité des avis rendus par la commission, leur suivi et les possibilités de sanctions. D'une manière générale, nous voulons que la prévention des conflits d'intérêts soit plus automatique et plus facile, sans saisine de la Commission de déontologie. Telles sont nos orientations, et l'article du projet de loi consacré à cette question les expose clairement.
MM. Fabien Matras et Olivier Marleix ont déposé, sur le bureau de la commission des Lois, un rapport sur ces questions qui est tout à fait intéressant. Nous n'approuvons pas toutes les propositions qu'il contient, et c'est bien normal, puisque chacun fait son travail et défend ses propositions. Cela étant, plusieurs d'entre elles nous conviennent et je suis convaincu qu'une discussion suffira pour aplanir nos divergences et pour trouver une manière d'améliorer le contrôle de déontologie. Je sais que les attentes des députés sont grandes en la matière : des membres de la majorité m'en ont parlé et des députés d'autres groupes ont également souligné ce matin, en commission des Lois, leur intérêt pour la déontologie et la prévention des conflits d'intérêts. J'ai la conviction que l'article que nous proposons gagnera à être enrichi par la discussion parlementaire.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour toutes vos réponses. Il me semble important de préserver la philosophie que vous avez voulu imprimer à ce texte, votre grande ouverture et la liberté avec laquelle vous abordez le débat parlementaire. Sur la question de la déontologie, par exemple, on sent bien que vous n'êtes pas arrivé ici avec une idée préconçue et que vous êtes prêt à laisser la place au débat – votre passé de parlementaire n'y est sans doute pas pour rien. J'apprécie aussi que vous ne cherchiez pas à imposer des cadres, ni à rigidifier les choses, tranche par tranche, corps par corps. Ce texte, parce qu'il s'applique à tous sans distinction, libérera les agents publics et les employeurs territoriaux dans leur manière d'envisager l'emploi public.
Chers collègues, je reste à votre disposition si vous voulez que nous creusions certains sujets ensemble. J'organiserai quelques réunions, afin que nous puissions, en mai, faire de nouvelles propositions et alimenter le débat.
Je veux vous assurer à nouveau de ma totale disponibilité et vous redire que je suis prêt à la concertation et ouvert au débat. Le texte que je présente comporte trente-six articles, qui ont tous vocation à s'appliquer au minimum à un versant entier de la fonction publique et, pour trente d'entre eux, à deux ou trois versants. L'essentiel des mesures est transversal et c'est un aspect auquel nous tenons beaucoup. Ce texte ne comprend pas, ou quasiment pas, de dispositions catégorielles. Parce que je connais le débat parlementaire, je ne me fais pas d'illusions et je sais qu'il y en aura à la fin.
Du reste, nous devons nous-mêmes travailler à décliner certaines dispositions du texte, parce qu'elles nécessitent une application différenciée, catégorie par catégorie. Pour prendre un seul exemple, quelques organismes, au sein de la fonction publique hospitalière, accueillent à la fois des agents publics, qui sont concernés par ce texte, et des agents de droit privé, venus par exemple de la Caisse nationale d'assurance maladie. Des cas comme celui-ci imposent d'imaginer des formes un peu hybrides de dialogue social. D'ici à l'examen du texte en commission, puis en séance, nous vous proposerons certainement trois ou quatre modifications qui permettront, non pas d'aborder des sujets de manière catégorielle, mais de décliner certaines mesures du texte en fonction de situations très particulières. J'ai la conviction que plus le texte aura une portée générale et sera applicable à tous, plus il sera simple à comprendre. Gardons-nous de multiplier les articles additionnels, comme nous sommes souvent tentés de le faire, ne traitant chacun que d'une profession en particulier.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre proposition : il nous reste quelques semaines pour enrichir le texte, et nous le ferons.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir défendu ce texte avec passion. On voit que, pour y travailler depuis longtemps, vous le connaissez quasiment par coeur. Je peux témoigner que vous avez répondu à toutes les questions sans oreillette, ce qui montre votre expertise. (Sourires.)
La réunion s'est achevée à 14 heures 40.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-René Cazeneuve, M. Olivier Gaillard, Mme Catherine Kamowski, Mme Monique Limon, M. Éric Poulliat.
Excusés. – M. Thibault Bazin, M. Christophe Jerretie, M. Bruno Millienne, Mme Christine Pires Beaune.
Assistait également à la réunion. – M. Guillaume Gouffier-Cha.