Monsieur Gaillard, nous ne prévoyons pas de proroger les contrats de projet, pour une raison très simple : la loi Sauvadet de 2012 prévoit qu'au bout de six ans sur le même poste, on passe en CDI. Or nous ne voudrions pas qu'une disposition relative au contrat de projet remette en cause la possibilité de cédéisation des agents, car cette disposition, qui était attendue, rencontre un certain succès. Cela étant, il y a deux façons de répondre à votre préoccupation. Si le projet dure plus de six ans et que l'employeur et l'agent souhaitent prolonger leur collaboration pendant quelques années, mais pas nécessairement à l'échelle d'une carrière, l'agent passera en CDI et la rupture conventionnelle sera un moyen d'y mettre fin.
Il y a une deuxième option, qui aurait les mêmes conséquences en termes de fin de contrat. Nous réfléchissons aux moyens d'améliorer, ou en tout cas d'élargir les possibilités de primo-recrutement en CDI. Il existe un certain nombre de métiers extrêmement techniques pour lesquels nous n'avons pas de formation spécifique dans la fonction publique et pour lesquels les établissements publics de l'État peuvent avoir recours à un primo-recrutement directement en CDI. Ce pourrait être une formule intéressante dans un certain nombre de situations et de cas particuliers.
J'en viens à la question du présentéisme et de l'absentéisme. Elle n'est pas abordée dans ce texte, même si nous rendons possible la généralisation de la part variable, dans la mesure où nous l'autorisons pour les contractuels, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. En la matière, néanmoins, la jurisprudence est assez précise et elle interdit notamment de sanctionner financièrement l'absentéisme, ce qui suscite des discussions parfois baroques autour de la notion de présentéisme, que j'ai du mal à comprendre. Nous n'avons pas creusé cette question, qui mériterait pourtant de l'être, pas nécessairement dans ce texte, mais à l'occasion d'autres discussions avec les organisations syndicales.
S'agissant des EHPAD, madame Kamowski, tout ce qui relève de la validation des acquis est d'ordre réglementaire. C'est effectivement un point très important, notamment pour permettre la préparation d'une reconversion ou d'un reclassement. C'est d'ailleurs ce qui a poussé la CFDT à demander l'équivalent du plan d'investissement dans les compétences (PIC) dans la fonction publique territoriale pour les trois types d'agents que j'ai déjà évoqués – agents très faiblement qualifiés, agents en situation de handicap et agents occupant un poste à usure professionnelle –, qui sont souvent employés dans les EHPAD. Nous créons, dans cette loi, les moyens qui seront nécessaires pour prendre un certain nombre de dispositions. Mais tout ce qui relève de la validation des acquis de l'expérience (VAE) relève du domaine réglementaire et d'autres chantiers que nous menons par ailleurs sur l'attractivité des métiers titulaires et la capacité à valoriser ces formations.
S'agissant, monsieur le président, des mobilités et des leviers de management, il est évident que garder les meilleurs est toujours une gageure. Il faut que les employeurs publics se saisissent de tous les moyens à leur disposition pour le faire. Par exemple, on peut envisager de supprimer toute forme de notation pour aller vers l'évaluation et l'entretien professionnel, afin de définir des perspectives de carrière et de formation. On peut faire en sorte de rendre plus effectif le recours au compte personnel de formation, pour que chacun puisse construire sa propre perspective professionnelle. Dans ce texte, nous ne répondrons pas à toutes ces questions. En tout cas, nous ne ferons pas les choses à la place des employeurs. Ils ont un cadre contraint, ils peuvent nous demander davantage de liberté – et c'est ce qu'ils font –, mais chacun gérera ses affaires comme il l'entend. En matière d'accompagnement des carrières, notre démarche est la même que pour les contrats : nous favorisons le recours au contrat, mais nous n'introduisons pas d'obligation. C'est un champ de possibilités que nous ouvrons.
S'agissant du temps de travail dans la fonction publique territoriale, dans son rapport fait au titre du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale il y a plus de deux ans, Philippe Laurent estime que 1 500 collectivités ne respecteraient pas, dans leur protocole d'accord, les 1 607 heures de durée légale du temps de travail. Souvent, ces collectivités maintiennent des protocoles qui sont entrés en vigueur avant 2001, en application de l'article 7-1 de la loi de 1984, qui précise que les collectivités ayant des protocoles antérieurs à 2001 et une quotité inférieure à 1 607 heures peuvent les maintenir, tant qu'ils ne sont pas révisés. La plupart des rapports des chambres régionales des comptes incitent, pour ne pas dire plus, les collectivités à réviser ces protocoles, mais toutes ne l'ont pas fait. La loi va rendre cette révision obligatoire dans l'année qui suivra, non pas sa publication, mais le prochain renouvellement des assemblées délibérantes de chaque collectivité. Nous avons en effet considéré qu'il s'agissait plutôt d'un dossier de début que de fin de mandat, et qu'il valait mieux laisser un petit délai pour la mise en application de cette disposition.
On estime que le manque à gagner – même si je ne suis pas sûr que ce terme soit approprié – serait de 30 000 équivalents temps plein (ETP). Cela dit, il faut être prudent avec la règle de trois, car lorsqu'il manque une heure par semaine à un agent dans une collectivité de 10, 15 ou 20 salariés, ce n'est pas parce que cette heure sera travaillée que l'on va réduire les effectifs ou considérer que l'on a gagné un, deux ou trois ETP. Je précise que le même débat se posera pour la fonction publique d'État, puisqu'un récent rapport montre que sur les 1,1 million d'agents de l'État qui n'ont pas de régime particulier, 310 000 ne travailleraient pas 1 607 heures par an, 190 000 du fait de sujétions particulières – travail le week-end ou de nuit – et 120 000 pour des raisons moins faciles à expliquer. S'agissant de ce deuxième groupe, l'État est prêt à prendre les dispositions nécessaires et à en rendre compte, pour revenir à un régime normal. En effet, si l'on appelle les collectivités à se mettre en conformité avec la loi, il est normal que l'État fasse aussi son travail.
J'en viens à la Commission de déontologie de la fonction publique. Aujourd'hui, elle est saisie d'environ 8 000 dossiers par an, ce qui pose des difficultés d'instruction. Or certains dossiers font l'objet d'une saisine obligatoire de la Commission de déontologie, alors même que les fonctions exercées ne présentent pas un risque majeur en termes de déontologie. Nous voulons donc recentrer la saisine obligatoire de la Commission de déontologie sur les fonctions à risque, qui restent à définir. Nous voulons aussi introduire deux contrôles. Le premier, le contrôle au retour, existe déjà, mais est facultatif. Un chef de service peut saisir la Commission de déontologie s'il se pose des questions sur la situation de son nouvel agent au regard des règles de déontologie, mais il n'y est pas obligé. Nous considérons que s'il y a contrôle à la sortie, il faut aussi un contrôle au retour. Par ailleurs, nous voulons créer un contrôle à l'entrée, qui lui n'existe pas. Si nous ouvrons le recours aux contractuels, notamment sur des emplois de direction, il semble utile d'avoir un contrôle d'entrée, pour sécuriser à la fois l'employeur et celui ou celle qu'il recrute.
Nous voulons aussi améliorer la publicité des avis rendus par la commission, leur suivi et les possibilités de sanctions. D'une manière générale, nous voulons que la prévention des conflits d'intérêts soit plus automatique et plus facile, sans saisine de la Commission de déontologie. Telles sont nos orientations, et l'article du projet de loi consacré à cette question les expose clairement.
MM. Fabien Matras et Olivier Marleix ont déposé, sur le bureau de la commission des Lois, un rapport sur ces questions qui est tout à fait intéressant. Nous n'approuvons pas toutes les propositions qu'il contient, et c'est bien normal, puisque chacun fait son travail et défend ses propositions. Cela étant, plusieurs d'entre elles nous conviennent et je suis convaincu qu'une discussion suffira pour aplanir nos divergences et pour trouver une manière d'améliorer le contrôle de déontologie. Je sais que les attentes des députés sont grandes en la matière : des membres de la majorité m'en ont parlé et des députés d'autres groupes ont également souligné ce matin, en commission des Lois, leur intérêt pour la déontologie et la prévention des conflits d'intérêts. J'ai la conviction que l'article que nous proposons gagnera à être enrichi par la discussion parlementaire.