Les différentes problématiques comportent des convergences et des divergences. Le transport est, à ce stade, le secteur dans lequel le coût de la tonne de CO2 évité est le plus important à court terme. Les filières décarbonées sont en phase d'amorçage : filières électrique et hydrogène pour le véhicule léger ; filières gaz, biogaz ou hydrogène pour le véhicule lourd, à moins que l'électrique ne parvienne à s'imposer, ce que certains prévoient. Dans le transport, nous en sommes donc à soutenir les premiers développements et à créer une incitation réglementaire forte au niveau européen. Si les constructeurs automobiles ne sont pas soumis à l'obligation de délivrer sur le marché des véhicules moins émetteurs, aucune évolution n'est à attendre. Un cadre est nécessaire, pour la recharge en gaz et en électricité, mais aussi pour la confiance. Nous devons expliquer l'usage du véhicule électrique. De nombreuses personnes pensent à tort qu'il est adapté uniquement à la ville, alors qu'il peut très bien être utilisé en milieu rural pour des trajets de 80 kilomètres par jour.
Dans le logement et le bâtiment, les flux d'investissement resteront importants pendant encore longtemps. Les rénovations engagées dans le logement social, pourtant bien avancées, dureront encore dix ans, et quinze à vingt ans dans le parc privé locatif. Celui-ci est confronté à un défi puisqu'il s'agit d'inciter les propriétaires à investir au bénéfice des locataires. Toutefois, comme vous l'avez souligné, les logements aidés s'y retrouvent. Des évaluations très sérieuses montrent que les aides de l'ANAH – entre 20 000 et 25 000 euros par logement – permettent une baisse de consommation d'énergie de 40 %, très nette sur la facture. Quoi que nous fassions pour accélérer le rythme, et tout en cherchant toujours à réduire son coût, la rénovation du parc devrait durer encore dix à vingt-cinq ans selon les secteurs.
Pour la chaleur, la logique est encore différente. Nous investissons, puis nous trouvons un prix proche de celui des énergies fossiles, voire légèrement inférieur, grâce aux aides de l'État à l'investissement.
Le modèle le plus courant en Europe, pour les EnR électriques et biogaz, repose sur une aide annuelle qui équilibre les projets. À terme, nous devrions pouvoir obtenir, sur le marché français, des EnR avec très peu de subventions, tout en prenant en compte, bien sûr, les coûts d'adaptation du système électrique et plus tard de stockage.
Il reste cependant une incertitude pour le biogaz, les objectifs de baisse de prix, jusqu'à 45 euros le MWh, nous plaçant à un niveau plus cher que le gaz naturel sans « taxe carbone », et même avec la « taxe carbone » actuelle. En revanche, dans un horizon d'économie décarbonée, un gaz à 45 euros le MWh représenterait un coût de décarbonation tout à fait compétitif. Si nous atteignons ce prix dans les dix à quinze ans à venir, nous devrons, comme pour les biocarburants liquides, appliquer ou bien un équivalent de « taxe carbone », ou bien une réglementation rendant obligatoire l'utilisation d'un taux minimum de biogaz. La subvention sera ainsi rendue à un coût raisonnable, ou même non nécessaire.
Contrairement à l'électricité, le développement du biogaz ne s'équilibrera pas tout seul, par le jeu des technologies. On imagine mal, en effet, passer au-dessous du prix du gaz extrait. C'est donc la politique carbone qui, sous forme de réglementation ou d'équivalent valeur du carbone, amènera le biogaz à ne plus dépendre un jour du soutien public, en taxant ou en pénalisant le gaz fossile.