Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 19h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-neuf heures cinq.

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Nous recevons à présent M. Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire.

Ingénieur général des mines, M. Michel a occupé des responsabilités importantes en matière de développement durable et d'environnement puisqu'il était directeur de la prévention des pollutions et des risques avant d'être nommé à ses actuelles fonctions, à la fin de l'année 2012.

Votre direction générale, la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), a une responsabilité majeure, voire prépondérante, dans l'élaboration et, plus encore, la mise en oeuvre des politiques de soutien aux énergies renouvelables (EnR).

À cet égard, la Cour des comptes a regretté, dans un rapport de mars 2018, une insuffisance de coopération avec les autres grandes directions ministérielles intéressées dans le pilotage de la politique de l'énergie et du climat, spécialement avec celles du ministère en charge des finances et de l'industrie, qui interviendraient « de manière dispersée », selon la Cour.

Pour être juste, la Cour des comptes a souligné que les moyens de la DGEC demeuraient limités face à l'ampleur de ses tâches, en comparaison d'autres pays comme les Pays-Bas, le Danemark et l'Allemagne.

La Cour des comptes a également souligné que la création du compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » constitue un progrès – en matière de traçabilité et non en matière budgétaire, puisqu'il représente une exception au principe d'unité budgétaire – sur la voie d'une meilleure coopération interministérielle, mais que le dialogue entre la DGEC et les directions du ministère chargé des finances « demeure perfectible ».

Vous voudrez bien, monsieur le directeur général, nous apporter des précisions en réponse à ces remarques. En quoi peut-on affirmer que la création du CAS « Transition énergétique » va dans le bon sens ?

Vous nous exposerez aussi votre vision de l'évolution des EnR dans notre pays et ce qui pourrait changer, en ce domaine, avec la prochaine loi sur l'énergie dont l'examen par le Parlement a été reporté.

De même, considérez-vous que des modifications doivent intervenir dans le dispositif de gestion des certificats d'économies d'énergie (CEE), dont certains des traits paraissent spéculatifs ?

Vous avez été consulté par le Conseil d'analyse économique (CAE), un organisme rattaché au Premier ministre, préalablement à la publication de ses recommandations, la semaine dernière, qui prônent la poursuite de l'augmentation de la « taxe carbone » – appelée improprement ainsi d'après les représentants de Bercy que nous avons auditionnés – ou contribution climat énergie, à la condition de mieux en affecter le produit au bénéfice des personnes ou secteurs d'activité les plus touchés par l'augmentation des prix qui en résulterait.

Plus généralement, quelle cohérence faudrait-il privilégier entre la politique fiscale et climatique et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui fait actuellement l'objet d'une redéfinition ?

Enfin, notre commission d'enquête doit aussi comprendre pourquoi l'émergence des EnR n'a pas suscité, en France, la construction de filières industrielles fortes.

Vous succédez, monsieur le directeur général, à une audition de représentants du ministère des finances, qui nous a permis de toucher du doigt l'écart entre le discours politique et l'usine à gaz de la fiscalité énergétique. Il sera intéressant d'entendre votre point de vue sur la manière dont l'évolution de cette fiscalité intervient en liaison avec Bercy.

Nous allons vous écouter au titre d'un exposé liminaire d'une quinzaine de minutes. Puis, je vous poserai des questions, et enfin Mme le rapporteur et les membres de la commission vous interrogeront.

Avant de vous laisser la parole, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter serment.

M. Laurent Michel prête serment.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je commencerai par quelques mots d'introduction sur le positionnement de la politique énergétique et son financement. Après une mise en perspective des objectifs et des orientations concrètes des politiques de transition énergétique, parmi lesquelles la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la PPE, dans le cadre légal européen et français, je me focaliserai sur deux volets importants de la transition énergétique.

Le premier concerne la mise en oeuvre de la diminution des consommations d'énergie, l'efficacité énergétique des différents secteurs, ainsi que l'outil transverse que constituent les certificats d'économie d'énergie (CEE). J'évoquerai également quelques autres moyens publics consacrés à la diminution des consommations d'énergie.

Le deuxième gros volet de la transition énergétique porte évidemment sur le développement des énergies renouvelables, au coeur des travaux de votre commission d'enquête et plus généralement du Parlement et du Gouvernement. J'exposerai à fois les objectifs, les orientations, les actions et les moyens de mise en oeuvre, en particulier les choix de filières retenus dans le cadre du projet de PPE, ainsi que les implications financières qui en découlent, ce qui me permettra d'aborder la question d'organisation budgétaire que vous avez évoquée, et notamment la création du CAS « Transition énergétique ».

Pour finir, j'évoquerai les questions de l'accompagnement de la transition énergétique et de son acceptabilité par les ménages et les entreprises, en particulier les plus exposés au coût de la facture énergétique.

Nous évoluons dans le cadre à la fois européen et français de la contribution dite nationale de l'Union européenne à l'Accord de Paris. Cette contribution s'est traduite par un ensemble législatif issu de l'accord du Conseil européen d'octobre 2014 et par des directives donnant des outils ou fixant des objectifs aux États. Parmi les principales orientations définies par des textes législatifs au niveau européen, on peut citer l'efficacité énergétique, la performance énergétique des bâtiments, les EnR, divers règlements sur la sécurité d'approvisionnement et la préparation des crises, ainsi qu'un paquet mobilité propre qui se traduit par l'obligation d'évolution des performances des véhicules en termes d'émission de gaz à effet de serre (GES). Ce paquet est supposé suffisant pour atteindre moins 40 % d'émissions de gaz à effet de serre au niveau européen entre 2005 et 2030. En théorie, la bonne mise en oeuvre des directives permettrait même d'atteindre moins 46 %. Une réflexion est donc en cours sur le possible rehaussement de l'engagement de l'Union européenne dans le cadre de l'Accord de Paris, les États parties à la Convention climat devant soumettre à nouveau leurs contributions d'ici 2020.

Les objectifs nationaux découlent à la fois de ce cadre européen et de nos dispositions législatives propres. Ils ont été adoptés, en 2015, par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le plan climat de juillet 2017 les a renforcés en introduisant l'objectif de neutralité carbone. Quant au projet de loi énergie-climat, il procédera à plusieurs ajustements nécessaires : d'une part, pour prendre en compte le report à 2035 de l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique ; d'autre part, pour ajouter l'objectif de neutralité carbone à celui de la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, conformément aux souhaits du Président de la République et du Gouvernement. Ce projet de loi, qui prévoit d'autres ajustements que sur les articles programmatiques, devrait être adopté en Conseil des ministres ce printemps, pour une discussion à l'Assemblée avant la fin de session, une fois les six semaines de préparation nécessaires écoulées.

En termes de planification stratégique et opérationnelle, les objectifs génériques de moins 40 % de GES d'ici 2030, de développement des énergies renouvelables et d'efficacité énergétique, sont traduits dans la SNBC et dans la PPE, adoptées en 2015 et 2016, et révisées normalement dans l'année et demie qui suit chaque début de mandat. Les projets ont été publiés fin 2018 et les consultations sont en cours.

La stratégie nationale bas carbone de réduction des émissions de gaz à effet de serre s'inscrit dans le moyen terme, avec les budgets carbone jusqu'à 2033, mais aussi dans le long terme, puisqu'elle vise la décarbonation de l'économie à horizon 2050. Elle repose en réalité sur le triptyque suivant : une réduction forte des consommations d'énergie, la décarbonation totale des consommations et productions d'énergie, et une forte baisse des émissions industrielles et agricoles de gaz à effet de serre. Les émissions résiduelles, très réduites, devraient être couvertes par une croissance réaliste du puits naturel.

Tout ceci conduit à prévoir, dans un scénario qui comporte évidemment des variantes et des incertitudes, des efforts importants d'efficacité et de sobriété énergétique, et l'électrification croissante de divers usages. La consommation d'énergie électrique devrait décroître légèrement jusqu'à 2030, sous l'effet de l'efficacité énergétique, et réaugmenter ensuite du fait des transferts d'usage. Le développement du biogaz et des biocarburants pour les transports, et du biogaz pour la chaleur, dans des parts relatives qui restent à affiner, est également prévu, les deux technologies étant selon les cas concurrentes ou complémentaires. Si vous le souhaitez, je pourrai ensuite entrer dans le détail des chiffres s'agissant du développement de l'électricité et du biogaz à l'horizon 2050.

La programmation pluriannuelle de l'énergie, qui engage les actions concrètes sur une période de dix ans, comporte une feuille de route opérationnelle 2019-2028 pour la métropole continentale, d'autres PPE devant être adoptées pour les zones non interconnectées. Elle fixe un objectif global de baisse de consommation de 14 % d'ici 2028 et prévoit un effort accentué sur la baisse des consommations d'énergies fossiles : moins 40 % en 2030. L'objectif initial, qui était de moins 30 %, pourrait être repris dans la loi énergie-climat.

La réalisation de ces objectifs passera à la fois par des actions emblématiques sur des émetteurs forts, tels que les centrales à charbon, et par des efforts de fond dans les secteurs de la mobilité et du bâtiment. Le secteur du bâtiment devrait voir sa consommation d'énergie réduire de 12 %, avec une quasi-stabilité de l'électricité, une croissance des EnR thermiques ou de récupération par traitement des déchets, et une forte réduction des énergies fossiles.

Au sein de la PPE, dans un objectif de diversification et de décarbonation, les énergies renouvelables progressent. La chaleur renouvelable atteindra 160, 220 TWh en 2023, puis 250 térawattheures d'ici 2028. Le biogaz pourrait être multiplié par six d'ici 2028, mais son développement doit s'accompagner d'efforts sur les coûts. Pour les EnR électriques, la puissance installée, autour de 50 gigawatts (GW) actuellement, devrait monter à 74 GW en 2023 et atteindre une fourchette de 102 à 113 GW en 2028. Nous serions ainsi à 36 % d'énergies renouvelables dans le mix électrique en 2028, et à 45 % à l'horizon 2035.

Cet ensemble sera complété par une réflexion, qui va bientôt démarrer, sur l'après-2035. Quel sera le mix des années 2050 ? La question est en réalité de savoir quelle répartition sera possible entre les EnR et le nucléaire, mais aussi quels seront les coûts, les conditions de stockage, l'organisation et la réalisabilité industrielle et financière.

En ce qui concerne l'efficacité énergétique et les consommations, deux gros secteurs sont ciblés prioritairement, le bâtiment et la mobilité, pour lesquels nos efforts n'ont pas jusqu'ici été suffisants. Dans le bâtiment, il s'agit désormais d'accélérer les efforts de rénovation en renforçant l'accompagnement des ménages, dès les phases de diagnostic et de construction des projets, et en améliorant les dispositifs d'aides, ceux de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Ces aides seront ciblées davantage sur les gestes les plus efficaces. En 2020, un versement du CITE aux ménages aidés par l'ANAH, donc les plus modestes, devrait être mis en place et versé sous forme de prime, le plus rapidement possible, et non de crédit d'impôt. La mobilisation des CEE pour l'isolation et l'amélioration des chauffages est également envisagée. Plus globalement, tout un ensemble de travaux méthodologiques seront menés afin de trouver, tester et industrialiser des solutions de rénovation massifiantes, plus simples mais efficaces. Enfin, il est prévu de renforcer l'accompagnement et la formation des acteurs.

Le levier réglementaire sera également mobilisé. Pour le neuf, la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) prendra désormais en compte les aspects construction et déconstruction, c'est-à-dire le carbone émis et l'énergie produite lors de ces phases, et pas seulement la consommation pendant l'existence des bâtiments. Le décret sur la rénovation des bâtiments tertiaires est par ailleurs attendu prochainement. Enfin, des obligations s'imposeront progressivement, tout d'abord de diagnostic au moment des mutations, puis à terme de rénovation et d'amélioration des performances pour les « passoires thermiques », logements de catégories F et G.

La mobilité propre fera l'objet d'actions en faveur de l'efficacité de la mobilité, telles que le développement du covoiturage ou l'amélioration du taux de charge des véhicules de transport. Le déploiement de la mobilité électrique pour les véhicules légers sera facilité par la réglementation européenne, qui obligera les constructeurs à produire des véhicules moins émetteurs et à proposer une part importante de véhicules électriques à partir de 2025 ou 2030. Des volets incitation et préparation sont également prévus, avec notamment la poursuite de la montée en puissance du réseau de bornes de recharge.

L'industrie est un enjeu important et ne sera pas oubliée. Outre des audits énergétiques, le couplage de réductions de tarifs, sur le transport d'électricité notamment, et des programmes d'efficacité énergétique sera mis en oeuvre. Dès que la loi relative au plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, sera adoptée définitivement, les certificats d'économies d'énergie pourront bénéficier aux plus gros consommateurs, dotés d'installations soumises au système d'échange de quotas d'émission – emission trading scheme (ETS), – ce qui leur permettra non seulement de consommer et d'émettre moins, mais aussi d'améliorer leur compte d'exploitation et leur positionnement compétitif.

Les CEE constituent un levier important pour la période 2018-2020 et pourraient représenter 1 600 térawattheures cumulés d'économies d'énergie, ainsi qu'un financement obligé de 9 à 11 milliards d'euros pour les énergéticiens. Les actions entreprises ces derniers mois visent à faciliter la production des CEE et à réduire leur prix et leur coût de production par des opérations nouvelles éligible au soutien. Des programmes d'accompagnement sont prévus, que ce soit dans la mobilité ou dans le bâtiment, avec par exemple des rénovations dans le secteur agricole ou des programmes d'action pour les navires de pêche. Il s'agit également d'attribuer plus de CEE pour le même investissement, afin de favoriser le changement de chauffage et l'isolation des combles comme des planchers.

L'un des débats de la période actuelle concerne l'allongement de la période d'obligation 2018-2020. Un retard au démarrage a été constaté chez certains acteurs. Il est donc proposé de prolonger le dispositif des CEE jusqu'à 2021 afin de soutenir les actions engagées et d'éviter aux acteurs d'avoir à réinvestir dans leur déploiement méthodologique et leur publicité. Cette mesure s'accompagnerait d'une hausse proportionnelle de l'objectif.

S'agissant toujours des CEE, l'autre volet, que nous avons eu l'occasion d'aborder, lors de diverses auditions parlementaires, est le renforcement des contrôles et la lutte anti-fraude, grâce à plusieurs mesures : l'exclusion des opérations les plus susceptibles de fraudes ; la sélectivité et l'encadrement des délégataires qui peuvent intervenir à la place des obligés ; des contrôles par tierce personne, soit sous la responsabilité des maîtres d'ouvrage, soit par les services du Pôle national des certificats d'économies d'énergie, dont les effectifs ont été, à ce titre, renforcés.

Les CEE constituent à mon sens un dispositif puissant, agile, et qui fait émerger l'innovation. Ce sont les acteurs obligés, et non l'administration, qui ont initié plusieurs opérations, parmi lesquelles l'isolation des combles à 1 euro. Il faut poursuivre le renforcement de la lisibilité du dispositif, par la prolongation de la période d'obligation, mais aussi par la transparence. Nous entendons lutter contre les malfaçons et les fraudes par des contrôles renforcés et par une collaboration accrue avec les services de Bercy.

En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, il passera par l'intégration de la chaleur renouvelable dans les bâtiments, avec l'aide du CITE et des obligations réglementaires dans le neuf. Le renforcement du fonds chaleur, souvent évoqué, est désormais d'actualité. Le projet de PPE prévoit une trajectoire pluriannuelle mise en oeuvre dès 2019. Le fonds est porté à 307 millions d'euros cette année et à 350 millions l'année prochaine. Il constitue un outil efficace pour la puissance publique, notamment en termes de rapport coût-bénéfice, qu'il s'agisse des tonnes de CO2 évitées, mais aussi de l'effet d'entraînement des projets de mobilisation de la ressource bois, de la valorisation des ressources locales et de la géothermie. Doubler le rythme en termes de tonnes d'équivalent pétrole produites nécessite de choisir des projets plus difficiles et parfois plus petits, de créer des réseaux de chaleur dans des villes moyennes, d'étendre les réseaux et de les densifier, de verdir la production et de récupérer la chaleur fatale de certaines industries pour les connecter au réseau urbain. De ce point de vue, l'exemple de Charleville-Mézières, avec PSA, est intéressant. Les projets sont plus compliqués, il faut en mener davantage, d'où le besoin de renforcer le fonds chaleur.

Le biogaz, comme je l'ai dit, devrait connaître un décollage dans les transports et la chaleur. C'est pourquoi nous souhaitons lui donner de la lisibilité, mais aussi l'assortir d'un objectif de baisse des prix. Il nous faut toutefois trouver le bon phasage. Si les prix baissaient trop vite, la filière ne pourrait pas monter en puissance, mais on ne peut pas non plus attendre à l'infini la baisse des prix. Nous cherchons en outre à rendre le dispositif de soutien au biogaz le plus souple possible. C'est pourquoi, par exemple, nous avons créé un dispositif de soutien au bio-GNV non injecté, qui figurera dans la loi d'orientation des mobilités. Il n'y a pas toujours un réseau à proximité, mais une opportunité peut parfois se présenter, pour une collectivité locale par exemple, d'injecter du biogaz dans une flotte de véhicules, d'où l'intérêt de ce dispositif. Enfin, les appels d'offres seront rendus nécessaires pour les moyens et gros projets, ce qui permettra de renforcer la concurrence.

Pour les EnR électriques, qui recueillent le plus gros volume de soutien, le ciblage se fera sur les énergies matures, l'éolien terrestre, le solaire photovoltaïque, en particulier au sol, et l'éolien en mer, qui connaît actuellement une montée en puissance. La décision a été prise de mettre fin, à ce stade, au soutien à de nouveaux projets de cogénération de biomasse, compte tenu de leur coût élevé et de leur usage non optimal de la biomasse, qu'il paraît préférable de réserver à des projets de chaleur renouvelable. Il sera également mis fin au soutien à l'hydrolien tant qu'il n'aura pas atteint sa maturité, ainsi qu'à la géothermie électrique.

L'éolien en mer connaît un développement important en Europe du Nord, avec un fort potentiel de baisse de prix, qui pourrait se traduire prochainement par les résultats de l'appel d'offres de Dunkerque, une fois les candidatures analysées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). À noter également, l'émergence de l'éolien flottant. Avec quelques années de retard, les acteurs estiment qu'il pourrait connaître la même évolution à terme que l'éolien posé, d'où la nécessité de fixer, de manière lisible, une trajectoire de dépenses publiques compatible avec le développement de cette filière, porteuse d'un avenir industriel. Nous avons en France des acteurs qui produisent des flotteurs et des sous-stations de raccordement. Ils ne peuvent dépendre que de leur marché national, mais il y a évidemment là un enjeu.

Sur le plan budgétaire, depuis la réforme de 2016, les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, électriques et biogaz, ne font plus l'objet d'un mécanisme extrabudgétaire, la contribution au service public de l'électricité (CSPE), mais d'un compte d'affectation spéciale soumis au Parlement. Ce compte d'affectation spécial, qui retrace les projections de dépenses pour l'année, est désormais alimenté par l'affectation d'une taxe sur les énergies fossiles, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Le Parlement se prononce chaque année sur le budget de l'année suivante. Puisqu'il s'agit d'engagements de longue portée, nous proposons d'indiquer, dans les prochains documents de présentation, non seulement les dépenses pour l'année, mais également celles découlant de décisions en cours d'exercice – attributions d'appels d'offres, mégawatts restants dans les guichets ouverts – et reportées sur les années suivantes.

Dans le domaine de la maîtrise des prix, à l'exception des toutes petites puissances, je rappelle que les appels d'offres sont désormais systématiques, y compris au-dessous des seuils européens qui les rendent obligatoires. Pour le solaire, les appels d'offres commencent en France à 100 kilowatts (KW), alors que la législation européenne les rend obligatoires à 500 KW seulement. Pour notre part, nous estimons possible une concurrence dès 100 KW.

Il est important de donner de la lisibilité aux appels d'offres. Leur calendrier pour les années à venir figure dans le projet de PPE. Il est évidemment cohérent avec les objectifs qu'elle a fixés. Nous souhaitons en outre faciliter les projets, en amont et dans leur déroulement, pour les « dérisquer », les fluidifier et les sécuriser, avec dans un certain nombre de cas des procédures contentieuses accélérées. Cette fluidification et cette sécurisation permettent de diminuer les coûts.

Pour l'éolien offshore, conformément aux nouvelles procédures, l'État mènera, à partir du prochain appel d'offres sur des installations éoliennes en mer, des études sur l'environnement, la mer, les courants, la houle, les fonds marins et le vent. Elles seront fournies aux porteurs de projet dès leur première réponse à un appel d'offres afin de les aider à mesurer les risques de l'opération dans laquelle ils s'engagent, y compris en termes de coûts. C'est ce que nous appelons le « dérisquage », un concept que nous avons emprunté aux pays de l'Europe du Nord.

La focalisation sur les filières matures, ainsi que la baisse des prix, ont conduit au projet actuel d'engagement de la PPE. Le soutien public à de nouveaux projets est chiffré à 30 milliards d'euros. Les projets déjà engagés représentent quant à eux 95 milliards d'euros. Les procédures d'appels d'offres et l'évolution des technologies ont permis une production bien plus importante, pour un prix de soutien moindre. À terme, probablement à l'horizon 2028-2030, les subventions à certaines filières pourraient prendre fin, peut-être simplement remplacées par des mécanismes de garantie des prix en cas d'effondrement du marché.

J'aimerais aborder à présent la question de la précarité énergétique. Les dépenses énergétiques des ménages, transports et logement, s'élèvent en moyenne à 3 000 euros par an. Il existe bien sûr des disparités selon les classes sociales, le poids de ces dépenses étant plus important pour les ménages modestes. L'Observatoire de la précarité énergétique indique qu'un peu moins de 12 % des Français dépensent plus de 8 % de leur revenu dans l'énergie du logement. Ce taux, corrigé des variations climatiques, était légèrement inférieur à 14 % en 2013. Les dépenses énergétiques baissent donc, mais pas assez vite. Elles restent soumises aux variations du marché. Il suffit que les prix flambent pour que leur pourcentage augmente, sans oublier les 7 à 8 millions de « passoires énergétiques » de notre pays. Les actions curatives ont été renforcées, avec l'extension et la hausse du chèque énergie, qui touche désormais 5,6 millions de ménages, le programme sur le logement et la prime à la conversion des vieux véhicules.

S'agissant de la compétitivité des entreprises, en dehors des actions sur l'efficacité énergétique, elle est prise en compte par des exonérations de taxes sur l'énergie, des allocations de quotas gratuits pour le CO2, voire des compensations de coûts indirects. Outre qu'elles ont un coût pour les finances publiques, ces différentes mesures font peser une incertitude sur les entreprises. Comment leur garantir, en effet, que le dispositif d'allocation de quotas gratuits durera à l'infini ? Les quotas gratuits, au moins pour certains secteurs, vont d'ailleurs baisser au niveau européen. En ce sens, l'un des principaux enjeux auxquels fait face aujourd'hui la DGEC – outre la mobilisation des CEE, délivrés à 21 % dans l'industrie, et le fonds chaleur renouvelable pour les gros consommateurs, papeterie et chimie notamment – est de réussir à soutenir structurellement les investissements qui réduisent les consommations.

J'ai l'impression d'avoir dépassé le quart d'heure qui m'était imparti. Je vous prie de m'en excuser.

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Le sujet de la transition énergétique est vaste ! Nous allons tenter de le circonscrire quelque peu.

S'agissant du projet d'engagement de la PPE, vous avez indiqué que les projets en cours représentaient 95 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 30 milliards d'euros de nouveaux projets. Ce second montant correspond-il au financement des énergies renouvelables ou au surcoût total à mobiliser dans le cadre de la PPE ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

J'ai donné ce chiffre lorsque je présentais l'évolution du soutien aux énergies renouvelables, électriques et biogaz. Je comparais les contrats déjà signés et engagés avec ceux prévus dans le cadre de la PPE pour un volume de production. Comme je l'ai également souligné, ce soutien devrait rapidement prendre fin pour certaines filières, et éventuellement céder la place à un mécanisme de garantie comme il en existe dans plusieurs pays, si le marché de l'électricité tombe à 30 euros le mégawattheure (MWh). Les 30 milliards d'euros de nouveaux projets concernent donc bien l'électricité et le biogaz. Ce montant vaut pour toute la durée des contrats, et pas uniquement pour les dix ans de la PPE.

Au sein du CAS « Transition énergétique », le soutien aux EnR électriques s'élève à 5,4 milliards d'euros. Reflétant la mise en service d'un volume croissant et le développement des parcs éoliens offshore, la projection pour 2022 l'estime à 6,5 milliards d'euros. Un pic est prévu en 2026 à 8 milliards d'euros, puis une décroissance rapide et forte aux tournants des années 2030, quand prendront fin les contrats solaires d'avant le moratoire de 2011, qui représentent encore aujourd'hui un montant de soutien de 2 milliards d'euros. Les contrats suivants feront l'objet d'un soutien minimal.

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Je vous remercie de bien vouloir faire des réponses courtes, car nos collègues ont certainement des questions à vous poser.

Sur la base de quel calcul économique en est-on arrivé à considérer que ces 30 milliards d'euros de soutien public seraient mieux utilisés en bénéficiant au développement des énergies renouvelables ? On aurait pu tout aussi bien décider, en effet, d'affecter ce montant à la politique du logement.

Comment sait-on, par ailleurs, que l'on obtient un meilleur impact CO2 en ciblant le développement de l'énergie électrique plutôt que d'autres aspects de la transition énergétique ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Nous essayons, dans chaque secteur et de manière globale, d'atteindre un objectif d'efficience et de maîtrise de la dépense publique. Le soutien à la rénovation des bâtiments représente actuellement près de 2 milliards d'euros, entre le CITE et les aides de l'ANAH, sans compter le Fonds chaleur renouvelable, qui intervient lui aussi sur les bâtiments via les réseaux de chaleur. Le soutien au logement est donc loin d'être négligeable.

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Il n'est pas si important que cela quand on le compare aux 95 milliards déjà engagés pour les énergies renouvelables.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Mais ce sont 2 milliards par an. Le montant de 30 milliards correspond à une projection de l'ensemble des nouveaux projets sur les dix ans à venir. Il vaut en outre pour toute la durée des contrats, et pas uniquement pour la PPE.

Lorsque je parle du logement, j'entends le bâtiment en général, hors logement social – celui-ci représente 100 000 logements par an, ce qui n'est pas rien non plus. Les 2 milliards d'euros par an correspondent donc au fonds chaleur, via les réseaux de chaleur, au CITE et aux aides de l'ANAH. Sur dix ans, et en ajoutant le logement social, l'effort public pour le logement et le bâtiment est important.

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Certes, mais ce n'était pas le sens de ma question. Aujourd'hui, les énergies renouvelables électriques bénéficient d'un soutien d'environ 6 milliards d'euros, ce qui signifie que l'on dépense trois fois plus pour elles que pour la politique de rénovation des bâtiments. Il s'agit donc bien d'un choix politique puisque l'on aurait pu aussi décider d'affecter 2 milliards à l'éolien et au photovoltaïque et 6 milliards au logement.

Ma question est donc la suivante : quels calculs ont-ils été effectués pour déterminer le secteur dans lequel l'impact CO2 sera le meilleur et décider de cette répartition de milliards d'euros qui ne sont d'ailleurs pas encore collectés ? La colère des gilets jaune montre bien que l'on ne perçoit pas toujours le volume de recettes fiscales prévu au départ. Il est également important de savoir comment sont répartis les postes de dépenses.

Pourquoi, en France, quand on parle de transition énergétique, cible-t-on trois fois plus les énergies renouvelables ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Nous sommes fortement tributaires des décisions du passé. La nouvelle orientation de la PPE va amener le biogaz et les énergies renouvelables électriques à des flux de 3 à 4 milliards d'euros en fonction des années. Le rapport n'est donc pas trois fois supérieur.

L'équation est en réalité difficile à résoudre. Nous sommes soumis à l'atteinte d'un ensemble d'objectifs de décarbonation, de diversification et de préparation de l'avenir. Pour le mix électrique, un choix politique a été fait, en effet : il ne dépendra plus demain à 75 % d'une seule énergie. C'est l'un des paramètres pris en compte dans la perspective de l'échéance de 2035. La conception du mix électrique à cet horizon nous apparaît réaliste, mais nous gardons ouvertes certaines options, notamment sur la part du nucléaire, à 40 % ou 50 %.

En ce qui concerne les EnR électriques, il est apparu évident que leur rythme de développement, à la fois physique et financier, ne permettait pas d'envisager une transition plus rapide, ce qui a conduit à repousser à 2035 l'objectif de réduction du nucléaire dans le mix électrique. Nous entendons profiter de la baisse des coûts des EnR, tout en donnant leur chance aux filières pas encore tout à fait matures, comme l'éolien offshore, et en conservant une possibilité de choix, dans les trois à cinq ans, sur les programmes lourds à l'horizon 2050. Car nous n'aurons plus, en 2050, les centrales électriques nucléaires actuelles.

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Pour résumer, c'est le choix de diminuer la part du nucléaire qui explique les engagements en matière d'énergies renouvelables électriques.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

C'est l'un des éléments de choix. La nécessité de maximiser le rapport coût-bénéfice en termes de CO2, l'émergence de nouvelles filières, l'optimisation de l'usage de nouvelles ressources, le choix de réserver la biomasse à la chaleur renouvelable : tous ces éléments nous ont conduits à viser une trajectoire réaliste dans les énergies électriques, et à la décision d'augmenter le fonds chaleur, car son bénéfice en termes de CO2 rejeté est intéressant. Cependant, prévoir 600 millions d'euros de dépenses pour le fonds chaleur ne servirait à rien tant que les projets ne sont pas montés en puissance.

Ces différents éléments, et le critère de faisabilité, nous ont également conduits à modifier plusieurs leviers par rapport à la trajectoire de la loi du 18 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous avons considéré qu'il était nécessaire de fournir un effort important et efficient dans les secteurs du transport et du bâtiment. Nous nous sommes interrogés, au niveau interministériel, sur les mesures les plus efficaces dans le bâtiment. Certains points seront sans doute tranchés dans le projet de loi de finances pour 2020.

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Pourrions-nous revenir sur les dépenses que vous projetez dans le transport et le logement ? Vous avez dit beaucoup de choses et il me semble nécessaire de simplifier. Il y a donc 30 milliards supplémentaires pour les énergies renouvelables. Pour le logement, combien représente la montée en gamme de la PPE ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

À ce stade, compte tenu des arbitrages qui restent à faire, le logement représente environ 2 milliards d'euros par an, hors logement social.

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Ce montant correspondant à la situation actuelle.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

En effet, mais il faut y ajouter la mobilisation de 1,5 milliard d'euros de CEE. Globalement, les CEE, le CITE et l'ANAH ont un effet multiplicateur. Au total, l'effort de soutien public pour le logement approche les 3 milliards d'euros, plus le logement social, pour lequel je vous ferai parvenir des estimations précises. Avec 100 000 logements par an, on atteint relativement vite des centaines de millions d'euros.

Dans le secteur du transport, notre direction gère principalement la mobilité électrique et la prime à la conversion, c'est-à-dire le bonus pour le véhicule électrique, son environnement et le développement des infrastructures de recharge. Un effort est également prévu sur le gaz naturel véhicules (GNV). En 2019, les nouvelles mobilités font l'objet d'investissements publics à hauteur d'1 milliard d'euros, hors politique générale des transports et transports en commun, et d'une mobilisation de 100 à 150 millions d'euros pour les CEE, ce qui marque une inflexion dans le secteur des transports. Les outils réglementaire, incitatif et organisationnel sont parfois nécessaires tous en même temps. Aucun ne peut fonctionner seul.

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Merci de bien vouloir nous faire des réponses courtes, faute de quoi nous risquons de manquer de temps.

Pour résumer : 6 milliards d'euros sur les énergies renouvelables, qui devraient passer progressivement à 4 milliards ; 3 milliards sur le logement ; 1 milliard sur le transport, pour le volet mobilité propre.

Les EnR bénéficient donc de 50 % du soutien public, l'autre moitié revenant au logement et au transport.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Hors transports en commun et ferroviaires.

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Je vous remercie pour ces éclairages. De toute évidence, la dynamique des dépenses destinées aux EnR connaîtra une nette évolution à l'avenir. Leur niveau actuel s'explique par le statut de filières émergentes. Une fois lancées, elles produiront plus d'énergie, à un coût moins important, et nécessiteront à terme un investissement moindre de l'État, voire, si je vous ai bien compris, plus d'investissement du tout, mais un simple mécanisme de garantie des prix. Dans le domaine des transports, en revanche, les investissements vont continuer à être nécessaires. Quant au logement, il répond à une logique intermédiaire, où ce que l'on investit revient en retour sur investissement dans l'exploitation des bâtiments.

Ce sont donc là trois logiques différentes. Ce que l'on investit sur les EnR, on en sera libéré à terme. Dans le logement, la contractualisation des efficacités énergétiques pourrait se traduire par un système de prêts autoremboursés sur l'exploitation. Dans le transport, le retour sur investissement de l'engagement public est plus difficile à évaluer. Ai-je bien compris ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Les différentes problématiques comportent des convergences et des divergences. Le transport est, à ce stade, le secteur dans lequel le coût de la tonne de CO2 évité est le plus important à court terme. Les filières décarbonées sont en phase d'amorçage : filières électrique et hydrogène pour le véhicule léger ; filières gaz, biogaz ou hydrogène pour le véhicule lourd, à moins que l'électrique ne parvienne à s'imposer, ce que certains prévoient. Dans le transport, nous en sommes donc à soutenir les premiers développements et à créer une incitation réglementaire forte au niveau européen. Si les constructeurs automobiles ne sont pas soumis à l'obligation de délivrer sur le marché des véhicules moins émetteurs, aucune évolution n'est à attendre. Un cadre est nécessaire, pour la recharge en gaz et en électricité, mais aussi pour la confiance. Nous devons expliquer l'usage du véhicule électrique. De nombreuses personnes pensent à tort qu'il est adapté uniquement à la ville, alors qu'il peut très bien être utilisé en milieu rural pour des trajets de 80 kilomètres par jour.

Dans le logement et le bâtiment, les flux d'investissement resteront importants pendant encore longtemps. Les rénovations engagées dans le logement social, pourtant bien avancées, dureront encore dix ans, et quinze à vingt ans dans le parc privé locatif. Celui-ci est confronté à un défi puisqu'il s'agit d'inciter les propriétaires à investir au bénéfice des locataires. Toutefois, comme vous l'avez souligné, les logements aidés s'y retrouvent. Des évaluations très sérieuses montrent que les aides de l'ANAH – entre 20 000 et 25 000 euros par logement – permettent une baisse de consommation d'énergie de 40 %, très nette sur la facture. Quoi que nous fassions pour accélérer le rythme, et tout en cherchant toujours à réduire son coût, la rénovation du parc devrait durer encore dix à vingt-cinq ans selon les secteurs.

Pour la chaleur, la logique est encore différente. Nous investissons, puis nous trouvons un prix proche de celui des énergies fossiles, voire légèrement inférieur, grâce aux aides de l'État à l'investissement.

Le modèle le plus courant en Europe, pour les EnR électriques et biogaz, repose sur une aide annuelle qui équilibre les projets. À terme, nous devrions pouvoir obtenir, sur le marché français, des EnR avec très peu de subventions, tout en prenant en compte, bien sûr, les coûts d'adaptation du système électrique et plus tard de stockage.

Il reste cependant une incertitude pour le biogaz, les objectifs de baisse de prix, jusqu'à 45 euros le MWh, nous plaçant à un niveau plus cher que le gaz naturel sans « taxe carbone », et même avec la « taxe carbone » actuelle. En revanche, dans un horizon d'économie décarbonée, un gaz à 45 euros le MWh représenterait un coût de décarbonation tout à fait compétitif. Si nous atteignons ce prix dans les dix à quinze ans à venir, nous devrons, comme pour les biocarburants liquides, appliquer ou bien un équivalent de « taxe carbone », ou bien une réglementation rendant obligatoire l'utilisation d'un taux minimum de biogaz. La subvention sera ainsi rendue à un coût raisonnable, ou même non nécessaire.

Contrairement à l'électricité, le développement du biogaz ne s'équilibrera pas tout seul, par le jeu des technologies. On imagine mal, en effet, passer au-dessous du prix du gaz extrait. C'est donc la politique carbone qui, sous forme de réglementation ou d'équivalent valeur du carbone, amènera le biogaz à ne plus dépendre un jour du soutien public, en taxant ou en pénalisant le gaz fossile.

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Pouvez-vous revenir sur l'historique des politiques en matière d'énergie solaire ?

Par ailleurs, est-il plus efficace, dans la perspective de la neutralité carbone, de cibler uniquement la problématique carbone ou faut-il, comme dans le bâtiment, se focaliser également sur la consommation d'énergie, et donc la sobriété énergétique ? Peut-on poursuivre les deux objectifs sans pénaliser l'un par rapport à l'autre ? Autrement dit, neutralité carbone etou efficacité énergétique ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

La première phase de développement du solaire en France s'est caractérisée par l'émergence de la technologie et la mise en place de politiques tarifaires. Comme dans d'autres pays européens, elle a rapidement été suivie d'une baisse des prix liée à la massification et au dumping. Les projets ont pu très vite se réaliser à des coûts beaucoup moins chers que prévus. Les tarifs trop élevés par rapport à la rentabilité ont engendré un emballement du nombre de projets, qui a conduit l'État à imposer un moratoire en deux étapes. Si ma mémoire est bonne, ce moratoire est intervenu lorsque Jean-Louis Borloo, puis Nathalie Kosciusko-Morizet, étaient ministres de l'écologie, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un coup d'arrêt a alors été porté à de nouveaux projets basés sur des tarifs aussi hauts. En revanche, il n'a jamais été question, en France, de revenir sur les contrats existants, à la différence de l'Espagne par exemple, qui paie aujourd'hui des contentieux pour décision abusive.

Au cours de la période suivante, entre 2012 à 2015, des ajustements sont intervenus pour réduire les tarifs des petites et moyennes puissances. En effet, les tarifs s'ajustent plus rapidement aux volumes, un gros volume témoignant de tarifs devenus trop intéressants. Les appels d'offres sont par ailleurs devenus systématiques pour les centrales au sol et les bâtiments au-dessus de 100 KW. Des procédures simplifiées ont été prévues entre 100 et 500 KW, 100 KW correspondant à un bâtiment de 1 000 mètres carrés environ. Au-dessus de cette puissance, les appels d'offres fixent des critères plus compliqués.

Depuis 2015 et la préparation de la première PPE, le système retenu se base sur des cahiers des charges et un calendrier pluriannuels. Les professionnels ont la possibilité de planifier industriellement leur déploiement, en fonction d'appels d'offres guichets tous les quatre mois. L'une des grandes problématiques du solaire est la recherche de sites. Depuis 2015, les professionnels sont incités à investir les terrains dégradés, par exemple décharges et anciennes friches difficiles à exploiter. La lisibilité du dispositif d'appels d'offres permet aux acteurs, industriels et collectivités locales détentrices de ce foncier, de monter des projets. La première PPE a duré trois ans, entre 2016 et 2018. La prochaine définira les appels d'offres pour la période de cinq ans 2019-2023.

Après le solaire, la France a commencé à développer les appels d'offres éolien terrestre à partir de 2016. Aujourd'hui, nous envisageons quelques projets d'éolien offshore.

Quant au diptyque redoutable que constituent la neutralité carbone et l'efficacité énergétique, je suis personnellement convaincu que l'on ne décarbonera pas si l'on ne consomme pas le moins possible d'énergie dans chaque secteur. Tôt ou tard, en effet, nous n'aurons plus assez d'énergie décarbonée en volume, ou elle deviendra très chère et nous basculerons sur le fossile. Néanmoins, les problématiques diffèrent selon les cinétiques et les secteurs. Dans certains domaines, ciblés par la PPE, il est possible d'utiliser des énergies déjà décarbonées comme l'électricité. Dans d'autres, ce n'est pas immédiatement possible et l'effort d'efficacité énergétique en carbone va rapporter beaucoup tout de suite. Dans certains cas, la combinaison d'un changement de vecteur et de l'efficacité énergétique est la meilleure voie pour avancer.

Dans le bâtiment, nous essayons d'adopter une approche pragmatique en fonction de l'état des projets, des acteurs et de leur capacité financière. Nous ne pensons pas qu'il soit contradictoire de proposer en même temps le CITE, les aides de l'ANAH, les CEE, le remplacement de l'ancienne chaudière gaz ou fioul par une chaudière gaz à 1 euro, et la rénovation du logement. Certains gestes simples permettent des économies dans les consommations d'énergie. Bien entendu, les derniers grammes de CO2 ou d'énergie coûtent toujours plus chers. Il n'est pas toujours simple de savoir quel type de rénovation, par étapes ou globale, a le meilleur rapport coût-bénéfice.

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J'aimerais revenir sur le mix énergétique choisi par la France en matière d'électricité. Quels sont les résultats de la France, dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone, par rapport aux autres pays, en ratio par habitant ?

Pour calculer les émissions de CO2 des énergies renouvelables par rapport à celles du nucléaire et de l'hydroélectricité, prend-on en compte l'ensemble de la filière, c'est-à-dire également le recyclage des installations éoliennes et photovoltaïques ?

À terme, vous venez de l'expliquer, les énergies renouvelables ne demanderont plus de subventions publiques. Pourtant, certains secteurs comme l'éolien terrestre n'ont pas atteint leur maturité industrielle dans notre pays. L'objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique n'a-t-il pas été fixé trop tôt par rapport au niveau de développement des filières énergétiques renouvelables ? La question mérite d'autant plus d'être posée que le nucléaire est également une énergie bas carbone. Avec quels critères et sur la base de quelles études, cet objectif a-t-il donc été fixé, sachant qu'il nous faut répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas-carbone et tenir compte du coût de l'électricité pour nos citoyens ?

Après l'emballement du photovoltaïque, quelle analyse la DGEC fait-elle de la rentabilité actuelle de certains opérateurs des énergies renouvelables, en particulier dans l'éolien terrestre ? Quelle est la part des éoliennes terrestres qui font l'objet d'un appel d'offres ? Nous assistons actuellement à un emballement de l'éolien terrestre, avec le déploiement extrêmement rapide de certains promoteurs. Les subventions restent importantes et les tarifs sont aujourd'hui garantis, mais vous allez nous dire demain que ces professionnels n'auront plus besoin de soutien public. Il ne paraît pas judicieux de réduire les aides tant que la filière n'est pas mature et rentable.

À vous écouter, on a le sentiment qu'on aurait peut-être eu intérêt à fixer l'objectif de 50 % de nucléaire à une date ultérieure, pour donner du temps aux filières d'énergies renouvelables de monter en maturité. Je parle, bien entendu, du point de vue de la consommation de l'argent public.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Ces débats sont anciens et je me permettrai d'être franc. Je pense que si l'on fixe à 2045 ou 2050 l'objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique - ou de 51 %, ou de 52 %, peu importe –, on ne prépare pas l'avenir et on commet une très grave erreur. Je le dis en dehors de tout parti pris pro-nucléaire, anti-nucléaire ou pro-EnR.

La DEGC a mené diverses projections s'agissant du mix électrique. Comme le précédent ministre l'avait lui-même indiqué lors de diverses auditions, l'échéance de 2025 est apparue trop proche sur le plan physique et financier. La date de 2035 a fait l'objet de nombreuses simulations intégrant toutes les incertitudes existantes, notamment sur le coût du nucléaire prolongé et les capacités du nouveau nucléaire. Nous avons estimé, au regard de ces différentes études présentées en annexe du projet de PPE, que la trajectoire actuelle conduisait, vers une date située autour de 2035, à un coût équivalent de production de l'électricité et permettait de profiter de la baisse des prix des EnR électriques, qui est aujourd'hui un fait.

Deux questions restent cependant à examiner. Comment, tout d'abord, profiter de l'émergence des technologies de l'éolien offshore pour générer des retombées industrielles en France ? Ces technologies seront de plus en plus compétitives et nous avons des outils. Je pense notamment aux chantiers de l'Atlantique, qui, grâce à leurs compétences pointues, fabriquent des sous-stations électriques de raccordement. Nous possédons aussi des entreprises hors secteur des ENR qui produisent des flotteurs pour l'éolien flottant et qui pourront exporter. Nous cherchons donc à nous positionner pour faire grandir l'éolien flottant en France, ni trop vite, parce que nous payerions très cher huit parcs éoliens flottants de 1 000 mégawatts en trois ans, ni trop lentement, car alors nous n'aurions pas les compétences en France pour développer cette filière, qui sera peut-être la plus compétitive dans dix ans.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Oui, mais je vous expliquais quels étaient les deux sujets qui restaient à traiter.

Le second concerne notre capacité opérationnelle et financière à investir dans le nouveau nucléaire, dans le respect du droit de la concurrence. Quel nouveau nucléaire et quel coût pour les finances publiques ?

Il y a en réalité un troisième sujet, celui de l'intermittence, du stockage et de leur coût. Nous devrons examiner ces trois sujets dans les trois à cinq ans qui viennent, peut-être même avant, pour définir le mix électrique. Ma conviction personnelle est que repousser ces réflexions à un horizon plus lointain serait une grave erreur, y compris pour l'avenir de la filière nucléaire. La décision doit être prise maintenant, pour un horizon 2035-2040.

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Mais je m'interrogeais sur l'éolien terrestre, qui pose d'ailleurs aussi une question d'acceptabilité sociale. Les territoires sont de plus en plus nombreux à refuser l'implantation d'éoliennes terrestres, qui donnent rarement lieu à des appels d'offres et sont une source de rentabilité considérable. Je voulais savoir quelle était la réflexion de la DGEC à ce sujet. Vous avez parlé des projets offshore et flottants, mais pas de l'éolien terrestre.

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La majorité des projets d'éolien terrestre bénéficient aujourd'hui des tarifs d'achat du guichet fermé fin 2016. Les petits projets de moins de six mâts et de moins de 3 MW peuvent encore bénéficier de ce tarif. En revanche, les nouveaux projets de gros parcs éoliens doivent faire l'objet d'appels d'offres. Nous préparons une réforme qui conduira à réduire encore le champ des parcs éligibles au guichet.

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Dans l'éolien terrestre, quelle est la proportion de gros parcs et de petits projets non soumis à la procédure d'appel d'offres ? Du fait de cette distinction, il semblerait que l'on multiplie les petits projets éoliens, contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays, ce qui pose d'ailleurs un problème de rentabilité.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Les parcs actuels sont dans leur quasi-intégralité soumis aux tarifs d'achat du guichet fermé fin 2016. C'est logique vu leurs délais de réalisation. Je ne saurais vous donner le nombre de demandes d'autorisation déposées, mais nous nous apprêtons, dans un objectif de compétitivité et d'action anti-mitage, à réduire le nombre de machines autorisées à deux ou trois, et plutôt pour des extensions que pour de nouveaux parcs. Compte tenu du tarif de rachat de l'électricité produite à deux ou trois machines, il n'est plus intéressant de construire un parc nouveau. Le tarif va donc être réduit à sa portion congrue.

Il nous faudra réfléchir à l'opportunité d'un mécanisme de soutien pour l'éolien terrestre. Pour favoriser son acceptabilité, nous voulons faire émerger le repowering, c'est-à-dire la réingénierie des parcs existants. Des mécanismes transparents seront mis en place sur le même modèle que l'hydroélectricité. Soit les parcs seront entièrement nouveaux et ils entreront dans le mécanisme d'appels d'offres, soit – mais la décision n'a pas encore été prise – un mécanisme de soutien au réinvestissement sera mis en place. Pour la collectivité, le repowering des parcs éoliens constitue une solution bien meilleure et beaucoup moins chère, qui évite les problèmes d'acceptabilité, puisque l'on remet des éoliennes là où il y en avait déjà. Le renouvellement des parcs est donc un axe intéressant, qui se pratique dans d'autres pays et qui permet d'augmenter les puissances, les productibles et les durées de production sans créer de nouveaux parcs.

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Les 2 milliards d'euros affectés au logement dans le cadre de la politique d'efficacité énergétique décidée par la France correspondent, selon vous, à une soutenabilité raisonnable à moyen terme pour mettre fin aux 7 millions de « passoires thermiques » de notre pays. Mettons de côté le logement social, qui, d'après les objectifs 2018-2022, devrait achever sa rénovation thermique à la fin du quinquennat. Dans le logement privé, considérez-vous que la trajectoire est à la mesure des enjeux en termes de consommation ?

On sait que les procédés industriels sont particulièrement heurtés par la transition énergétique. Pouvez-vous nous donner des chiffres sur le coût de la transition énergétique dans les différentes filières industrielles, notamment la chimie, la papeterie et la métallurgie ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

En ce qui concerne le logement, je précise que le CITE représente 1,2 milliard d'euros et les aides de l'ANAH 500 millions d'euros. Ces dernières devraient passer à 800 millions et ne concernent pas uniquement la rénovation. Les CEE représentent quant à eux 1,5 milliard d'euros, y compris pour des bâtiments tertiaires.

Il est évidemment difficile de lire dans les boules de cristal et, pour un fonctionnaire, de dire s'il y a trop ou pas assez d'argent. Il me semble toutefois qu'en matière de logement, l'argent n'est pas seul nécessaire. La mobilisation, l'accompagnement et la formation sont tout aussi importants. Nous devons rechercher les gains, y compris financiers, des programmes qui testent différentes solutions de rénovation. Si on peut faire pour moins cher, il faut le faire.

Nos analyses montrent cependant qu'au-dessous des moyens engagés, nous n'arriverions pas à tenir le rythme, ni à l'augmenter. Ce n'est peut-être pas très orthodoxe de le dire, compte tenu de la rigueur attendue dans la gestion des finances publiques, mais nous devons être cohérents. Sans ces 2 milliards d'euros, hors logement social, et les CEE, sans la combinaison des aides qui permet de faire masse, nous n'y arriverons pas. Nous pouvons en revanche espérer qu'en industrialisant les process, nous réussirons à rénover un nombre de logements plus important avec le même niveau d'engagement public. Si on divisait par deux le montant des sommes investies, on ferait plus que diviser par deux le nombre de logements rénovés. Il y a donc un effort de notre collectivité nationale à fournir dans la durée, jusqu'au jour où l'on aura épuisé le stock, mais celui-ci est encore important.

Quant au coût de la transition énergétique pour l'industrie, je vais avoir du mal à trouver rapidement les éléments de chiffrage que vous me demandez dans le document de deux cents pages que j'ai avec moi, mais je vous les transmettrai ultérieurement.

Nous avons chiffré la stratégie nationale bas-carbone à long terme, ainsi que les investissements macroéconomiques dans l'industrie. Nous devons résoudre une triple et difficile équation. À court terme, compte tenu de la compétition internationale, les entreprises ont besoin de prix de l'énergie plutôt bas. Un système subventionné comporte toutefois deux dangers : d'une part, les subventions peuvent s'interrompre ; d'autre part, les entreprises ne sont pas incitées à investir. Lorsqu'elles le font, c'est sur un mode incrémental, par exemple pour réduire leur consommation d'énergie, en installant une chaudière biomasse. Pour une grosse usine de la chimie ou de la papeterie, un tel chantier représente 100 à 200 millions d'euros d'investissement. Quand la valeur carbone sera importante pour les acheteurs, les besoins d'investissement des entreprises seront élevés si elles veulent rester compétitives au niveau européen et mondial.

Les secteurs de la sidérurgie et de la cimenterie pourraient connaître des changements radicaux avec, pour la sidérurgie, la fin du charbon dans les hauts fourneaux et l'utilisation de l'électricité ou de l'hydrogène, au lieu des énergies fossiles, dans les procédés métallurgiques. Certains groupes industriels se sont résolument lancés dans un processus d'innovation, avec des projets de prototypes de plusieurs centaines de millions d'euros. Le déploiement de solutions énergétiquement plus performantes nécessitera quelques milliards d'euros d'investissement dans ces secteurs une fois la rupture technologique atteinte. Le sujet prendra alors une ampleur européenne. La transition énergétique sera massive et nécessitera la mobilisation de fonds publics. Si les investissements incrémentaux n'ont pas besoin d'être beaucoup aidés, les grosses ruptures appellent un soutien plus conséquent.

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Dans la PPE, la géothermie est aujourd'hui affectée à la production de chaleur, et donc au fonds de chaleur. Il s'avère que, dans certains territoires, la géothermie profonde permet aussi la production d'électricité, et pallie de ce fait le manque d'EnR. Dans le nouveau projet de PPE, cette opportunité ne sera malheureusement plus subventionnée. Je suis député de l'Alsace. Dans mon département, le manque de grands couloirs aériens nuit au développement des projets éoliens. Nous sommes donc handicapés par la PPE et son nouveau positionnement sur la mixité des aides.

J'aimerais vous interroger sur la territorialisation des politiques énergétiques. Nous travaillons beaucoup au niveau national, mais le meilleur niveau pour porter les énergies renouvelables n'est-il pas celui des territoires ?

Les dépenses nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux ont été évoquées, mais avez-vous réfléchi aux conséquences secondaires des politiques déployées, c'est-à-dire les recettes ? Je pense à celles des collectivités, aux emplois créés et au développement de nouvelles industries. Quel sera l'impact, sur le plan économique et en termes de PIB, des politiques environnementales ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

La géothermie est en effet un sujet difficile. Dans certains cas, elle ne permet pas la production d'électricité. L'usage chaleur est donc le meilleur. Cependant, de nombreux projets de recherche ont montré que la géothermie profonde pourrait à la fois constituer une source de chaleur et d'électricité. Quand on consomme moins de chaleur, on peut produire plus d'électricité et maintenir l'équilibre économique. Si le consommateur de chaleur est un industriel, les projets sont plus aisés et le débouché chaleur est stable. Les cogénérations ont l'intérêt de pouvoir utiliser physiquement la chaleur produite sous forme d'électricité quand il n'y a plus de consommation de chaleur l'été.

Le choix de ne plus subventionner la géothermie pour la production d'électricité n'a donc pas été simple, mais il pourrait être revu à l'avenir en fonction des propositions de la filière et des évolutions technologiques. Ce choix a résulté du constat d'un prix de rachat de l'électricité toujours cher, environ 120 euros le MWh, malgré les progrès de la géothermie profonde. D'autres filières trouvent également que leurs objectifs de prix sont trop bas. Nous avons des échanges réguliers avec la filière géothermie sur la possibilité d'une phase d'amélioration des procédés avant le déploiement ou de leviers de réduction des coûts, tels que le financement ex ante.

La géothermie pourrait-elle devenir tout à la fois une bonne productrice de chaleur et d'électricité ? Il m'est difficile de répondre, mais s'il est démontré que l'équation économique est bonne, il n'y aura pas de raison de ne pas le prendre en compte dans la PPE. Notre intention, en interrompant les subventions à la géothermie productrice d'électricité, était d'éviter que cette filière ne concentre ses financements sur l'électricité, à des tarifs très élevés, ce qui conduirait à des dépenses superfétatoires, engendrant elles-mêmes un prix artificiel de la chaleur et bloquant du même coup le développement des autres projets chaleur. L'exemple de la cogénération au gaz est instructif. Elle permettait, avec de gros tarifs d'achat de l'électricité, d'obtenir de la chaleur à un prix peu élevé, artifice qui n'est pas souhaitable. Pour conclure, la fin du soutien à la géothermie des profondeurs n'est pas à une religion. La PPE fait aujourd'hui le choix des filières matures, mais je rappelle qu'elle est revue tous les cinq ans et qu'elle s'inscrit dans un environnement technologique en constante évolution.

La territorialisation est un vaste sujet et le président me dira à juste titre que j'ai déjà été trop long. Au-delà des grands travaux nationaux, qui prennent du temps et déchaînent les passions, il est nécessaire de conforter les dynamiques territoriales et partenariales entre trois échelons : l'État, qui fixe des objectifs et dispose de moyens financiers ; la région, qui planifie les aménagements et la mobilisation des ressources ; enfin, les EPC (intercommunalités. En 2019 et 2020, de nombreuses actions seront lancées pour consolider les échanges entre ces différents échelons, ce dont il faut se féliciter.

S'agissant du service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH), nous avons suggéré à nos ministres de proposer aux régions une animation conjointe. Nous envisageons de relancer plusieurs dispositifs pour encourager tous les projets de rénovation, d'EnR et de mobilité propre. Il ne sert à rien que nous inventions à la DGEC un dispositif d'aide à l'installation de bornes de recharge électrique si personne ne le connaît. L'un des gros enjeux de 2019 et 2020 sera de relancer la dynamique contractuelle.

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Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le jacobin que je suis pense même qu'il faudrait clarifier les responsabilités et les financements en fixant des objectifs nationaux déclinés en objectifs régionaux, et en laissant chaque acteur maître de ses moyens.

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Vous n'avez pas répondu quant à l'impact des politiques environnementales en termes de recettes.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Deux évaluations macroéconomiques existent sur la PPE et la stratégie nationale bas-carbone, qui reposent à moyen terme sur le même scénario. Nous comparons actuellement le scénario « avec mesures existantes » et le scénario PPE-SNBC. Nous remettrons prochainement le rapport d'accompagnement de la stratégie nationale bas-carbone, qui détaille les résultats de cette comparaison.

Avec toute la prudence requise, à moyen et long terme, des hausses différentielles de PIB de l'ordre de 3 % apparaissent, ainsi que des créations d'emplois jusqu'à 300 000 et des variations selon les périodes d'investissement et de fonctionnement. Bien entendu, les impacts sont différents selon les filières. Je ne crois pas, en revanche, qu'on ait calculé le montant des taxes perçues par les collectivités locales, ces taxes étant différentes selon les types d'énergie, mais je vous transmettrai une réponse écrite.

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Vous avez dit tout à l'heure que le coût de la tonne de CO2 évitée était le plus cher dans les transports. Voilà qui nous fournit un élément de comparaison méthodologique pour évaluer les différentes politiques de transition énergétique.

Utilisez-vous le coût de la tonne de CO2 évitée pour analyser, de manière transversale, l'impact des actions menées dans le logement, le transport et les énergies renouvelables ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Nous disposons en effet de données sur les différentes politiques, outre les travaux de la commission Quinet sur la valeur tutélaire du carbone ou nos projections de long terme. Selon les valeurs que l'on attribue à l'action du carbone, certaines politiques sont plus rapides. C'est le cas du logement. Dans le transport, la valeur du carbone augmente plus fortement pour atteindre les réductions visées.

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Autrement dit, il y a une élasticité sociale plus grande au coût du carbone dans le logement que dans le transport. Ou encore : la sensibilité à l'effet prix est plus grande dans le logement que dans le transport en cas d'augmentation du prix du carbone.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

En effet. Mais nous faisons le pari, en France comme d'ailleurs en Europe et en Chine, que l'électrification du transport permettra tôt ou tard, grâce aux technologies et à la massification des productions, d'atteindre le point de bascule où le coût du véhicule décarboné s'alignera sur le coût du véhicule carboné. Ce dernier est aujourd'hui plus cher ; la tonne de CO2 évitée l'est donc également. Il faut bien sûr prendre en compte aussi l'investissement en amont sur l'innovation et la contrainte réglementaire.

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Lorsque l'on investit dans l'éolien, le coût de la tonne de CO2 évitée est logiquement plus important puisque l'on substitue l'éolien au nucléaire. Il n'y a donc pas de CO2 évité. Investir dans l'éolien représente donc un coût, pour un effet CO2 limité.

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Ce point fait l'objet de nombreux débats, selon que l'on considère la plaque française ou la plaque européenne. Le fait que la France continue à produire plus d'énergie décarbonée aide à substituer des énergies carbonées dans d'autres pays, grâce à sa capacité d'export.

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Quand on exporte du nucléaire, on exporte déjà de l'énergie décarbonée.

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Certes, mais le scénario tel qu'il existe aujourd'hui, et qui a fait débat, parie sur une augmentation des exportations, et donc sur une substitution plus forte d'électricité décarbonée sur la plaque ouest européenne.

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Restons à l'échelle de la France. Si l'électricité nucléaire passe de 75 % à 50 % pour être remplacée par de l'électricité éolienne ou photovoltaïque, l'impact carbone est nul. L'argent utilisé pour la substitution, en coût de la tonne de CO2 évitée, est donc très important puisque l'effet levier sur le CO2 est faible. En revanche, si l'on investit 1 milliard d'euros pour passer du véhicule à essence au véhicule électrique, l'impact carbone est réel. Je ne comprends donc pas ce que la plaque européenne ou les exportations viennent faire ici.

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Si vous exportez plus, vous substituez davantage d'énergies décarbonées à des énergies carbonées sur la plaque européenne. L'effet en termes de coût de la tonne de CO2 évitée est relativement faible au niveau français, mais il est plus important à l'échelle européenne.

Je rappelle que nous ne nous projetons pas uniquement à 2020 et que nous nous inscrivons aussi dans la perspective d'un mix électrique pour 2035 et 2050. Il existe évidemment de nombreuses opinions sur le meilleur mix décarboné. Je suis quant à moi persuadé que nous devons soutenir le développement des énergies renouvelables, sans exclure toutefois une option nucléaire, légitime et possible. L'un des moyens de faire baisser les prix est de préparer plusieurs options de mix électrique décarboné.

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Il ne s'agit pas tant du nucléaire que de la manière dont nous construisons notre budget. On a l'impression que ce budget est infini et que l'on jongle avec les milliards d'euros. On sait bien pourtant que les choses ne sont pas si simples quand il faut prélever cet argent sur les Français. Je ne sais pas quelle trajectoire de la « taxe carbone » est prise comme hypothèse dans la PPE, mais je rappelle que cette taxe est aujourd'hui gelée. D'où ma question sur la méthodologie que vous utilisez, puisque vous avez souligné que, dans le domaine du transport, le coût de la tonne de CO2 évitée était plus élevé. J'en déduis que vous disposez d'éléments pour comparer les différentes politiques de transition énergétique. Pour chacune d'elles, la corrélation entre le coût de la tonne de CO2 évitée et l'objectif environnemental vous conduit à faire des arbitrages financiers par rapport à des objectifs budgétaires réalistes.

Quel est le coût global de la PPE ?

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Les dépenses nouvelles engagées – ensemble des EnR, Fonds chaleur et CITE – représentent 40 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 20 milliards pour la rénovation, hors logement social, et 10 milliards pour le transport. Le coût global de la PPE s'élève donc à environ 80 milliards d'euros, hors investissements dans les départements d'outre-mer (DOM), péréquation et chèque énergie.

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La PPE prévoit l'augmentation des dépenses en matière de transition énergétique. Pouvez-vous nous préciser quel sera précisément le montant de cette augmentation ? À combien ces dépenses s'élevaient-elles en 2018 ?

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En dépenses publiques, elles représentaient un peu plus de 11 milliards d'euros en 2018. Elles atteindront progressivement un montant de 12 à 13 milliards par an, puis redescendront à 6 à 8 milliards quand les EnR seront beaucoup moins chères.

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Nous dépensons donc aujourd'hui 11 milliards d'euros pour la transition énergétique, dont environ 6 milliards pour les EnR et le reste pour le transport et le logement. La PPE prévoit une augmentation de ce volume, puis une baisse, mais la répartition des sommes entre le logement, le transport et les énergies renouvelables restera globalement identique : 50 % des dépenses publiques pour le soutien aux EnR, 50 % pour le transport et le logement.

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À court terme, c'est bien cela. Une réorientation interviendra vers la fin de la PPE quand les prix des EnR auront baissé, parallèlement à la montée du biogaz, vecteur important de décarbonation.

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Tous ces sujets sont pour vous évidemment très familiers, mais ils le sont moins pour nous et je cherche à comprendre la logique. La PPE fixe donc un horizon de dix ans pendant lesquels l'effort budgétaire pour la transition énergétique augmentera de quelques milliards par an. À la fin de la période, une fois passé le pic des EnR, une partie des dépenses publiques sera rebasculée sur les autres politiques.

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Elle le sera en pourcentage. À l'intérieur des EnR, une bascule est également prévue, avec l'augmentation progressive du fonds chaleur et du biogaz, celui-ci représentant 8 milliards d'euros sur la période.

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Nous partons d'une situation structurelle où les énergies électriques bénéficient du soutien le plus important.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Certes, mais l'effort sur le biogaz est considérable. Derrière les chiffres bruts et l'inertie des soutiens existants, il y a des réallocations importantes dans les décisions nouvelles.

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On nous dit que le photovoltaïque est devenu concurrentiel, que ce secteur est désormais une industrie et que les prix baissent. La logique européenne et française est d'interdire le soutien aux industries pour ne pas fausser la concurrence. Si les énergies renouvelables électriques sont arrivées à maturité, pourquoi ne pas arrêter tous les soutiens ? Cet argent pourrait être rebasculé plus rapidement, et pas dans sept ou huit ans, sur d'autres secteurs pour lesquels le coût de la tonne de CO2 évitée est plus faible.

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Je vois où veut en venir le président, mais le sujet du nucléaire ne doit pas être examiné du seul point de vue de la décarbonation. Il faut également prendre en compte l'impact et le coût de la dénucléarisation.

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Je ne parlais pas du nucléaire. J'aimerais, si possible, entendre la réponse de la DGEC.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Certaines filières matures approchent en effet de la compétitivité. Le mécanisme d'appel d'offres le révélera et permettra de diminuer les besoins de subventions. Toutefois, interrompre dès maintenant le soutien aux énergies renouvelables électriques mettrait un coup d'arrêt à ces filières en cassant les processus industriels de montée en puissance.

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Sans parler de l'éolien, les acteurs du solaire nous disent que leur filière est compétitive. C'est comme pour le vélo : on retire les petites roues à l'arrière quand l'enfant est capable de pédaler tout seul. Vous me dites qu'on ne peut pas retirer les petites roues aux filières des énergies renouvelables. C'est donc qu'elles ne sont pas compétitives.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Merci de bien vouloir me laisser terminer. Vous me permettrez de ne pas vous servir la soupe et de vous faire une réponse franche.

Les filières avancent effectivement, à des marches différentes, vers la compétitivité. Il arrivera un moment, plus ou moins proche selon leur secteur et les types de projet qu'elles choisiront de développer, où elles pourront se passer de subventions. Une autre forme de régulation que le tarif d'achat, de type garantie plancher, sera peut-être alors mise en place.

Dans le solaire, pour le photovoltaïque au sol, nous ne sommes plus très loin de ce moment. Nous devrions y arriver d'ici deux à cinq ans, en fonction de la nature des projets, mais aussi de la taille de ceux qui seront choisis, les plus gros étant les moins coûteux.

Dans le bâtiment, il faudra attendre plus longtemps, les coûts d'implantation étant plus élevés. Dans l'éolien, les appels d'offres seront un bon indicateur, mais nous n'en aurons pas besoin probablement d'aides pour le repowering. L'éolien en mer dépendra beaucoup des endroits et du vent. Comme dans d'autres pays, le nombre de parcs pour lesquels aucune subvention ne sera nécessaire pourrait rapidement augmenter en France. Seuls les appels d'offres le diront. Quand l'éolien en mer aura atteint un coût peu élevé, des appels d'offres inverses seront organisés : l'État, propriétaire du domaine public maritime, demandera aux acteurs d'installer un champ à tel ou tel endroit, et touchera des redevances.

Cette question nécessite donc un pilotage fin. On ne peut pas décider de manière uniforme d'arrêter les subventions dans tous les secteurs. Le jour où cela paraîtra possible pour l'un d'eux, un cadre clair et lisible devra être donné aux acteurs afin d'éviter les phénomènes de précipitation visant à profiter au maximum des subventions publiques.

Nous devons prendre garde à ne pas interrompre trop tôt les subventions, ce qui nuirait aux dynamiques des filières et les empêcherait d'émerger. Il est difficile, quand une filière a été stoppée dans son développement, de la faire redémarrer. Veillons à ne pas nous retrouver dans une situation où nous ne saurions plus faire notre mix électrique et où nous aurions mis tous nos oeufs dans un seul panier, celui du nucléaire. Le nucléaire a toute sa place dans la réflexion, mais il doit se concevoir dans un ensemble de filières et dans le cadre d'un mix équilibré.

Ceux qui seront en charge de la prochaine PPE seront directement confrontés à ces questions. Quand et comment arrêter les dispositifs de subvention ? De manière transitoire ou avec une garantie des prix en cas de circonstance exceptionnelle, l'effondrement du marché par exemple ?

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Avez-vous pris en compte, dans la PPE, la question de la décroissance marginale du rendement liée à la localisation ? Compte tenu de l'épuisement progressif des sites les plus favorables au solaire et à l'éolien, les nouvelles capacités seront implantées dans des endroits plus éloignés des centres de consommation. Comment avez-vous intégré cette dimension spatiale dans le rendement économique ?

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Le solaire n'est pas confronté à cette question. En revanche, une décision politique devra être prise pour choisir entre le maintien de la politique de ciblage sur des sites non dégradés, limitant au maximum l'utilisation de sites naturels, ou l'installation de plus grosses centrales, avec les inconvénients que cela représente en termes d'utilisation des terres agricoles notamment. Il n'y a cependant pas de problème de ressource dans le solaire comme cela peut être le cas avec le vent.

Dans notre équation économique, nous sommes restés bien en-deçà des potentiels techniques des parcs éoliens terrestres et nous avons pris en compte, de manière statistique, les questions d'acceptabilité. Le progrès des technologies, à tailles égales d'éoliennes, engendre des puissances et des rendements meilleurs sur les sites existants. Nous avons donc intégré le repowering dans l'augmentation de puissance.

Dans l'éolien offshore, les spots sont très isolés. L'extension des futurs parcs sera un axe important du développement de la filière. Les six premiers parcs des appels d'offres 1 et 2 sont destinés à être un jour étendus, si bien sûr ils donnent satisfaction sur tous les critères. Les extensions permettent, dans les mêmes conditions de vent, d'énormes économies d'échelle sur le raccordement et les sous-stations. Sur la durée de la PPE, les prévisions pour l'éolien offshore ne soulèvent pas de problème de ressource en vent.

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Est-il possible de calculer l'impact carbone du nucléaire, de l'éolien et du solaire, à méthodologie et durée de vie équivalentes ? Il serait intéressant de comparer le CO2 émis lors du démantèlement et du renouvellement des parcs éoliens et solaires aux émissions d'un actif nucléaire pendant toute sa durée de vie, de manière à obtenir la même unité de compte. Quand on parle d'investissement et d'impact CO2, les durées de vie des installations considérées sont souvent différentes.

Une étude du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a montré que le nucléaire était quatre fois moins émetteur de gaz à effet de serre que le solaire, mais je ne sais pas si cette évaluation portait sur la durée de vie d'un actif nucléaire. Nous butons souvent sur des questions méthodologiques. Existe-t-il un cadre de référence permettant de comparer les coûts et l'impact carbone sur une durée de vie commune ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Sur l'impact carbone, il existe en effet des valeurs de référence. Elles émanent de divers organismes, parmi lesquels l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Il faut, vous avez raison, comparer ce qui est comparable, mais inclure également le démantèlement du nucléaire et la gestion de ses déchets.

Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons. On entend un peu tout et son contraire, dans des approches parfois sujettes à caution. Les coûts doivent également être examinés en fonction de durées de vie objectives des installations. Il faut distinguer, en outre, le coût de production et le coût de soutien. La centrale nucléaire britannique d'Hinkley Point sera soutenue pendant trente-cinq ans à un certain prix, celui-ci étant distinct de son coût si elle fonctionne pendant soixante ans.

Pour le nucléaire, l'une des questions qui se posera à l'avenir sera justement de savoir quelle durée de vie raisonnable on choisira et quel coût de soutien sera nécessaire.

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Serait-il possible de disposer d'une comparaison, sur la même durée de vie, entre le nucléaire - construction, démantèlement, déchets, impact carbone, coût –, l'éolien, le photovoltaïque et les autres énergies non électriques ? Cela nous permettrait d'identifier les avantages et les inconvénients des uns et des autres en termes d'impact carbone et de coût.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire

Nous pouvons vous fournir une synthèse de la littérature, mais pas de nos travaux, car ils débutent. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a mené différentes études, qui donnent des repères utiles. Il faut toutefois rester prudent s'agissant des projections de coûts des diverses filières à 2030. On peut déterminer le coût du nucléaire existant, mais il n'est pas reproductible. Le coût du nouveau nucléaire sera différent. Il est en cours d'évaluation.

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Quel était le montant de l'investissement engagé par EDF pour la construction des 58 réacteurs du parc nucléaire historique ?

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Nous devrions pouvoir retrouver ce chiffre, mais il n'est pas représentatif des coûts actuels.

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Les études et les chiffres des années 1980 ne sont peut-être pas une référence très fiable.

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Je ne demande pas le coût de la construction du Palais Bourbon ! Il devrait bien être possible de savoir combien nous avons dépensé, il y a quarante ans, pour construire Gravelines ou Tricastin. On m'avait donné le chiffre de 90 milliards d'euros courants, mais je ne sais pas s'il est exact. Nous avons déjà engagé 95 milliards d'euros pour les EnR, ce qui fait réfléchir. Reste que le coût de construction du parc historique, une fois prise en compte l'inflation, serait sans doute bien supérieur à 90 milliards d'euros et approcherait sans doute plutôt les 400 milliards. En tout état de cause, ce chiffre nous donnerait un premier élément de comparaison.

Je ne vois pas d'autres questions. Nous levons donc la séance en vous remerciant, monsieur le directeur général.

La séance est levée à vingt et une heures.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 19 heures

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Xavier Batut, M. Anthony Cellier, M. Vincent Descoeur, Mme Danièle Hérin, Mme Laure de La Raudière, Mme Véronique Louwagie, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Claire O'Petit, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, M. Hubert Wulfranc, Mme Hélène Zannier

Excusé. - M. Christophe Bouillon