Ce qui m'a beaucoup frappé en prenant mes fonctions, il y a presque deux ans, et qui continue de le faire, c'est la montée de la violence et du discours violent sur internet. Je n'avais pas idée, en arrivant à ce poste, du degré de violence des sites, des comptes Twitter et des pages Facebook. Depuis lors, Facebook a fait le ménage, en excluant, par exemple, Génération identitaire et en changeant ses règles générales d'utilisation – les mouvements de haine organisés en sont totalement exclus, même pour partager une recette de cuisine. Je salue cette évolution. Twitter a engagé un mouvement similaire, en obtenant beaucoup moins de résultats pour le moment. Au cours des deux dernières années, j'ai vu monter une brutalisation des discours et des rapports sociaux, qui fleurit également dans la rue, à l'occasion des différents mouvements sociaux – on retrouve chez certains « gilets jaunes » les mêmes expressions, très typées, que sur ces sites.
Concernant leur capacité à toucher la jeunesse, il est assez compliqué de mesurer leur influence. Je ne crois pas qu'ils aient de stratégie de diffusion à destination de lycées, de collèges ou d'écoles. Leur stratégie est beaucoup plus ciblée : ils visent plutôt une implantation universitaire, destinée à recruter des militants. Leur prosélytisme passe aussi beaucoup par internet, qui est leur principal vecteur de communication : ils ont des sites, de très nombreuses vidéos, des comptes Twitter très actifs et réactifs. Nous avons ainsi eu beaucoup de mal à faire fermer les comptes Twitter de l'hebdomadaire Rivarol et de Jérôme Bourbon, alors que leurs contenus néo-nazis étaient assez explicites. Il a fallu convaincre, grâce à un travail de décryptage de leurs messages : « le défunt chancelier » voulait dire « Hitler », certaines dates faisaient implicitement référence à des événements bien connus des personnes qui suivaient ces comptes – celle de l'Anschluss, par exemple. Leur stratégie sur internet et les réseaux sociaux est très directe et efficace, parce qu'ils apportent des solutions très simples, voire simplistes, à des problèmes complexes. En des temps assez troublés, où nous sommes en perte de repères et peut-être de valeurs, c'est d'abord par ce biais qu'ils arrivent à capter et à toucher la jeunesse.
Parmi les différents dispositifs que nous avons mis en place récemment, une équipe nationale, souhaitée par Jean-Michel Blanquer, associe le ministère de l'éducation nationale et la DILCRAH à des correspondants locaux, les référents laïcité. Ces référents académiques jouent aussi un rôle de correspondants dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Nous avons créé un site internet, en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale, qui permet de faire des signalements directs et d'obtenir des réponses en moins de quarante-huit heures, avec des solutions ad hoc construites au cas par cas, en fonction de l'incident relevé : visite d'un lieu de mémoire, pour un incident qui a eu lieu à l'occasion d'un enseignement d'histoire, par exemple, ou interventions d'associations, d'avocats ou de magistrats, sur des questions de droits ou de discriminations. Ce dispositif permet de ne pas laisser seuls les enseignants face aux difficultés. Ils doivent savoir qu'en les faisant remonter, les incidents seront gérés et traités et qu'une réponse leur sera apportée. Ce dispositif, en place depuis le tout début de l'année 2019, a pour l'instant obtenu de bons résultats, parce qu'il est réactif et qu'il offre des réponses cousues main. Qui plus est, pour les personnes qui traitent de ces questions, des journées de formation sont prévues autour de thématiques juridiques ou sociologiques, afin de mieux comprendre ces phénomènes.