Intervention de Naima Idir

Réunion du jeudi 4 avril 2019 à 14h55
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Naima Idir, présidente de l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) et directrice des affaires réglementaires et institutionnelles d'ENI Gas and Power France :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, nous vous remercions de votre invitation.

Je commencerai mon propos en vous présentant notre association, notre contribution sur le marché de l'énergie et notre action au titre de la transition énergétique ainsi que les propositions que nous formulons, notamment au profit de la préservation du pouvoir d'achat des Français qui est l'un des sujets qui animent votre commission.

L'association ANODE regroupe les fournisseurs alternatifs de gaz et d'électricité, plus précisément onze fournisseurs de gaz et d'électricité issus d'horizons très divers puisque, parmi nos membres, nous comptons aussi bien des filiales de grands groupes d'origine énergétique comme Total, via Direct Énergie, ou ENI, mais également des filiales d'autres groupes français qui interviennent dans d'autres secteurs comme GreenYellow, filiale du groupe Casino. Citons également Gaz Européen qui est une filiale de Butagaz. Nous comptons également des pure players, tels que Enercoop, Plüm, ekWateur, Énergie d'Ici.

Nous présentons la particularité d'offrir une grande diversité d'offres et de business models. Des fournisseurs, très ancrés dans les territoires, sont des promoteurs des énergies renouvelables (EnR) ; d'autres fournisseurs s'appuient davantage sur l'innovation en termes d'offres et de services énergétiques ; d'autres encore sont positionnés sur l'ensemble de ces thématiques. L'ANODE représente entre 80 % et 90 % de l'ensemble des consommateurs qui ont fait le choix de quitter le fournisseur historique et donc de se fournir sur le marché concurrentiel.

Concernant les apports des fournisseurs dits « alternatifs » à la concurrence et au marché de l'énergie, nous sommes l'un des seuls acteurs, pour ne pas dire le seul aujourd'hui, à faire de l'information et de la pédagogie auprès des consommateurs français. Nous faisons de la pédagogie, tout d'abord, sur la consommation en leur expliquant leur consommation, leur facture ; nous leur expliquons la possibilité qui leur est offerte depuis plus de dix ans aujourd'hui de changer de fournisseur, de changer d'offre et de trouver « chaussure à leur pied » sur le marché.

Nous sommes également – et c'est un aspect qui nous différencie le plus – l'acteur qui met en avant le facteur « innovation ». Nous développons de nouvelles offres : des offres « vertes », des offres pluriannuelles, des offres indexées, des offres à prix fixe. Nous travaillons sur des offres incitatives à la consommation qui permettent aussi bien le suivi que les effacements de la consommation.

Nous travaillons sur les services énergétiques, que ce soit l'efficacité énergétique ou l'autoconsommation. Nous considérons que nous sommes l'un des principaux vecteurs aujourd'hui de la modération des factures des Français. Vous avez eu l'occasion d'échanger avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE). La facture d'énergie TTC a fortement augmenté ces dernières années et l'un des principaux vecteurs qui a permis de réduire et de freiner cette hausse réside dans la compétition que nous offrons sur la part liée aux fournitures.

Enfin, nous avons incité par nos offres et par notre communication les fournisseurs historiques à évoluer pour proposer des offres innovantes. Des exemples très concrets au cours de ces derniers mois en attestent. Par exemple, EDF a lancé une nouvelle marque que vous avez dû voir à la télévision, l'offre Sowee, pour tout ce qui relève de la domotique. Nous avons également lancé, pour la première fois, une offre « verte électrique » et une offre plus compétitive que les tarifs réglementés, une offre qui se situe au tarif réglementé de vente (TRV) moins 5 %. Cela a été le cas pour Engie comme pour les entreprises locales de distribution.

L'association ANODE et les entreprises alternatives contribuent fortement, en tout cas oeuvrent dans le sens de la transition énergétique, ce à plusieurs titres.

Tout d'abord en proposant une grande diversité d'offres innovantes au meilleur prix, mais également en investissant dans les énergies renouvelables et en étant le promoteur des offres vertes. Nous pourrons détailler ce point important. On constate que de plus en plus de clients y sont sensibles et y souscrivent. Cette appétence pour les offres « vertes » permet de préparer la fin des subventions aux énergies renouvelables dans quelques années. Pour ce faire, nous préparons le consommateur à payer pour bénéficier de cette offre « verte ».

Nous jouons un rôle quant à l'efficacité énergétique avec notamment le dispositif des certificats énergétiques et nous contribuons, c'est le souci des pouvoirs publics, au pouvoir d'achat des Français. À ce titre, je détaillerai nos trois principales propositions.

La première vise à garantir l'accès des consommateurs d'électricité à la production nucléaire historique compétitive. C'était l'un des principaux objectifs de la loi NOME de 2010 qui a instauré le dispositif ARENH. Malheureusement, en 2019, la demande d'ARENH a été supérieure au plafond de 100 térawattheures (TWh) et le volume disponible a été dépassé.

Je souhaiterais tordre le cou à une idée reçue selon laquelle l'ARENH ne bénéficie qu'aux fournisseurs alternatifs. Elle bénéficie bien aux consommateurs, aux clients des fournisseurs alternatifs. Sans un tel dispositif, on assisterait à une discrimination entre les consommateurs restés chez EDF au tarif réglementé et pouvant bénéficier de l'ARENH, et ceux qui se tournent vers le marché pour accéder à des offres « vertes », à des offres innovantes, et pour changer de fournisseur, lequel ne pourrait plus bénéficier de l'ARENH. Or, une telle discrimination n'était pas l'objectif de la loi NOME.

Nous considérons que le plafonnement de l'ARENH ne permet plus au consommateur final d'atteindre l'objectif d'accès et de bénéfices de la compétitivité du nucléaire historique. Cela conduit, de fait, à la hausse des prix de l'électricité pour les consommateurs, qu'ils soient en offre de marché ou au tarif réglementé. Pour redonner du pouvoir d'achat aux Français, une mesure très simple pourrait consister à intégrer, dans la prochaine loi sur l'énergie, un déplafonnement ou tout au moins une élévation du plafond de l'ARENH.

Une deuxième mesure importante concerne le dispositif des CEE, mis en place pour accompagner et inciter à l'efficacité énergétique auprès des consommateurs. Les fournisseurs d'énergie portent cette obligation de réaliser les mesures et l'accompagnement pour mettre en oeuvre les actions d'efficacité énergique.

Aujourd'hui, le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) traverse une phase de surchauffe. En 2016, les CEE étaient à 2 euros par MWh cumac. Selon les derniers chiffres ont été publiés par l'administration, ils sont à plus de 9 euros. Parallèlement, leur volume entre la troisième et la quatrième période a doublé. Malgré ce niveau très élevé des prix, l'ensemble des acteurs du dispositif, l'ensemble des obligés, n'atteignent que 45 % de l'obligation, plaçant l'ensemble du système en situation risquée. En effet, si à la fin de la quatrième période, fin 2020, nous n'avons pas atteint l'obligation de 1 600 TWh cumac, nous serons soumis à des pénalités de quinze euros par mégawattheure cumac. Ce coût se retrouvera sur la facture du consommateur.

Nous avons été plusieurs, aussi bien représentants des obligés que représentants des consommateurs, à avoir écrit à plusieurs reprises au ministre pour l'alerter. Dernièrement, nous lui avons demandé un allongement d'une année de la quatrième période, sans augmentation de l'obligation, afin de réduire la pression sur le dispositif et se donner légalement le temps d'un bilan pour mettre en parallèle son coût qui, selon les derniers chiffres, soit 9 euros le KWh, s'élève à plus de 4 milliards d'euros par an au regard des bénéfices pour l'ensemble de la collectivité.

Le troisième levier est fiscal. L'énergie est un secteur fortement fiscalisé. D'ailleurs, la fiscalité est l'un des principaux, voire le seul facteur de hausse du montant des factures des Français au cours des dernières années.

Quelques exemples : pour l'électricité, le poids de la fiscalité dans la facture est supérieur à un tiers. Cette proportion était historiquement un tiers « fourniture », un tiers « tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) » et un tiers « fiscalité ». Désormais, la fiscalité se rapproche progressivement des 40 %. En 2010, la contribution au service public de l'électricité (CSPE) se situait à 4,50 euros le MWh pour atteindre 22,50 euros en 2016.

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