Ce débat voulu par la majorité et le Gouvernement n'a rien d'anodin. Il place l'ensemble de la représentation nationale et tous les acteurs du débat public devant un exercice de vérité et de sincérité totalement inédit, éclairé de surcroît par les chantiers que le Président de la République a lancés jeudi dernier. Si ceux-ci ne remettent pas en cause la trajectoire financière de ce programme de stabilité, ils aiguisent, à bien des égards, les défis que notre pays doit relever : défi social, défi écologique, défi de compétitivité économique et défi de progrès partagé pour l'Europe.
Aussi, j'aurais évidemment aimé que chacune et chacun dans cet hémicycle arrive à sortir des postures traditionnelles, qui faussent depuis trop longtemps l'exercice démocratique, pour aborder des questions aussi fondamentales qu'urgentes. Il ne sert à rien de nier ni de surestimer les éléments positifs que la France enregistre depuis deux ans et qui, à de très rares exceptions près, ne s'étaient jamais produits depuis la grande crise de 2008, il y a plus de dix ans.
Les faits sont là ! Des centaines de milliers d'emplois ont été créés, de plus en plus à temps complet et moins précaires ; le chômage baisse trop faiblement et trop lentement, mais de manière continue, et atteint son plus bas niveau depuis 2009 ; les mesures prises en décembre dernier renforcent les gains de pouvoir d'achat, puisque les ménages gagneront, en moyenne, 850 euros en 2019 ; enfin, élément encore plus important, les niveaux d'investissement historiquement élevés, atteints notamment grâce au CICE et à la réforme du marché du travail déployés dès avant 2017, ont accru la compétitivité des entreprises.
Ce sont autant de signes positifs, qui se déploient en même temps que l'amorce d'un mouvement, inédit depuis vingt ans, de réduction de la dépense publique et de décrue de la charge de la dette. Prétendre que tout cela ne serait dû qu'à la conjoncture mondiale porteuse et ne devrait rien à l'action de la majorité, est un exercice vain.
Depuis deux ans, c'est bien la conjonction de mesures prises en faveur des entreprises et des mesures favorables au pouvoir d'achat qui ont produit ce résultat. Mais de la même manière, personne ne nie, surtout pas dans la majorité, que pour positif que cela soit, les inégalités sociales et territoriales, le chômage, qui reste bien trop élevé, tout ce qui s'est cristallisé ces derniers mois dans la crise sociale et du pouvoir de vivre est loin, très loin d'être résolu.
S'il ne s'agit pas de changer de cap, il est impératif d'aller beaucoup plus loin, plus fort, plus vite, pour s'attaquer à ce que ce programme de stabilité relève comme étant les faiblesses structurelles de notre pays. Je pense notamment aux difficultés d'insertion des jeunes et des personnes peu qualifiées sur le marché du travail ; je pense à la permanence d'inégalités socio-scolaires plus fortes en France qu'à l'étranger ; je pense encore à l'accès inéquitable à la santé et au logement, au décrochage de certains territoires de vie de millions de Français, situés à l'écart des métropoles ou des centres dynamiques, mais où les inégalités sont également très fortes.
Dans cette situation, un double défi s'impose à nous. Premièrement, d'ici à 2022, la conjoncture économique européenne et mondiale risque de durcir l'équation. Pas que pour nous ! Regardons l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne ! Regardons en face les risques de déréglementation sur les continents américain et asiatique ! N'attendons pas une nouvelle crise mondiale sans nous préparer à réagir ! Deuxièmement, nous avons ici, en France, la spécificité de connaître un niveau de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires particulièrement élevé. C'est le produit d'une longue histoire collective, à laquelle toutes les forces politiques de cet hémicycle ont participé. Il faut d'ailleurs nous en honorer, puisque cette histoire a permis d'atteindre nos grandes priorités nationales d'éducation, de santé, de protection sociale, de recherche, d'énergie et, aujourd'hui, d'écologie, mais elle ne produit plus de solidarité et ne porte plus la croissance.
Il ne s'agit donc pas de se lancer des anathèmes ou de se faire donneurs de leçons sitôt que l'on siège dans l'opposition. En moins de vingt ans, les dépenses publiques ont augmenté de 2 % par an entre 2002 et 2007, de 1,4 % entre 2007 et 2012 et de 1 % entre 2012 et 2017, sans que les Français ne ressentent une amélioration des services publics – sinon, nous n'en serions pas là !
Dans le même temps, faute de croissance et d'un niveau d'emploi de masse, les prélèvements obligatoires n'ont cessé d'augmenter. Ils sont à présent supérieurs de sept points de PIB à la moyenne de la zone euro et de huit points de PIB à celle de l'Union européenne.
Dès lors, nous avons la responsabilité collective et de répondre aux besoins des Français, et de réduire la charge de la dette ainsi que le déficit public de la France. L'exercice est tellement difficile qu'il a souvent été remis à plus tard, faute – notamment lors du précédent quinquennat – de disposer de majorités cohérentes et courageuses.