Intervention de Pierre-Yves Bournazel

Séance en hémicycle du lundi 6 mai 2019 à 16h00
Création du centre national de la musique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Bournazel :

Nous abordons cet après-midi l'examen de la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique.

La musique est la première pratique culturelle des Français. Elle est un vecteur de plaisir et d'émotions puissantes, aussi bien collectives qu'individuelles. Chacun de nous a une chanson préférée, un air qui le ramène à des souvenirs ou qui le transporte vers un nouvel imaginaire.

La musique est aussi un secteur économique dynamique, qui participe de notre modèle culturel. En France, elle génère 240 000 emplois et quelque 9 milliards d'euros. On sait pourtant que ce secteur a subi un bouleversement profond. La révolution du numérique a profondément perturbé la chaîne de la valeur. Entre 1999 et 2014, le chiffre d'affaires mondial de la musique enregistrée est ainsi tombé de 24 milliards d'euros environ à un peu plus de 14 milliards d'euros, du fait de l'explosion du piratage.

Désormais, il représente une forme de modèle et d'espoir pour d'autres secteurs, dans la façon d'effectuer une régulation efficace. L'essor du streaming constitue ainsi un potentiel de développement. Selon plusieurs prévisions, le chiffre d'affaires mondial de la musique enregistrée devrait plus que doubler dans les années à venir.

En plus de favoriser les conditions du dynamisme économique de la filière musicale, notre rôle consiste d'abord à assurer la qualité et la diversité de la création, ainsi qu'à promouvoir la chanson francophone et son rayonnement dans le monde. Les 300 millions de francophones représentent un enjeu et un atout majeurs. Le développement du secteur musical français participe du rayonnement de la richesse de notre langue et de notre culture. Par-delà l'éclat de notre culture, la francophonie diffuse des valeurs universelles et fondamentales, notamment celles de notre devise républicaine.

La création du Centre national de la musique était très attendue. Nous saluons donc les dispositions de cette proposition de loi, d'autant plus, monsieur le ministre, que c'est un domaine que vous connaissez bien – même parfaitement – puisque vous avez corédigé un rapport sur ce sujet dès 2011.

En regroupant trois structures existantes – le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles et le Fonds pour la création musicale – , l'État sera en mesure de porter une vision stratégique et de fédérer l'ensemble des acteurs dans l'accomplissement de celle-ci.

L'adoption des amendements que j'ai présentés lors des débats en commission a permis d'incorporer expressément non seulement la variété mais également le soutien à la création musicale dans les missions du Centre national de la musique. Nous nous en réjouissons.

Nous avons été nombreux à exprimer la nécessité d'accueillir le Bureau export de la musique française au sein du Centre national de la musique, et plusieurs à déposer des amendements en ce sens, qui ont malheureusement été déclarés irrecevables en commission. C'est pourquoi nous vous enjoignons, monsieur le ministre, à satisfaire cette demande maintenant afin de veiller à la complétude des missions du CNM.

L'examen du texte en commission a été l'occasion d'adjoindre au conseil d'administration un conseil de professionnels. Si nous ne sommes pas opposés à la création de ce conseil supplémentaire, nous nous demandons s'il n'eût pas été plus simple de représenter correctement les professionnels au sein du conseil d'administration. Ce conseil de professionnels amène d'autres interrogations : quelle sera son articulation avec le conseil d'administration ? Quelles seront ses prérogatives ?

Nous soutenons toutes les initiatives participant d'une intégration des territoires dans la définition des politiques publiques. Ainsi, le travail en commission a permis d'associer des collectivités territoriales à l'exercice des missions du Centre national de la musique. Le groupe UDI, Agir et indépendants considère que toute politique publique n'associant pas les territoires est vouée à l'échec. Ces derniers sont riches d'une volonté sans faille et d'un vrai dynamisme. Ils sont indispensables à la convergence des intelligences et à la mise en place des politiques publiques au plus près des citoyens.

Nous appelons de nos voeux une large réflexion sur les différents crédits d'impôt relatifs à la culture. La culture n'est pas un secteur économique comme les autres ; c'est une activité de risque à l'équilibre fragile et bien précaire. Pour préserver la qualité et la vitalité de notre modèle, il nous paraît essentiel d'inciter à la prise de risque de création. Il ne faut pas envisager les crédits d'impôt culturels de façon comptable, comme de simples niches fiscales, mais comme des instruments performants pour favoriser les investissements culturels et la création d'emplois dans notre pays. Nous aimerions connaître la réflexion du ministère de la culture sur les crédits d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres phonographiques et sur les crédits d'impôt pour le spectacle vivant musical, afin que l'effort de l'État se traduise réellement en gain pour l'ensemble des acteurs de la culture.

Si nous partageons l'initiative de la création d'un Centre national de la musique, il nous semble indispensable de prévoir une évaluation objective de celui-ci dans l'exercice de ses missions. Ainsi, comment l'évaluation objective des missions du CNM sera-t-elle réalisée concrètement ?

En lien avec les professionnels du secteur, notre groupe a souhaité déposer certains amendements afin d'enrichir le texte, pour que le futur Centre national de la musique soit le plus opérationnel et le plus représentatif possible.

Dans cette optique, nous défendrons un amendement visant à la nomination du président du Centre national de la musique par le ministre de la culture, sur une ou plusieurs propositions du conseil d'administration.

Nous souhaiterions profiter de cette discussion pour que vous puissiez apporter des précisions quant à la gouvernance et au financement du Centre. Les acteurs de la filière et nous-mêmes avons besoin de plus de visibilité et de lisibilité sur ce point. C'est notamment le cas concernant la composition du conseil d'administration. Comment les acteurs de la musique y seront-ils représentés ? Des représentants de l'État y siégeront-ils ? Encore une fois, ne serait-il pas plus aisé d'y représenter les professionnels de manière satisfaisante plutôt que d'y adjoindre un conseil supplémentaire ?

Ensuite, quelles seront les modalités de fusion des organismes à l'origine de la création du Centre national de la musique ? Comment le CNM s'articulera-t-il avec les directions régionales des affaires culturelles ?

Enfin, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur le financement des missions du Centre national de la musique ? En commission, le rapporteur a bien insisté sur le fait qu'un second volet serait ouvert sur le financement du Centre national de la musique durant l'examen du prochain projet de loi de finances. Sur ce point, quels engagements le Gouvernement peut-il prendre ?

Nous nous réjouissons en outre de la création d'un organisme qui soit en mesure de répondre aux défis contemporains du secteur de la musique. Je rappelle que préserver la diversité de la création constitue pour nous une priorité, alors que se développe un mouvement de globalisation et de concentration des acteurs, et que la concurrence s'accroît. Nous croyons à la filière musicale, nous croyons à notre capacité à exporter nos oeuvres et nos artistes à l'international. Pour nous, c'est aussi une priorité.

Notre groupe aborde donc favorablement l'examen de la proposition de loi, susceptible d'insuffler une nouvelle dynamique au soutien de la filière musicale. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, et, bien sûr, monsieur le ministre, nous vous remercions surtout de votre engagement. Nous serons à vos côtés pour avancer, dans l'intérêt général.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.