C'est une autre question, monsieur Lurton, mais la situation est bien celle-ci. Je suis convaincu que personne ici ne veut adopter un amendement Creton de l'aide sociale à l'enfance.
C'est pour cette raison, madame la rapporteure, que vous avez estimé nécessaire de retravailler l'article 1er, non pour en atténuer les effets, bien au contraire, mais pour le préciser, pour l'enrichir, pour le renforcer, pour lui donner ses pleins effets, au bénéfice des jeunes et de leur autonomie.
La vision que nous souhaitons porter ensemble aujourd'hui est celle du renforcement de l'anticipation concrète de l'arrivée à la majorité des jeunes : il faut qu'au plus tard aux 17 ans du jeune, un projet global ait été construit pour préparer sa majorité.
Cette vision, c'est celle d'un accompagnement socle obligatoire pour chaque jeune en situation de vulnérabilité, qui soit l'objet d'un engagement réciproque entre le département et le jeune, avec un accès aux droits et à la santé, une orientation professionnelle et socio-professionnelle adaptée, un accompagnement éducatif le cas échéant. Et j'insiste sur un point car c'était notre point de départ : pour que cessent les mises à la rue des jeunes de l'aide sociale à l'enfance, nous avons instauré une obligation de logement, en plus des autres engagements qui pèsent sur les départements.
La vision que nous portons ensemble aujourd'hui est enfin celle de la mobilisation de l'État et des différentes politiques ministérielles auprès des départements qui portent cette compétence.
Chaque jour qui passe, quand je me déplace dans les territoires, quel que soit mon interlocuteur, je tiens le même discours : chacun doit être au rendez-vous de ses responsabilités.
Les départements doivent être au rendez-vous de leurs responsabilités. Ils ont celle d'accompagner ces jeunes vers l'autonomie, avant leurs 18 ans, mais aussi au-delà au regard de l'investissement humain et social que représentent ces jeunes.
Mais l'État doit également être au rendez-vous de ses propres responsabilités et de ses propres compétences. C'est vrai quand il s'agit de leur santé, c'est vrai quand il s'agit de leur scolarité. Mais c'est aussi vrai lorsqu'il s'agit de leur accès aux études supérieures, de leur insertion professionnelle ou encore de leur accès au logement, bref de leur autonomie.
Entendons-nous bien : l'horizon pour les jeunes de l'aide sociale à l'enfance, ce n'est ni plus ni moins que le droit commun, donc la mise en branle des dispositifs de l'État. L'État doit ainsi être mobilisé pour accompagner ces jeunes vers le droit commun.
Je peux d'ores et déjà vous dire trois choses.
D'abord, que l'ensemble des ministres concernés, à commencer bien évidemment par Agnès Buzyn, mais également Julien Denormandie, Muriel Pénicaud, Jean-Michel Blanquer ou Frédérique Vidal se sont mobilisés sur cette proposition de loi – je pense que Mme la rapporteure peut en témoigner – et le sont dans le cadre de la concertation en cours.
Ensuite que je serai le fer de lance de la mobilisation des services de l'État sur le terrain en lien avec mes collègues du Gouvernement, car la loi restera lettre morte si elle ne s'accompagne pas d'une énergie et d'une mobilisation au niveau local. C'est tout le sens de l'article 1er bis qui prévoit la mise en place d'une commission des acteurs concernés dans le suivi des actions menées : le département, la région, les missions locales, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires, le CROUS, les associations qui accompagnent les jeunes, les services de l'État, de la caisse d'allocations familiales, de la caisse primaire d'assurance maladie. Mais c'est aussi le cas d'un certain nombre de dispositions dans le texte : je pense notamment à l'accès prioritaire au logement social.
Enfin, je vous annonce solennellement ici que l'État accompagnera les jeunes et les départements dans cet accès vers l'autonomie, en mobilisant près de 50 millions d'euros supplémentaires chaque année, en plus des 12 millions déjà prévus dans le cadre du Plan de prévention et de lutte contre la pauvreté.
Ainsi plus de 60 millions seront mobilisés chaque année pour lutter contre les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance. Que les choses soient claires car je ne souhaite pas que se propagent de fausses informations : le texte, si tant est que vous le votiez, rend bien obligatoire la conclusion de ces contrats d'accès à l'autonomie. L'accès au logement relève aussi d'une obligation légale. En revanche, l'État soutiendra financièrement les départements dans le cadre de la contractualisation.
Mesdames et messieurs les députés, nous sommes là, tant au niveau du fond que de la méthode, au coeur de la promesse présidentielle, rappelée une nouvelle fois par le Président de la République jeudi 25 avril, lors de la conférence de presse qu'il a tenue pour conclure le grand débat national.
Pour ce qui est du fond, nous traitons de l'enfance, là où tout se joue, là où se forgent les inégalités de destin, là où nous devons agir, à la racine, pour donner à chacun les outils de l'autonomie et de l'émancipation, afin de rétablir l'égalité des chances.
Quant à la méthode, il nous appartient d'agir différemment, probablement dans une coconstruction entre le Parlement et le Gouvernement comme en témoigne cette proposition de loi, mais aussi dans la relation entre l'État et les départements, où chacun doit jouer son rôle et être au rendez-vous de ses compétences et de ses responsabilités sociales.
Ce texte, que j'espère voir adopté pour qu'il puisse être discuté au Sénat, me semble à la hauteur de cet équilibre exigeant.
Réjouissons-nous de la discussion que nous aurons ce soir et demain car cette proposition de loi comprend des avancées notables et, surtout, en annonce encore de nombreuses dans les semaines et les mois à venir.