Intervention de Alexis Corbière

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Je m'étonne moi aussi de l'absence du ministre de la culture lors de cette réunion de notre commission : il me semble qu'eu égard au caractère exceptionnel de la loi que nous examinons, il aurait pu procéder à un aménagement exceptionnel de son agenda – cela dit, je n'insisterai pas davantage sur ce point, déjà évoqué.

Si nous avons tous été choqués et bouleversés par l'incendie du 15 avril, c'est parce qu'il touchait un lieu ayant pour certains de nos concitoyens une dimension cultuelle, mais aussi et surtout un lieu symbolisant le triomphe de l'intelligence humaine sur l'obscurantisme. C'est pour nous ce qu'incarne Notre-Dame de Paris : le fait que des milliers d'êtres humains, d'ouvriers, ont construit un bâtiment qui magnifiait à sa façon le génie de l'intelligence humaine : c'est sans doute à cette promesse qu'il nous faut rester fidèles aujourd'hui.

Notre-Dame incarnait l'entrée dans un temps nouveau, l'entrée dans un nouveau millénaire et, puisque nous sommes également à l'entrée d'un nouveau millénaire, nous devons nous aussi respecter les promesses que symbolise ce bâtiment. Quelles que soient les circonstances, nous devons rester fidèles à la volonté d'incarner un temps nouveau, celui où il faut désormais respecter l'environnement, des règles sociales, des règles éthiques de construction, des règles éthiques et démocratiques de délibération.

C'est la raison pour laquelle nous désapprouvons – ce sera l'objet de certains de nos amendements – le caractère de loi d'exception que présente le texte qui nous est soumis. Si nous pouvons comprendre l'émotion provoquée par cet événement exceptionnel qu'a été l'incendie de Notre-Dame, nous regrettons que le Gouvernement joue sur les sentiments des Français, comme il l'a déjà fait en d'autres occasions, pour leur faire admettre la nécessité d'adopter des lois dérogeant aux principes de droit commun.

C'est tout le sens de la critique que nous portons notamment sur l'article 9 : nous ne sommes pas favorables aux nombreuses dérogations qu'il prévoit et qui permettront de dévoyer et de contourner les règles d'urbanisme, de protection de l'environnement, de voirie, de participation du public, d'archéologie préventive ou de commandes publiques. Ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder, mais bien en réaffirmant que c'est dans le cadre de la loi, en respectant les règles, que nous pouvons avancer.

Pas de vanité ! Ce bâtiment a été construit en près de 850 années et a connu de nombreuses évolutions. Ce n'est donc pas en imposant de façon arbitraire un agenda pour les travaux de restauration que nous serons fidèles à ce qu'il représente. Quelle est la raison d'être de cet agenda fixant une échéance butoir à cinq ans, si ce n'est la tenue des Jeux olympiques à Paris en 2024 ? Ainsi, pour ces Jeux incarnant bien davantage la toute-puissance de l'argent roi que la beauté du sport, nous devrions trahir du jour au lendemain tout ce que représentent les 850 années d'existence de Notre-Dame ? Au nom d'un agenda commercial, devrions-nous renier les règles que nous nous sommes fixées ?

Enfin, il nous semble qu'une contribution obligatoire devrait être mise en place, que ce soit par le rétablissement de l'impôt sur la fortune ou par la création d'un autre impôt, afin que les plus fortunés, ceux qui ont la chance de s'enrichir grâce au travail que fournissent nombre de nos concitoyens, puissent venir compléter le budget du ministère de la culture pour l'entretien du patrimoine dans de meilleures conditions que celles résultant de cette espèce de contribution momentanée organisée sous la forme d'une souscription, dont le succès montre que nombre de nos concitoyens ont compris que le ministère de la culture dispose en réalité de bien peu de moyens. Ce sera le sens de plusieurs amendements que nous défendrons tout à l'heure.

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