Intervention de éric Morvan

Réunion du mardi 9 avril 2019 à 14h00
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

éric Morvan, directeur général de la police nationale :

Je suis accompagné par M. Gérard Clerissi, l'homme des ressources et des compétences de la police nationale – son « Monsieur finances, effectifs et social » – et de M. Antoine Salmon, mon chef d'état-major, qui représente la sphère opérationnelle de la police nationale. Nous espérons que, sous cette forme, nous pourrons contribuer à vos travaux.

En guise de propos liminaire, je préciserai de quelle façon les réflexions que nous menons sur notre environnement et ses évolutions nous conduisent à imaginer les axes d'une réforme opérationnelle structurante de la police nationale.

Plusieurs évolutions très importantes sont en cours, qui nous paraissent déterminantes pour mener notre réflexion stratégique. La population, qui est en pleine croissance, se concentre de plus en plus dans les agglomérations et leurs banlieues – ce phénomène démographique n'est pas spécifiquement français mais mondial.

Par ailleurs, notre société est marquée par les violences contre les personnes, qui sont en augmentation, comme nous pouvons tristement le voir à l'occasion des manifestations sur la voie publique.

Autre évolution : la mutation de la grande criminalité, fortement marquée par le trafic des produits stupéfiants à une échelle internationale, laquelle irrigue la criminalité et la délinquance locales, marquées par le deal de proximité et l'économie souterraine associée, qui déstabilisent profondément des quartiers déjà touchés par une fracture sociale, enracinée de longue date, et suscitent une concurrence territoriale sanglante. J'ai coutume de dire que, sur une période de moyen terme, le trafic de stupéfiants a plus tué que le terrorisme. Aussi surprenants qu'ils paraissent, ces chiffres doivent nous rappeler qu'il faut lutter avec la plus grande énergie contre ce phénomène ravageur. Une criminalité économique et financière rémunératrice se développe également, à l'échelle internationale, tandis que l'opinion et les instances internationales s'élèvent de plus en plus contre la corruption.

Nous faisons aussi face à une pression migratoire irrégulière inédite, qui soulève des difficultés d'intégration et d'acceptation sociale, et tend au développement des phénomènes de communautarisation d'ores et déjà existants, pouvant, à terme, déstabiliser les valeurs fondatrices de la République – il n'est que de voir ce qui se passe dans un certain nombre de pays qui nous entourent.

La menace terroriste islamique est prégnante, dotée désormais d'une forte composante endogène et généralisée à l'ensemble du territoire. Les actes de terrorisme ne sont pas réservés à Paris ni à l'agglomération parisienne.

Le développement exponentiel du numérique offre un nouveau terrain lucratif aux faits criminels de toute intensité et impose aux forces de sécurité une adaptation permanente de leurs outils et de leur pratique.

Cette mondialisation de la criminalité exige que l'analyse des faits, comme la réponse opérationnelle, relèvent d'une stratégie définie au niveau national, en étroite association avec nos partenaires européens et internationaux.

Par ailleurs, la judiciarisation croissante de la société et la construction d'un cadre juridique de plus en plus contraignant, fruit de la conjugaison des règles nationales et européennes, complexifient l'investigation et embolisent les services. Le droit pénal européen, d'inspiration anglo-saxonne, est assez radicalement différent du nôtre, ce qui ne fait qu'ajouter à la complexité.

Nous assistons également à une évolution des rapports sociaux au sein de la société tout entière et, partant, de la police nationale, qui appelle une modernisation des organisations, des méthodes et du management des équipes : les policiers d'il y a trente ans ne sont pas ceux que nous recrutons aujourd'hui.

Autre changement : la défiance d'une fraction de la population vis-à-vis des forces de sécurité en général, et de la police en particulier. Elle ne doit pas masquer la confiance que lui accordent régulièrement plus des trois quarts de la population, lorsqu'elle est sondée. Cette opinion très largement favorable et cette confiance largement accordée à la police nationale et à la gendarmerie nationale ne doivent cependant pas nous faire oublier les critiques émises par ceux qui ne nous aiment pas, mais aussi par ceux qui apprécient notre travail : une qualité d'accueil perfectible ; une disponibilité aléatoire ; une connaissance imparfaite du terrain et de ses habitants en raison de mutations trop rapides ; une agressivité ou encore des contrôles parfois jugés discriminatoires.

Face à ces défis, la police nationale doit s'adapter, réformer ses structures et ses méthodes. L'utilisation et la mise en oeuvre de ses ressources dans un cadre budgétaire par définition contraint doivent nous conduire à rechercher non seulement plus d'efficacité, qui fait l'objet de notre quête de chaque jour, mais aussi une plus grande efficience dans l'utilisation des moyens à notre disposition – la logique du toujours plus ne saurait en effet constituer un motif de satisfaction, encore moins une demande récurrente, sans que nous ne nous interrogions sur la manière dont ces moyens sont utilisés.

Nous devons nous rendre plus disponibles pour la population ; mieux adapter la couverture géographique du territoire à la démographie ; repenser l'organisation de la police nationale, en valorisant ses missions opérationnelles. Telles sont les grandes lignes de notre réflexion. Quand vous rencontrerez les directeurs centraux de la police nationale, vous aurez l'occasion de vous faire préciser, pour chacune des spécialités, les éléments qui vous sont nécessaires.

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