Il faudrait revenir à quatre sections, c'est clair, et nous nous y travaillons, mais cela prendra évidemment du temps. En tout état de cause, je pense qu'il va falloir – et il peut y avoir là une petite divergence non pas d'analyse, mais de tradition, de doctrine, entre police nationale et gendarmerie nationale – réfléchir au fait que les forces territoriales, c'est-à-dire les forces de police et de gendarmerie installées sur le territoire à titre principal, donc hors force mobiles, devront prendre une part de la problématique de l'ordre public.
C'est complètement le cas dans la police nationale. N'importe quel policier de sécurité publique sait que l'ordre public entre dans le champ de ses missions, qu'il aura, à un moment ou à un autre de sa carrière, à faire de l'ordre public dans son commissariat. C'est moins vrai pour les gendarmes, mais je peux le comprendre, car nous n'avons pas le même terrain d'action, et il est normal que les postures opérationnelles ne soient pas les mêmes. Ils considèrent pour leur part que l'ordre public relève d'une grande spécialisation, et que ces missions reviennent à la gendarmerie mobile ou, pour nous policiers, aux CRS, et que les forces territoriales n'ont pas vocation à faire de l'ordre public.
Je pense que ce que nous vivons aujourd'hui va sans doute nous obliger à faire bouger les lignes et à faire en sorte que la puissance publique – je ne parle pas de police et de gendarmerie, mais de l'autorité publique – puisse s'exprimer sur l'ensemble du territoire, le temps que des forces plus puissantes ou plus constituées arrivent. Mais il nous faut prendre en compte le fait que désormais nous ne disposerons peut-être pas toujours du temps des trois jours de la déclaration qui permettent de programmer un déplacement de gendarmes mobiles ou de CRS, et qu'il faudra répondre vite et de manière évidemment proportionnée, au moins pour figer une situation avant que des renforts arrivent.
C'est là, à mon sens, un élément fondamental que le schéma national du maintien de l'ordre devra aborder. Ce sont des travaux que nous menons actuellement au sein du ministère de l'intérieur, au-delà de la question de l'armement, des lanceurs d'eau, de la manière de mieux faire comprendre les sommations, etc.
Tout cela relève du schéma national du maintien de l'ordre, de la même façon que nous avons établi un schéma national d'intervention (SNI) en cas d'attaques terroristes ou de périples meurtriers, qui là aussi déterminent le rôle de chacun depuis le plus haut du spectre, c'est-à-dire le RAID ou le GIGN, jusqu'aux policiers et aux gendarmes de terrain, en passant par des unités dont ce n'est pas complètement le métier mais qui peuvent se spécialiser, comme les CRS, les BRI, les PSIG, etc.
Chacun a un rôle, et chacun peut avoir dans la chaîne une partie de la compétence pour mettre un terme à un fait terroriste ou à un périple meurtrier. Je considère que cette façon de concevoir les choses doit être adaptée à l'ordre public ; en tout cas ce que nous voyons aujourd'hui nous contraint à raisonner ainsi.