Engie partage la déception des professionnels que vous évoquez, liée à une baisse d'ambition en matière de biogaz. Le gisement de biogaz en France est colossal. Une étude très sérieuse et exhaustive de l'ADEME, effectuée voici deux ou trois ans, montre que ce gisement dépasse nos besoins en biogaz. La question est de parvenir à mobiliser le monde agricole et à lui faire prendre conscience de l'intérêt de participer à cette nouvelle action collective de l'agriculture, impliquant de se rassembler pour acheminer si possible la ressource au point d'injection. Or ce n'est pas encore acquis dans le monde agricole. Il faut sensibiliser nos agriculteurs à cet enjeu, notamment pour éviter qu'ils fassent du recyclage direct sur les exploitations, avec des instruments peu efficaces, assez dangereux et qui nous empêcheraient collectivement, nationalement, d'atteindre cet objectif de 10 %. Un long chemin reste donc à parcourir. Engie va essayer de travailler avec les territoires, en s'appuyant sur les représentants du monde agricole, les chambres d'agriculture, voire les élus, pour convaincre les agriculteurs de s'impliquer dans cette action collective de récolte des matières nécessaires et mises en oeuvre des cultures correspondantes. Cette démarche permet en effet de procéder à des cultures intermédiaires, dans des territoires comme la Beauce où les champs, inutilisés une fois que le blé a été récolté, pourraient fort bien être mis à profit pour faire des cultures intermédiaires destinées au biogaz, qui présenteraient par ailleurs l'avantage de piéger l'azote. Cela suppose une véritable révolution du monde agricole et des pratiques culturales. Nous avons ainsi conclu une alliance avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), afin de travailler sur les préconisations correspondantes.
Nous sommes donc quelque peu déçus que l'ambition nationale ait été revue à la baisse, passant de 10 % à 7 %. Nous n'étions pas demandeurs de cette évolution. Cela cache manifestement une décision budgétaire, visant à limiter les coûts pour la collectivité ; un objectif de 10 % a dû paraître trop cher dans les arbitrages. Ce point de vue est respectable, mais à budget identique, notre conviction est qu'il faut mettre en oeuvre cette démarche en début de période, et ce afin de faire le plus possible la démonstration que cela fonctionne pour entraîner ainsi le monde agricole et disposer d'outils de moins en moins chers. Aujourd'hui, les méthaniseurs viennent presque tous d'Allemagne, alors que l'on pourrait en fabriquer en France. Il faut créer cette filière, sur le modèle de ce qui a été mis en oeuvre pour les turbines de l'offshore. Investissons l'argent au début, déclenchons une baisse des prix et nous pourrons ensuite aller plus facilement vers l'objectif des 10 %.
Il faut en outre avoir en tête l'existence d'une solution européenne, bien que la question n'ait pas encore été abordée à cette échelle : cela concerne le taux d'incorporation obligatoire. Je vous rappelle qu'a été créée partout en Europe l'obligation de mettre dans l'essence ou le diesel des voitures un peu de biocarburants. Peut-être faudra-t-il un jour pour le gaz parvenir également à une obligation d'incorporation de biogaz dans les réseaux gaziers, de manière à inciter sans subvention à la création d'une filière permettant de satisfaire cette obligation. Aujourd'hui, ce sujet ne peut être traité qu'à l'échelle européenne ; la France ne peut prendre une telle décision isolément, d'autant que les réseaux sont européens.