Je n'ai pas mené de travaux dans le domaine de l'analyse ACV, même si je me suis renseigné. Seules des études parcellaires ont été conduites, car il est très difficile de faire des analyses ACV. En effet, cela impose de savoir d'où viennent et où vont tous les produits, comment ils ont été fabriqués et quelle est leur structure carbone. C'est assez compliqué. Je ne connais pas de document qui prendrait le cas de toutes les filières et qui ferait une analyse exhaustive. S'il est souhaitable qu'il y ait davantage de travaux sur l'ACV, il existe une complexité statistique. C'est la raison pour laquelle on calcule uniquement les émissions nationales de carbone.
Les Français, par exemple, émettent peu de CO2. Mais dans la mesure où ils achètent des produits avec beaucoup de CO2, il faudrait leur imputer la quantité de CO2 émise par la Chine lorsqu'elle a fabriqué ces produits que nous importons. Et, au contraire, défalquer le CO2 inclus dans nos exportations. Cela peut être effectué au cas par cas, mais il est très difficile de l'analyser globalement.
Concernant les rentes, on a souvent dit que les prix garantis d'achat ont eu un peu le même effet que la politique agricole commune (PAC). C'est d'ailleurs un argument que j'ai longuement développé dans un ouvrage. Au départ, la PAC est partie d'un bon sentiment. Il fallait des prix garantis élevés afin que les agriculteurs européens puissent vivre correctement de leur production. Il ne faut jamais oublier qu'à l'époque l'Europe était importatrice nette de produits agricoles. Un système d'écluse avait alors été mis en place : à chaque fois qu'un produit étranger entrait en Europe, il était taxé pour monter au niveau du prix européen ; et à chaque fois qu'un produit européen était vendu sur le marché international, on le subventionnait pour qu'il descende au niveau du prix international. C'était vertueux tant qu'il y avait plus de produits importés que de produits exportés – car il y avait plus de taxes que de subventions. Mais le jour où ce rapport s'est retourné, les agriculteurs ont continué à produire puisqu'ils avaient des prix garantis, sans que cela réponde à un besoin. Il a alors fallu subventionner massivement les excédents à l'exportation. C'est la raison pour laquelle une grande partie du budget européen passait dans les subventions aux exportations. On a donc abandonné ce système, en considérant qu'il valait mieux subventionner les agriculteurs en tant que tels, plutôt que les exportations.
Nous avons fait la même erreur avec les prix garantis d'achat, à la différence près que si le beurre se stocke, ce n'est pas le cas de l'électricité – et l'on a donc des prix négatifs. Il faut toutefois reconnaître que ce système a quand même eu des vertus, puisqu'il a permis de baisser les coûts de production des renouvelables. Il faut aussi dire que la Chine y a beaucoup contribué par le dumping, qui a mis en péril l'industrie européenne du photovoltaïque et, dans une moindre mesure, de l'éolien.
Par ailleurs, ont bénéficié de rentes ceux qui ont eu au départ des prix garantis très élevés alors qu'ils avaient des coûts relativement bas. Ces prix étaient qui plus est garantis sur quinze ans, sans que l'on ait prévu d'indexation. Il n'existe pas d'étude exhaustive sur les effets redistributifs, mais il est sûr que certains gros agriculteurs ont bénéficié de ce système. C'est le cas de ceux qui ont mis du photovoltaïque dans leurs champs, mais aussi du secteur tertiaire – les supermarchés comme les industriels, y compris les producteurs d'électricité. Ainsi, le groupe EDF a bénéficié du système, car il est également producteur d'électricité renouvelable, notamment par le biais de ses filiales.
La rente existe lorsque le revenu est totalement déconnecté du coût. Mais il était très difficile d'anticiper la chute des coûts de production du photovoltaïque, laquelle a été véritablement massive. Aujourd'hui, ces rentes ont tendance à disparaître. Les subventions n'ont d'ailleurs plus vraiment de raison d'être, sauf cas exceptionnel pour les particuliers qui veulent être aidés dans ce domaine – mais le prix du marché est suffisant.