Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

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Je vous prie d'excuser le président de la commission d'enquête, Julien Aubert, qui a été contraint de prendre un train plus tôt que prévu ce soir. Je vous prie également d'excuser le faible nombre de participants à cette audition, liée au fait que nous sommes en période de suspension parlementaire.

Pour clore notre journée d'auditions, nous recevons M. Jacques Percebois, professeur émérite à l'Université de Montpellier, économiste de l'énergie, coresponsable du pôle « Transitions énergétiques » à la chaire « Économie du climat » de l'université Paris-Dauphine.

Une étude récente commandée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) conclut à la possibilité d'un mix électrique presque totalement composé d'énergies renouvelables (EnR) : 85 % en 2050 et 95 % en 2060. Des études d'esprit comparable, mais réalisées avec d'autres modèles, concluent, elles, que les EnR ne peuvent économiquement évincer les centrales pilotables. Cela peut nous rendre perplexes quant aux choix politiques. En l'occurrence, le choix politique d'ignorer cette considération ne peut intervenir qu'en continuant à subventionner les EnR, même lorsque leur prix de revient moyen aura diminué. Ces subventions entraîneront un surcoût certain pour le consommateur. Ce constat entraîne plusieurs interrogations.

Les premières concernent l'apport de la science économique. Quelle est la robustesse de modélisations, dont l'un des paramètres relatifs au comportement du consommateur, par exemple, s'est fracassé sur la révolte fiscale ? L'universitaire doit-il se borner à prendre acte des choix publics, ou bien son rôle consiste-t-il à s'interroger sur leur rationalité ?

Ensuite, avec le recul, que l'économie politique et l'histoire économique nous apprennent-elles sur le lien entre énergie et croissance ?

Par ailleurs, sur la rationalité des choix d'investissements, que recouvrirait la distinction entre une énergie « ancienne » et une énergie « nouvelle » ? A-t-elle un même un sens ? Le choix n'est-il pas plutôt entre technologie éprouvée et innovation, par exemple en matière de stockage de l'électricité ?

En définitive, il nous intéresse de vous entendre sur la modélisation économique et sur les différentes études citées. Nous souhaitons également bénéficier de votre éclairage sur la rationalité des choix qui ont été effectués, au regard tant des études d'économie que vous avez conduites dans ce domaine que du lien avec le comportement des consommateurs.

Monsieur le professeur, nous allons d'abord vous écouter au titre d'un exposé liminaire de quinze minutes au maximum, avant un échange avec les membres de la commission.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment.

M. Jacques Percebois prête serment.

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Jacques Percebois

En tant qu'universitaire – je suis professeur émérite à l'université de Montpellier – je tenterai de vous donner un point de vue sur la rationalité de la politique énergétique, principalement centrée sur l'électricité.

Je préciserai d'emblée que lorsque l'on parle d'énergies renouvelables, il ne faut pas se limiter à l'électricité. En effet, il existe des renouvelables thermiques – je pense au bois, au biogaz ou au biocarburant – dont le rôle n'est pas négligeable aujourd'hui et peut devenir relativement important demain. Or, si l'on se focalise sur l'énergie électrique, on ne s'intéresse qu'à une partie de la politique énergétique. N'oublions pas qu'en prenant comme référence la consommation finale d'énergie en France, l'électricité ne représente que 23 % de la consommation, contre 20 % pour le gaz et 45 % pour les produits pétroliers. Par conséquent, si l'on veut réduire l'impact des émissions de gaz à effet de serre, il faut surtout penser au secteur des transports et au secteur domestique, et ne pas systématiquement se focaliser sur l'électricité.

En électricité, les renouvelables sont essentiellement l'hydraulique, qui représente 12,5 % de la production globale, le solaire à hauteur de 2 %, et l'éolien dont la part se chiffre à 5 % – soit un total de 19 % environ. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit qu'ils devraient représenter 40 % de la production d'électricité à l'horizon de 2030 et que, corrélativement, la part du nucléaire devrait passer de 72 % à 50 % à l'horizon de 2035. C'est un choix politique, conséquence de contraintes à la fois politiques, géographiques et historiques desquelles la politique énergétique française a toujours résulté. Et pour cause, la France n'a pas la chance d'avoir beaucoup de ressources naturelles. Après avoir mis fin à l'exploitation massive du charbon, il a donc fallu faire appel aux ressources nationales et l'indépendance énergétique s'est largement appuyée – en tout cas depuis les chocs pétroliers – sur l'électricité nucléaire. Cela a permis à notre pays de retrouver un taux d'indépendance non négligeable, puisque l'indépendance énergétique, en termes d'énergie primaire, est désormais de l'ordre de 50 %, contre à peine 25 % lors du choc pétrolier. Il me semblait important de le souligner.

Dans le même temps qu'on libéralisait le secteur de l'électricité en Europe, on a considéré – l'Europe dans son ensemble et chacun des États membres – qu'il fallait développer les renouvelables qui étaient des énergies décarbonées, en particulier les renouvelables électriques auxquelles je faisais référence. Puisque nous étions dans un contexte de marché, il a été décidé qu'il fallait faire une exception au marché en fixant des prix d'achat garantis – feed-in tariff. En principe, ceux-ci couvrent le coût de production, lequel est plus élevé que le prix du marché, permettant à celui qui produit de l'électricité renouvelable de développer le marché. Ces prix ont été fixés à un niveau assez élevé, et l'on n'avait pas anticipé que les coûts baisseraient aussi vite. De sorte que l'on s'est retrouvé avec des surcoûts relativement importants. Il faut bien voir que la différence entre le prix d'achat garanti aux producteurs d'électricité renouvelable et celui du marché de gros, fixé heure par heure sur un marché spot, c'est-à-dire un marché d'équilibre entre l'offre et la demande, est relativement conséquente. Elle a d'ailleurs entraîné des rentes pour certains, dans la mesure où ce système a été mis en place sans contrôle des quantités. On a fixé un prix sans vérifier que l'on avait toujours vraiment besoin de la quantité mise sur le marché. Le résultat est que le surcoût est financé par le consommateur d'électricité à travers la fameuse contribution au service public de l'énergie (CSPE). Et cette CSPE n'a pas cessé de croître, si bien que depuis 2017, on a fait une sorte de swap : la CSPE, qui est maintenant stabilisée et qui a été plafonnée à 22,50 euros par mégawattheure (MWh), est versée au budget général de l'État, et c'est une partie de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), en l'occurrence les produits pétroliers, qui finance désormais le surcoût des renouvelables. Et ce, pour une raison juridique. En effet, Bruxelles a considéré que la CSPE n'était pas conforme aux directives européennes. Je précise, en outre, qu'on l'appelle toujours CSPE alors qu'on devrait l'appeler taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Tout cela est assez complexe ! Toujours est-il que le consommateur paie la différence et que cette différence est assez importante puisqu'elle est de l'ordre de 5 milliards d'euros par an. La Cour des comptes, dans un rapport de 2018, a montré que si l'on faisait le cumul de tous les contrats signés jusqu'en 2040, cela représenterait tout de même 121 milliards d'euros, ce qui est loin d'être négligeable.

L'autre inconvénient de ce système est qu'on a assisté à un effet pervers sur le marché de gros. En effet, puisque cette électricité renouvelable est financée hors marché et injectée sur le marché de gros, elle fait baisser les prix de gros. Et paradoxalement, alors que le prix de gros baisse sur le marché spot, le prix payé par le consommateur final augmente – ce qui lui semble difficilement compréhensible. C'est la logique du fonctionnement du marché de gros, qui s'appuie sur ce que l'on appelle l'ordre de mérite – merit order – : on appelle les centrales en fonction de l'ordre de mérite, et le coût marginal, c'est-à-dire le prix auquel l'électricité participe aux enchères, est nul. Il y a même eu, parfois, des prix négatifs. C'est arrivé d'abord en Allemagne, mais quelques fois en France également. Encore récemment, des prix très légèrement négatifs ont été observés. On est obligé de payer quelqu'un pour vous débarrasser de cette électricité excédentaire ! Et pour cause, n'oublions pas que la contrainte de l'électricité est que l'on ne peut pas injecter plus qu'on soutire, ou soutirer plus qu'on injecte sur le réseau. Un équilibre physique doit être respecté.

Ce système a conduit à modifier les aides accordées aux renouvelables, dans un bon sens. Cela a été le cas en Europe. Ce sont les Allemands qui ont commencé, en considérant qu'il fallait progressivement abandonner les prix d'achat garantis soit au profit des feed-in premium, système dans lequel le producteur d'électricité vend au prix du marché mais obtient une prime en compensation, soit au profit des enchères. Les enchères constituent le meilleur système, qui est actuellement privilégié en France. Maintenant que les coûts de l'électricité renouvelable ont fortement chuté, ceux qui veulent injecter sur le réseau doivent participer à des enchères. C'est le cas pour les gros investissements dans des centrales solaires, de l'éolien terrestre ou de l'éolien en mer. En revanche, les particuliers qui installent des panneaux solaires sur leur toit n'ont pas la possibilité d'y participer.

Un autre système se développe également, le power purchase agreement (PPA), qui permet à certains gros consommateurs d'acheter directement à des producteurs d'électricité renouvelable. Il est assez populaire aux États-Unis et dans les pays nordiques. Je crois que c'est un bon système.

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Jacques Percebois

C'est un accord d'achat d'électricité Un gros consommateur qui souhaite montrer qu'il utilise de l'électricité renouvelable, par exemple, peut en acheter directement auprès d'un producteur. C'est le cas de Google qui, pour montrer qu'il utilise de l'électricité renouvelable, a passé un contrat bilatéral sur 10 ans avec un producteur d'électricité solaire, avec un prix fixé d'un commun accord. Cela évite de passer par la logique de prix garanti par l'État.

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Une entreprise publique avec un gros volume de consommation peut donc directement s'arranger sur le marché pour être fournie en électricité renouvelable sur une période donnée ?

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Jacques Percebois

Elle le négocie de façon bilatérale. Évidemment, compte tenu du pouvoir de négociation des acheteurs et des vendeurs, il importe que ces accords soient passés entre gros opérateurs. L'on ne verrait pas un particulier se lancer dans ce type d'opération. Ce système permet à l'acheteur de montrer qu'il est vertueux, puisqu'il achète de l'électricité renouvelable sur longue période. Certes, des clauses d'indexation peuvent être prévues, qui prévoient que l'accord soit revu périodiquement. Mais c'est un accord entre parties. Le contrat librement négocié. Les deux parties se mettent d'accord sur les règles du jeu. Je crois que c'est un bon système.

Je considère également qu'il est important de développer l'autoconsommation, tout en prenant garde de ne pas la surfinancer. À la différence de l'Italie ou de l'Allemagne, la France compte peu d'autoconsommateurs – environ 40 000. Dès lors qu'ils ne pourront pas, sauf exception, toujours utiliser l'électricité qu'ils produisent, les autoconsommateurs ont besoin du réseau. Souvent, on les aide à y rester connectés. C'est ainsi qu'ils sont exonérés de la CSPE et de certaines taxes, en France. Ils peuvent également être aidés pour acheter leur équipement. C'est vertueux, puisque cela permet de développer l'autoconsommation. Mais il ne faut pas sous-estimer le fait que ces aides sont financées par d'autres et que, par conséquent, tout le monde ne peut pas recourir à l'autoconsommation. En outre, lorsque l'autoconsommation se fera à grande échelle, il faudra que l'autoconsommateur, qui sera aussi autoproducteur, reste connecté au réseau, donc le finance de façon correcte.

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C'est la position de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), si je ne me trompe pas.

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Jacques Percebois

En effet, et elle est justifiée. Aujourd'hui en France – je vais y venir –le tarif d'accès au réseau est à 80 % fonction du kilowattheure (KWh) soutiré, et à 20 % seulement fonction de la puissance. Ainsi, un autoproducteur qui fait appel au réseau ne paie le réseau que lorsqu'il achète des KWh. Toutefois, il y reste connecté en permanence. Cela signifie qu'on lui garantit la puissance en permanence. Il existe donc un effet pervers : le consommateur modeste, qui n'a pas les moyens de mettre du photovoltaïque, paie le réseau tout le temps – il paie donc pour l'autre. C'est une subvention croisée.

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Je voudrais que M. Percebois termine son propos liminaire avant que nous passions aux questions.

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J'entends bien, mais les propos de M. Percebois sont très techniques. J'ai parfois besoin de détails complémentaires.

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Nous allons malgré tout procéder ainsi, comme nous l'avons fait avec toutes les personnes auditionnées.

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Jacques Percebois

Je pense que le développement de l'autoconsommation passera par une réforme du tarif d'accès au réseau de transport et, plus encore, au réseau de distribution dans la mesure où 95 % de l'électricité renouvelable est injectée sur ce réseau. Je suis prêt à y revenir pour en discuter.

Il faut aussi envisager de développer le stockage. Il existe deux systèmes principaux, le premier étant la batterie. Il est important que la France développe des batteries. Ce sera même une nécessité dès lors qu'il sera fait appel aux véhicules électriques. En l'occurrence, il faut que l'Europe et la France comprennent bien que l'avenir est probablement au véhicule électrique, lequel passe par une industrie des batteries. Si l'Europe ne met pas en place une industrie des batteries, son industrie automobile sera condamnée, à terme. Pour leur part, les Chinois ont compris qu'il fallait développer à grande échelle le véhicule électrique. Ainsi, parmi les dix premiers producteurs de batteries dans le monde se trouvent sept chinois, deux coréens et un japonais – aucun n'est européen. C'est la raison pour laquelle l'idée d'un « Airbus des batteries » est importante. En tout état de cause, nous sommes très en retard. D'autant que l'avantage des batteries pour les véhicules électriques est qu'elles peuvent servir dans une deuxième vie comme stockage d'électricité pour les particuliers.

L'autre système est le power to gas, qui consiste à faire l'électrolyse de l'eau quand il y a trop d'électricité renouvelable à certaines heures. Comme on ne sait pas la stocker autrement qu'en stockant de l'eau – c'est le rôle des barrages –, passer par l'hydrogène constitue une solution. Celui-là peut être injecté dans une certaine proportion dans le réseau de gaz ou être utilisé pour d'autres usages, par exemple pour la mobilité. D'aucuns pensent ainsi qu'il y a un avenir pour les véhicules à hydrogène. Un arbitrage politique sera important à effectuer dans le futur – j'ignore s'il le sera par le politique ou par le marché. Il y aura trois systèmes principaux : le véhicule électrique, le véhicule à gaz naturel, et le véhicule à hydrogène. Il existe déjà des trains à hydrogène, et l'on peut concevoir qu'il y ait de la place pour le véhicule à hydrogène. Reste à savoir quelle sera la part de marché de chacun des trois systèmes. Si je devais me prononcer, sans être devin dans ce domaine, je dirais que le véhicule électrique devrait s'imposer pour des raisons de facilité. C'est aussi lui qui fait actuellement l'objet d'investissements, notamment en Asie. En tout état de cause, il est important d'être conscient de la nécessité de faire du stockage.

Lorsqu'on étudie de façon plus générale la politique énergétique et l'insertion des renouvelables par rapport aux autres énergies, il faut aussi avoir conscience que, dans l'électricité aujourd'hui, on oppose un peu les énergies intermittentes – dites non-pilotables, car elles produisent quand il y a du soleil ou du vent – et les centrales pilotables, c'est-à-dire que l'on peut appeler quand on en a besoin, si l'on parvient à stocker.

Il faut aussi tenir compte d'autres facteurs, comme l'empreinte carbone. Cela impose de savoir d'où viennent les équipements. S'ils sont fabriqués en Asie à partir d'électricité carbonée et si l'on doit les transporter, le bilan carbone n'est pas très bon. Il importe donc d'avoir une vision d'ensemble, dite d'analyse du cycle de vie (ACV), et de tenir compte des impacts industriels, y compris, de façon indirecte, les emplois concernés. On peut aussi parler de la dépendance à l'égard de certains métaux et terres rares même si, à mon avis, cet élément n'est pas déterminant. Leur fourniture est actuellement largement dominée par la Chine – qui a fait beaucoup de dumping –, mais il existe un potentiel non négligeable un peu partout dans le monde. C'est plutôt une question de prix. Si l'on en a besoin, on saura aller en chercher. Enfin, un autre point important est le coût de l'intermittence. En l'occurrence, je considère que l'effort doit porter sur le coût du stockage.

Pour terminer mon propos, je serais tenté de considérer qu'il y a de la place pour un potentiel d'électricité renouvelable à côté de l'énergie nucléaire. Il faut bien avoir conscience que lorsqu'on remplace de l'électricité nucléaire par de l'électricité renouvelable, cela ne change rien sur le plan du bilan carbone. Et pour cause : on remplace du décarboné par du décarboné. Je pense donc que l'atout de la France reste son parc nucléaire qui, à l'horizon 2035, doit couvrir environ 50 % de la production d'électricité.

Je pense aussi que la grande révolution industrielle que l'on attend sera celle du stockage.

Une autre question se posera nécessairement aux économistes et aux politiques : celle de l'arbitrage entre les grands réseaux interconnectés et les petits réseaux locaux. Aujourd'hui, il est tentant de favoriser les microgrids, qui permettront à chacun de produire de l'électricité dans son coin et de la diffuser au travers de blockchains. Mais il ne faut pas perdre de vue que les grands réseaux interconnectés à l'échelle européenne, et peut-être demain à l'échelle mondiale, ont aussi des vertus – ne serait-ce que celle du foisonnement : la puissance installée sur le réseau est nettement inférieure à la somme des puissances locales. En effet, tout le monde n'appelle pas le réseau au même moment et à pleine puissance. On joue donc sur la loi des grands nombres. On n'a pas besoin d'un réseau qui serait la somme de tous les contrats signés par tous les Français. Heureusement, parce que l'on tient compte du foisonnement, la puissance installée en France est très inférieure à la somme de toutes les puissances installées chez les particuliers et les industriels.

Enfin, et c'est peut-être le point le plus important, une vision industrielle des choix énergétiques est indispensable en particulier dans le domaine de l'électricité renouvelable même si l'on peut aussi l'avoir pour le nucléaire. Peut-être d'ailleurs que le fait de réduire un peu la voilure en matière de nucléaire est une opportunité, en fermant certaines centrales, d'en construire d'autres plus performantes. Le savoir-faire industriel français peut être valorisé, de ce point de vue, à la fois dans le domaine des renouvelables et dans celui du nucléaire.

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Je vous remercie. J'ai plusieurs questions, concernant notamment votre dernier point. Vous considérez qu'il convient d'avoir une vision ACV et de prendre en compte l'empreinte carbone dans l'ensemble du cycle de vie. Avez-vous effectué des comparaisons entre les filières, de l'achat jusqu'au démantèlement et à la gestion des déchets ?

Par ailleurs, vous avez parlé de rentes. Qui en a bénéficié, précisément ? Est-ce le cas de structures françaises ? Ont-elles généré de l'emploi ?

Enfin, existe-t-il une relation entre le prix de l'énergie et la croissance ?

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Jacques Percebois

Je n'ai pas mené de travaux dans le domaine de l'analyse ACV, même si je me suis renseigné. Seules des études parcellaires ont été conduites, car il est très difficile de faire des analyses ACV. En effet, cela impose de savoir d'où viennent et où vont tous les produits, comment ils ont été fabriqués et quelle est leur structure carbone. C'est assez compliqué. Je ne connais pas de document qui prendrait le cas de toutes les filières et qui ferait une analyse exhaustive. S'il est souhaitable qu'il y ait davantage de travaux sur l'ACV, il existe une complexité statistique. C'est la raison pour laquelle on calcule uniquement les émissions nationales de carbone.

Les Français, par exemple, émettent peu de CO2. Mais dans la mesure où ils achètent des produits avec beaucoup de CO2, il faudrait leur imputer la quantité de CO2 émise par la Chine lorsqu'elle a fabriqué ces produits que nous importons. Et, au contraire, défalquer le CO2 inclus dans nos exportations. Cela peut être effectué au cas par cas, mais il est très difficile de l'analyser globalement.

Concernant les rentes, on a souvent dit que les prix garantis d'achat ont eu un peu le même effet que la politique agricole commune (PAC). C'est d'ailleurs un argument que j'ai longuement développé dans un ouvrage. Au départ, la PAC est partie d'un bon sentiment. Il fallait des prix garantis élevés afin que les agriculteurs européens puissent vivre correctement de leur production. Il ne faut jamais oublier qu'à l'époque l'Europe était importatrice nette de produits agricoles. Un système d'écluse avait alors été mis en place : à chaque fois qu'un produit étranger entrait en Europe, il était taxé pour monter au niveau du prix européen ; et à chaque fois qu'un produit européen était vendu sur le marché international, on le subventionnait pour qu'il descende au niveau du prix international. C'était vertueux tant qu'il y avait plus de produits importés que de produits exportés – car il y avait plus de taxes que de subventions. Mais le jour où ce rapport s'est retourné, les agriculteurs ont continué à produire puisqu'ils avaient des prix garantis, sans que cela réponde à un besoin. Il a alors fallu subventionner massivement les excédents à l'exportation. C'est la raison pour laquelle une grande partie du budget européen passait dans les subventions aux exportations. On a donc abandonné ce système, en considérant qu'il valait mieux subventionner les agriculteurs en tant que tels, plutôt que les exportations.

Nous avons fait la même erreur avec les prix garantis d'achat, à la différence près que si le beurre se stocke, ce n'est pas le cas de l'électricité – et l'on a donc des prix négatifs. Il faut toutefois reconnaître que ce système a quand même eu des vertus, puisqu'il a permis de baisser les coûts de production des renouvelables. Il faut aussi dire que la Chine y a beaucoup contribué par le dumping, qui a mis en péril l'industrie européenne du photovoltaïque et, dans une moindre mesure, de l'éolien.

Par ailleurs, ont bénéficié de rentes ceux qui ont eu au départ des prix garantis très élevés alors qu'ils avaient des coûts relativement bas. Ces prix étaient qui plus est garantis sur quinze ans, sans que l'on ait prévu d'indexation. Il n'existe pas d'étude exhaustive sur les effets redistributifs, mais il est sûr que certains gros agriculteurs ont bénéficié de ce système. C'est le cas de ceux qui ont mis du photovoltaïque dans leurs champs, mais aussi du secteur tertiaire – les supermarchés comme les industriels, y compris les producteurs d'électricité. Ainsi, le groupe EDF a bénéficié du système, car il est également producteur d'électricité renouvelable, notamment par le biais de ses filiales.

La rente existe lorsque le revenu est totalement déconnecté du coût. Mais il était très difficile d'anticiper la chute des coûts de production du photovoltaïque, laquelle a été véritablement massive. Aujourd'hui, ces rentes ont tendance à disparaître. Les subventions n'ont d'ailleurs plus vraiment de raison d'être, sauf cas exceptionnel pour les particuliers qui veulent être aidés dans ce domaine – mais le prix du marché est suffisant.

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Faut-il les aider ? Est-il pertinent de subventionner des petites productions ?

Vous avez également évoqué le système des enchères et des appels à projets pour les grosses installations. Il existe encore des projets d'éolien terrestre, qui passent systématiquement en dessous de la barre de l'appel d'offres ou des enchères. Est-il intéressant de conserver des projets de cette nature, d'un point de vue économique ?

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Jacques Percebois

La barre est fixée au niveau européen à 500 kilowatts (KW). En dessous, il y a toujours des feed-in tariffs ou des feed-in premiums. Au-dessus, c'est plutôt le système des enchères.

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Jacques Percebois

En effet.

Je ne suis pas partisan du maintien des subventions à très long terme. D'autant que les coûts ayant baissé, la parité réseau est à peu près atteinte.

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Nous ferions donc mieux de les stopper dès maintenant ?

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Jacques Percebois

Oui, relativement. Je pense que nous n'en avons plus tellement besoin. Les subventions ont joué leur rôle. Elles ont aidé au développement. Mais je ne suis pas certain qu'il faille maintenir durablement des subventions. Je suis plutôt favorable à l'aide à la recherche-développement, y compris dans le domaine du nouveau photovoltaïque, pour faire émerger de nouvelles technologies. Il faut aider les industriels qui mettent au point de nouvelles techniques de photovoltaïque qui pourraient relancer une industrie européenne, voire une industrie française.

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Quid du lien entre prix de l'énergie et croissance ?

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Jacques Percebois

Le bas prix de l'énergie, notamment de l'électricité, constitue indiscutablement un atout pour les industriels. Pour la croissance économique, un bas prix de l'énergie est important, notamment pour les secteurs gros consommateurs d'énergie et d'électricité – ceux pour lesquels l'énergie représente plus de 10 % des coûts de revient. C'est le cas de l'industrie de l'aluminium, du verre ou de la pâte à papier qui, en général, recherchent le meilleur système et font de l'efficacité. Pour elles, le bas prix de l'énergie est un facteur favorable. À tel point qu'un pays comme l'Allemagne, où le prix du kWh est près du double du prix français, aide beaucoup ses industriels en les exonérant d'un certain nombre de taxes et en les subventionnant. C'est un élément important pour les particuliers également. Le budget moyen des Français pour l'énergie représente 9 % du revenu – à moitié pour la mobilité et à moitié pour le logement. Mais pour les Français en situation de précarité énergétique, il représente le double.

Le coût de l'énergie est un poste important dans certaines branches industrielles. Avoir une électricité bon marché est donc un élément favorable. Mais il l'est aussi pour le secteur domestique, car il ne faut pas perdre de vue que ce poste peut aller jusqu'à 20 % dès lors qu'on additionne la part du logement et celle de la mobilité, même si l'on a toujours tendance à parler du logement et à sous-estimer la mobilité.

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Je suis désolée de vous avoir interrompu pendant votre propos liminaire, très intéressant. Je pense que j'ai oublié la moitié de mes questions, mais je vous les ferai parvenir a posteriori, après avoir lu le compte rendu de votre audition.

Vous avez indiqué que 9 % des revenus sont dédiés à l'énergie – 4,5 % pour le logement et 4,5 % pour le transport. Mais il s'agit là de moyennes, ainsi que vous l'avez souligné. Qu'en est-il de la péréquation entre la problématique du logement et celle du transport ? Vous avez récemment écrit sur la transition énergétique, sur le grand débat et sur ce qui a déclenché la colère dans le monde rural, au travers du mouvement des « gilets jaunes ». N'est-ce pas que nous avons oublié de faire la péréquation entre un traitement du logement plus difficile d'accès dans les centres-villes et plus accessible dans les ruralités d'une part, mais un coût du transport moins élevé dans les villes et plus élevé dans les ruralités d'autre part ? Un déséquilibre s'est-il créé, qui engendrerait une sorte de double pleine dans les ruralités ?

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Jacques Percebois

La définition de la précarité énergétique, qui nous vient d'Angleterre, oublie complètement la mobilité : est en situation de précarité énergétique un ménage qui dépense plus de 10 % de son revenu pour son logement. C'est la définition standard en Europe. De nombreux ménages se trouvent dans cette situation, le plus souvent dans des zones rurales ou en périphérie des villes, dans des logements mal isolés. Ils paient alors très cher pour leur chauffage. En outre, ils ne peuvent se déplacer qu'en voiture. Le législateur s'est souvent préoccupé de la précarité dans le logement, sans tenir compte du coût des déplacements pour des raisons professionnelles.

Taxer l'essence est vertueux sur le plan de la consommation. Mais pour quelqu'un qui dispose d'un véhicule ancien très consommateur et qui ne peut pas en changer, et encore moins opter pour un véhicule électrique, c'est la double peine. C'est une préoccupation réelle. C'est la raison pour laquelle le chèque énergie tient désormais compte de la mobilité. Mais pendant longtemps, il existait des tarifs sociaux pour le gaz et l'électricité – ce qui excluait complètement les personnes qui se chauffaient au fioul. Or elles sont nombreuses dans la banlieue parisienne, où les habitations ont été construites dans les années 1970. Ces personnes paient cher pour le chauffage.

Et si elles se déplacent en voiture, elles paient beaucoup pour l'essence. Il n'est pas rare que des ménages aux revenus modestes dépensent un budget de 20 % uniquement pour financer leur habitat et leur mobilité. Dans ce contexte, il convient d'adopter une vision d'ensemble de la précarité.

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Comment expliquez-vous cette tendance à se focaliser sur le logement plutôt que sur le transport ? Est-ce parce que l'on sait mieux répondre à la problématique du logement qu'à celle du transport ? Ou bien est-ce le serpent qui se mord la queue : on ne sait pas répondre à la problématique du transport parce qu'on s'en occupe moins, donc on conduit moins de recherche dans ce domaine ?

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Jacques Percebois

Il est vrai qu'il est a priori plus facile de s'occuper du logement que de s'occuper de la mobilité. Depuis la loi de 1946, la France a une tradition de péréquation spatiale des tarifs. L'idée est qu'il peut y avoir des prix de l'électricité différents aux heures pleines et aux heures creuses – cela paraît logique – mais que l'on ne doit pas être pénalisé si l'on habite en zone périphérique ou rurale. Si vous vivez à La Réunion, vous payez le même tarif qu'en métropole. C'est la solidarité nationale. Le coût de cette péréquation spatiale n'est pas très élevé. Puis, comme cela ne suffisait pas, on a mis en place des tarifs sociaux là où l'État avait la main, c'est-à-dire essentiellement pour le gaz et l'électricité. C'était plus difficile avec le pétrole et, par conséquent, on ne s'en est pas tellement occupé. Pourtant, nombre de Français se chauffent au fioul.

Pour la mobilité, la réponse est plus complexe. On peut citer le développement des transports collectifs. Mais souvent, dans ces régions, les transports collectifs sont défaillants et il faut utiliser son véhicule personnel. Or le législateur ne s'est pas trop occupé de cette situation, qui fait qu'avec l'augmentation du prix de l'essence une part de plus en plus élevée du budget des ménages passe dans la mobilité. Ce sujet mérite d'être étudié, étant entendu qu'il ne faut pas penser que la réponse par le véhicule électrique soit adaptée. En effet, son coût est relativement élevé et les ménages aux revenus modestes n'ont pas les moyens, même si on les aide, d'y accéder. Se pose, en outre, le problème des bornes de recharge. Un coup de baguette magique ne permettra pas de faire passer au véhicule électrique les personnes aux revenus modestes. En l'état actuel des choses, tout le monde ne peut pas se payer une Tesla !

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La logique d'efficacité énergétique peut-elle être générale alors même que toutes les filières n'ont pas les mêmes objectifs ? La désindustrialisation a fait significativement chuter la consommation d'énergie dans le secteur industriel, par exemple. Finalement, la crise économique est source d'efficacité énergétique – laquelle ne peut pas être considérée comme vertueuse, contrairement à celle que l'on devrait viser dans d'autres domaines, en particulier le logement.

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Jacques Percebois

Il est exact qu'on cite parfois en exemple la France, dont les émissions de CO2 ont baissé dans le secteur industriel, en omettant de préciser que l'industrie ne représente plus aujourd'hui que 15 % de la consommation finale d'énergie. Qui plus est, les industriels ont toujours considéré l'énergie comme un coût. Ils ont donc fait de l'efficacité. Il est possible de les aider un peu, mais ils n'ont pas attendu les mesures réglementaires pour faire de l'efficacité énergétique. Le fait que l'on consomme parfois moins d'énergie ou qu'on émette moins de CO2 ou de gaz à effet de serre dans le secteur industriel n'est pas nécessairement un bon signal. Cela traduit simplement la disparition d'une partie de l'industrie.

Aujourd'hui, le premier secteur émetteur de CO2 est le transport, qui représente 38 % du total. L'accent doit donc porter sur lui. C'est là que la difficulté commence ! En effet, quel est le bon facteur ? En augmentant le prix de l'essence, on retrouvera le même problème social. Je suis plutôt favorable à ce qu'il y ait un prix du carbone, à condition de prévoir des compensations pour les personnes qui ne peuvent pas payer le surcoût. En tout cas, il faut bien avoir conscience que le secteur du transport doit être la cible, et que le potentiel y reste relativement important.

Par ailleurs, des efforts sont consentis dans les bâtiments. Nous savons construire des bâtiments à énergie positive, ou en tout cas à énergie zéro consommation. Mais le rythme de renouvellement du parc des logements en France est de 1 % par an. C'est relativement lent. Il ne faut donc pas se faire d'illusion. Même si l'on se vante en mettant en avant tel ou tel immeuble, cela reste relativement modeste au regard de l'ensemble du parc.

Il importe d'associer des mesures financières – les prix, les taxes – à des mesures réglementaires. En l'occurrence, les normes définies pour l'habitat sont extrêmement performantes. D'ailleurs, en France, l'efficacité énergétique dans le bâtiment a souvent été la conséquence de normes beaucoup plus contraignantes. Je crois que c'est une bonne chose. Il ne faut pas penser que le prix seul peut envoyer le bon signal. D'autant que s'il est bien appréhendé par l'industriel, le particulier peine à comprendre sa facture et à savoir ce qu'il paie.

La variable prix est évidemment importante. Mais, dans ce domaine et en tout cas dans un premier temps, la variable de régulation l'est plus encore. Les nouvelles technologies du numérique peuvent être utiles, dans ce domaine. En effet, si l'on remet une information en temps réel au consommateur avec les compteurs intelligents comme Linky, celui-ci peut avoir conscience de ce que cela lui coûte, donc réagir. Cela étant, tous les consommateurs ne sont pas nécessairement des grands spécialistes du numérique. Il ne faut pas oublier la fracture numérique. En tout état de cause, il faut aider le consommateur à comprendre sa facture. Dans ce domaine, je crois aux vertus du prix, mais aussi à celles de la réglementation.

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Je voudrais revenir sur le sujet du coût. Il existe deux types d'électricité en France : les EnR et l'électricité nucléaire. Si les premières sont largement subventionnées, ou en tout cas subventionnées, c'est parce qu'il existe sur le marché un écart avec la seconde. Les subventions permettent de gommer une partie de cet écart. La véritable question, aujourd'hui, est celle du seuil de référence pour calculer cet écart. En l'occurrence, il est fixé par la CRE aux alentours de 42 euros du MWh : tant que le coût de l'énergie renouvelable est supérieur, l'État subventionne. Mais quel est le coût réel de ces 42 euros ? Le coût du nucléaire comprend aussi l'installation, la mise en oeuvre, le démantèlement et le stockage, c'est-à-dire le cycle de vie complet. Or les rapports de la Cour des comptes montrent que dans certains cas, la limite ne devrait pas être de 42 euros mais de 60 ou 70 euros, voire plus dans certains cas. Ainsi, on subventionne les EnR parce que leur coût est supérieur à 42 euros. Mais il manque, dans cette équation économique, le financement des coûts futurs – notamment ceux du démantèlement.

Je ne suis pas antinucléaire, mais je voudrais m'assurer que nous avons le bon équilibre et la bonne équation. La France n'est-elle pas piégée par son principe de tarifs réglementés ? Je ne dis pas qu'il faut augmenter le prix de l'électricité de 15 %. Mais nous envoyons à la population le message selon lequel le tarif de notre électricité est le plus bas tout en sachant que nous manquerons d'argent pour assurer le renouvellement et le démantèlement des centrales nucléaires – argent que le consommateur, donc le contribuable, devra payer à un moment ou un autre. Quelle est votre opinion sur ce point ?

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Jacques Percebois

Si vous le permettez, je dissocierai le coût du nucléaire et l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH).

En tant que membre de la commission Champsaur, j'ai eu l'occasion d'étudier de près le sujet de l'ARENH. La Cour des comptes, dont tout le monde considère qu'elle fait autorité, indique que le coût moyen de production du MWh nucléaire, pour les 58 réacteurs qui existent en France, représente de 50 à 60 euros sur la durée de vie. Normalement, ce coût comprend celui de déconstruction des réacteurs en fin de vie et celui du stockage des déchets. Mais la Cour s'avère prudente sur ce point, en considérant qu'EDF a légalement l'obligation de constituer des provisions pour le démantèlement et pour le stockage des déchets. À l'époque, la ministre Mme Royal avait arrêté le coût du stockage à 25 milliards d'euros. D'autres, comme l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), prévoyaient un coût supérieur. Aujourd'hui, il est officiellement arrêté à 25 milliards d'euros. Mais, la Cour des comptes le dit bien, s'il est faux d'affirmer que l'on n'en tient pas compte, il n'est pas certain en revanche que les provisions suffiront. En effet, personne n'est aujourd'hui capable de dire que le coût de déconstruction sera bien celui qui a été anticipé. Le producteur argumente que l'on saura déconstruire les centrales en bénéficiant d'économies d'échelle, à l'instar de ce qui s'est passé pour leur construction. Ce n'est pas nécessairement garanti. Quant au coût de stockage, il est trop tôt pour se prononcer. En tout cas, il est faux de dire que l'on n'en tient pas compte.

Pour l'ARENH, la logique est différente. Il ne faut pas perdre de vue le contexte. Lorsque le marché s'est ouvert le 1er janvier 2000, les industriels ont pu quitter EDF dans de bonnes conditions dans la mesure où le prix du pétrole était bas – et donc celui de l'électricité faite avec du pétrole et du gaz l'était également. Ils étaient très contents ! Mais à partir de 2004, le prix du pétrole a monté, de même que ceux du gaz et de l'électricité. Les industriels se sont alors plaints et ont souhaité revenir aux tarifs réglementés de vente (TRV) – TRV vert et TRV jaune. Il leur a été répondu que ce n'était pas possible. La loi et la directive sont très précises à ce sujet : il est interdit de revenir en arrière. Par conséquent, le législateur a voté le tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché (TARTAM), calé sur le TRV jaune et le TRV vert avec 10 %, 20 % et 30 % de plus. Évidemment, la Commission de Bruxelles a considéré que cela ne respectait pas les directives et correspondait à une subvention d'État – puisque le surcoût du TARTAM était financé par EDF. Une action en justice a donc été conduite contre la France.

C'est alors que le Gouvernement a créé la commission Champsaur, composée de parlementaires et d'experts, dont j'étais. À l'époque, l'objectif visait à maintenir des prix de l'électricité calés sur celui du nucléaire français. Après tout, les Français ont payé pour le nucléaire, il faut bien qu'ils en profitent ! Si c'est pour payer le prix du marché international, ce n'était pas la peine de faire cet effort en faveur du nucléaire. Dès lors, comment faire en sorte que le consommateur, industriel ou particulier, continue à bénéficier de ce tarif, tout en permettant aux concurrents d'EDF – qui n'ont pas de nucléaire et qui ne peuvent légalement pas en produire – d'entrer sur le marché ? Deux solutions étaient envisageables. La première consistait à taxer EDF, qui disposait d'un avantage compétitif, en prélevant une rente nucléaire de rareté. C'est le système qui a été adopté en Belgique. En France, en revanche, la commission Champsaur a retenu la seconde solution : obliger EDF à vendre près de 25 % de sa production, c'est-à-dire 100 TWh, à prix coûtant. Il convient de préciser ici que le prix coûtant n'est pas le prix moyen, puisqu'une grande partie du parc est amortie. Il s'agissait de permettre aux concurrents d'EDF de se sourcer sur la base du nucléaire EDF à prix identique au prix de revient pour cet acteur. Le rôle de la deuxième commission Champsaur a donc consisté à étudier les coûts du nucléaire pour EDF, pour finalement proposer un prix de 39 euros le MWh ou du moins une fourchette comprise entre 30 et 40 euros. Comme le rapport a été remis au moment de la catastrophe de Fukushima, le ministre de l'époque a décidé qu'il serait de 40 euros pour les six derniers mois de 2011, puis de 42 euros à compter de 2012. Ce n'est pas la CRE qui l'a décidé, mais le ministre. Depuis, il est resté à 42 euros.

Nous attendions un décret, qui n'est paru que très récemment et qui n'est d'ailleurs toujours pas officiel, précisant la façon dont la CRE devait calculer le niveau de l'ARENH. Mais nous n'avons pas eu vraiment besoin de nous préoccuper de l'ARENH dans la mesure où les prix du marché de gros ont chuté – possibilité que la commission Champsaur n'avait pas vraiment prévue, car nous étions en surcapacité avec beaucoup d'injection d'électricité renouvelable et une demande d'électricité relativement stable. L'erreur a été de croire que la demande d'électricité augmenterait : elle est stable depuis dix ans en France. Elle a même légèrement baissé. Cela signifie que l'on n'avait pas vraiment besoin de nouveaux équipements.

Comme il y a eu beaucoup d'injection en Europe, notamment de la part des Allemands, puisque les marchés sont interconnectés, les prix sur le marché de gros ont baissé. Et à certains moments, les concurrents d'EDF n'avaient pas besoin d'acheter de l'ARENH. D'autant qu'il s'agit de ce que l'on appelle une option gratuite : ils ne la demandent que quand ils en ont besoin – ce qui, d'ailleurs, est discutable. En principe en effet, une option doit avoir une contrepartie. Ici, l'acheteur décide d'acheter ou non de l'ARENH. Et s'il n'en achète pas, il laisse le producteur se débrouiller avec son électricité.

Toutefois, depuis 2019, le contexte a changé puisque les producteurs alternatifs anticipent la montée du prix sur le marché de gros et ont demandé de l'ARENH. Pour la première fois cette année, la demande d'ARENH a été de 130 TWh alors qu'elle est d'ordinaire plafonnée à 100. La CRE a été obligée de mettre en oeuvre une stratégie de prorata pour baisser les revendications de chacun. Que faire, maintenant ?

Les alternatifs considèrent qu'il faut plus d'ARENH et demandent jusqu'à 150 TWh. Mais il faut être cohérent : si l'on demande à EDF de baisser la production nucléaire, on ne peut pas en même temps l'obliger à vendre plus d'électricité nucléaire à ce prix-là !

D'autres considèrent qu'il faut augmenter le niveau de l'ARENH. Mais avec quel seuil et par rapport à quel prix ? Le coût moyen est une chose. Le niveau de l'ARENH en est un autre. Et il existe aussi le coût cash, qui permet à EDF de faire face à la gestion de son parc qui ne dépasse pas 32 à 33 euros. Ainsi, quand EDF vend son électricité au-dessus de 32 euros sur le marché, elle récupère en quelque sorte sa mise. En revanche, cela ne lui permettra pas de financer de nouveaux équipements demain. C'est cela, le problème. Aujourd'hui, les prix du marché couvrent les coûts de l'existant, même quand ils sont bas. Mais ils ne permettront pas de construire de nouveaux équipements. Certes, on peut répondre que ce n'est pas dramatique tant que la demande n'augmente pas et qu'on reste en surcapacité. Mais si la demande augmente, il sera difficile de faire face à de nouveaux investissements.

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L'arrivée du véhicule électrique, que vous avez évoquée, posera d'importants problèmes.

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Jacques Percebois

En effet, de même que les usages connectés. C'est la raison pour laquelle dans la PPE, on prévoit que la consommation finale baissera fortement – je ne suis pas aussi optimiste sur ce point, même si cette baisse est souhaitable – et que la demande d'électricité devrait croître avec les nouveaux usages, ce qui est logique.

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Dans une perspective d'autoconsommation croissante et dans la mesure où, vous l'avez rappelé, l'électricité ne se stocke pas, du moins pour le moment, les autoconsommateurs qui se transforment en producteurs en fonction des éléments climatiques ne risquent-ils pas de déséquilibrer les réseaux ? Pensez-vous que les compteurs Linky en cours de déploiement peuvent réellement contribuer à l'équilibre du réseau global de distribution, dans cette perspective d'autoconsommation croissante ?

Vous avez également parlé du coût très élevé des véhicules électriques. Il faudrait aussi citer l'impossibilité de les revendre après quatre ou cinq ans compte tenu des avancées opérées en matière de batterie. Ne faudrait-il pas demander aux constructeurs de prévoir un emplacement permettant de changer de batterie et d'installer une nouvelle batterie, plus petite, sur un même véhicule ? Cela pourrait favoriser l'acquisition de véhicules électriques.

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Jacques Percebois

Indiscutablement, l'autoconsommation et l'autoproduction d'électricité intermittente posent des problèmes au gestionnaire du réseau. En effet, 95 % des injections d'électricité renouvelable se font sur le réseau de distribution. Mais à certains moments, quand trop d'électricité entre sur ce réseau, il faut la remonter sur le réseau de transport. En principe, le réseau est fait pour aller du sommet vers la base, pas l'inverse. Remonter l'électricité a donc un coût. D'autres coûts tiennent au fait qu'il existe des variations assez importantes. Il faut d'ailleurs développer le réseau de distribution à certains endroits, pour pouvoir récupérer cette électricité renouvelable. En résumé, le gestionnaire du réseau de distribution, Enedis en l'occurrence, doit tenir compte des coûts liés à l'autoconsommation et l'autoproduction.

À cela s'ajoute le fait que l'autoproducteur décide de faire appel au réseau quand cela l'arrange. Il faut donc au moins un tarif de secours, pour éviter ce que l'on appelle la « spirale de la mort » : tout le monde aura intérêt à mettre de l'autoproduction sur sa maison, et les pauvres ruraux qui n'auront pas les moyens de mettre du photovoltaïque paieront pour tout le monde sur le réseau. Cela n'est pas tout à fait logique. Il faut tenir compte de cet aspect redistributif. Cela suppose de mener une réflexion sur la tarification d'accès au réseau, le fameux tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE).

Par ailleurs, il est vrai que les nouveaux outils numériques, parmi lesquels le compteur Linky, permettent d'arbitrer à distance : obliger à de l'effacement à certains moments et à certains types de stockage, pour une meilleure gestion. Aujourd'hui, le maître mot est la flexibilité sur le réseau, qui passe par une flexibilité de la production thermique classique, par l'effacement plus marqué de la demande à certaines heures et par du stockagedéstockage. Actuellement, le stockage est hydraulique à 95 %. Nous avons la chance, en France, d'avoir 12,5 % d'électricité hydraulique et beaucoup de stockages, grâce aux barrages. Mais y a-t-il encore un potentiel de stations de pompage, c'est-à-dire de barrages permettant de stocker l'électricité ? À mon avis, oui – sur le papier, du moins. Mais il n'est pas très facile de construire des barrages aujourd'hui, tant l'opposition est forte : nous ne construirions pas aujourd'hui les barrages que nous avons construits dans les années 1950. Personne ne le conteste.

Pour le reste, je partage vos propos concernant le véhicule électrique. Aujourd'hui, la plupart des bornes sont installées chez les particuliers. Un effort plus important doit être consenti pour développer les bornes publiques. Il faut aussi anticiper qu'il y aura beaucoup de progrès techniques. En l'occurrence, je considère que les personnes modestes ne doivent pas se lancer dans l'acquisition de ce type de véhicule, car elles peineront à faire face aux progrès techniques dans les prochaines années. Il me semble que c'est le rôle de la puissance publique d'anticiper les progrès qui peuvent être attendus dans ce domaine.

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Vous avez évoqué la tendance à aller vers des microgrids et de la production locale, avec des micro réseaux à l'intérieur du réseau, qui se heurterait à la volonté d'aller vers une Europe de l'énergie qui serait un macro réseau. D'aucuns considèrent qu'il faut revenir à une France de l'énergie, car notre pays sait produire une électricité peu coûteuse. N'aurions-nous pas intérêt à revenir à une logique nationale ? Quel intérêt y a-t-il à être sur le réseau européen ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

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Jacques Percebois

Avant la loi de nationalisation de 1946, la France comptait près de 1 500 entreprises d'électricité et les prix variaient largement d'une région à l'autre. Dans la région de Grenoble, par exemple, le prix de l'électricité était plus faible grâce à l'hydraulique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de gros industriels s'y sont installés. En créant la péréquation spatiale, qui est à mon avis une bonne chose, la loi de nationalisation a permis une neutralité du territoire et l'interconnexion du réseau français.

Par ailleurs, les électriciens européens ont compris la nécessité de s'interconnecter avant même la création de l'Europe. L'Europe de l'électricité a précédé l'Europe économique dans la mesure où dès les années 1950, l'Union de coopération des producteurs et transporteurs d'électricité (UCPTE) permettait de faire du secours mutuel en interconnectant le réseau. À l'époque, il ne s'agissait pas de se vendre massivement de l'électricité, mais d'assurer la sécurité du réseau : plus il est interconnecté, plus l'on peut faire appel au réseau d'à côté en cas de difficultés. Certes, si un réseau allemand était fragile à un certain moment, par exemple, cette fragilité pouvait se répercuter sur le réseau français. Mais les interconnexions avaient globalement du bon.

Avec la création de l'Europe économique, l'interconnexion des réseaux s'est traduite par une volonté d'exporter et d'importer de l'électricité. Les industriels allemands ont considéré qu'ils devaient pouvoir acheter directement à EDF pour bénéficier de tarifs plus bas. C'est cela, l'Europe ! Évidemment, l'on pourrait considérer que dans la mesure où nous avons la chance d'avoir de l'électricité moins chère que les autres, nous devrions nous replier sur notre réseau national. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne solution. À certains moments en effet, nous sommes bien contents d'acheter de l'électricité aux Allemands, ne serait-ce qu'en période de pointe. Il arrive même que nous arrêtions des centrales en France pour acheter de l'électricité allemande moins chère car l'électricité renouvelable est très développée dans ce pays. En définitive, nous avons donc intérêt à rester interconnectés.

J'ajoute que nous parlons aujourd'hui des microgrids, mais que je reste dubitatif sur ce point. En effet, je reviens au problème du foisonnement : le grand mérite du réseau interconnecté est le foisonnement. Si deux ou trois consommateurs ont chacun besoin de 10 kW et si chacun produit son électricité, il faut construire trois fois 10 kW. Mais s'ils sont interconnectés, vous pouvez ne construire que deux fois 10 kW, car tout le monde n'appellera pas le réseau au même moment – à l'exception de la pointe. Aujourd'hui, certains envisagent même des réseaux mondiaux interconnectés. Il existe ainsi un projet chinois de la route de la soie électrique, un peu pharaonique mais qui mérite d'être pris au sérieux, qui consiste à envisager un réseau à ultra haute tension pour envoyer de l'électricité partout en Europe. En effet, le nord-ouest de la Chine dispose de beaucoup d'électricité renouvelable, parfois même trop. En outre, plus la tension est élevée, moins il y a de perte en ligne.

Où est la solution ? Je n'ai pas la réponse ! En tout état de cause, je pense qu'il y a de la place pour les réseaux locaux et les réseaux interconnectés. Je reste simplement un peu réservé quant aux grands réseaux interconnectés. Je pense aux projets Désert Tech qui consistaient à installer des équipements photovoltaïques dans le Sahara pour alimenter l'Europe : on craint parfois la dépendance à l'égard du gaz russe, mais celle à l'égard de l'électricité du Sahara serait, à mon avis, dramatique. En effet, si l'on peut stocker le gaz, il est possible de couper l'électricité de façon instantanée. Je signale, à cet égard, que chaque pays est maître chez lui. Aujourd'hui, le pays qui dépend le plus des importations est l'Italie, avec un taux supérieur à 10 %. Mais la production d'électricité est d'abord nationale. C'est d'ailleurs ce qui explique que les coûts de production de l'électricité sont très différents d'un pays à l'autre.

En somme, je ne suis pas certain que le repli sur soi soit la bonne solution.

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Vous avez indiqué que, cette année, les acteurs avaient anticipé une hausse des prix de gros sur le marché parce que nous sommes en surcapacité. L'ARENH répond-il à cette volatilité ? Ne faut-il pas le réformer ? Quelles sont les autres pistes que l'on pourrait envisager pour mieux réguler le jeu des prix de marché vis-à-vis d'un ARENH fixe.

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Jacques Percebois

Je pense que l'ARENH a joué son rôle. Tout le monde le reconnaît. Ce dispositif a en effet permis aux alternatifs, c'est-à-dire aux concurrents d'EDF, d'entrer sur le marché. Il faut être présent sur le marché de l'électricité. Les pétroliers s'y mettent. Ainsi, Total anticipe le développement du véhicule électrique. Les GAFA s'y intéressent aussi. Et pour cause, qui dit véhicule électrique dit application numérique.

Dans ce contexte, EDF doit-elle continuer à aider les alternatifs, avec un ARENH à 42 euros ? À mon avis, il existe d'autres solutions. La première consiste à considérer que l'ARENH a joué son rôle et qu'il n'est pas utile de le maintenir. Mais il faut alors se montrer cohérent. La logique de l'ARENH visait aussi à calculer le tarif réglementé pour les particuliers, dit TRV Bleu. Ainsi, si l'on arrête l'ARENH, il faut aussi supprimer ce tarif. Le jaune et le vert ont déjà été supprimés, et il faudrait logiquement mettre un terme au bleu.

Pour ma part, supprimer l'ARENH ne me gênerait pas. Ce dispositif a joué son rôle. Normalement, la loi dispose qu'il doit aller jusqu'en 2025.

L'autre solution envisagée consiste à faire 100 % d'ARENH, avec une entreprise régulée totalement publique au sien d'EDF, dans laquelle le nucléaire serait sanctuarisé. Tout le monde pourrait alors acheter de l'ARENH… EDF comme les autres. Le risque que certains y voient, politiquement, est que cette sanctuarisation du nucléaire soit la première étape vers la fin du nucléaire en France.

Personnellement, je pense que l'ARENH a joué son rôle et qu'il ne serait pas dramatique de la supprimer. Les alternatifs, quant à eux, y sont opposés.

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Si l'on supprime l'ARENH et le TRV bleu, cela conduira-t-il à une augmentation ou à une baisse des prix ? Que dit l'économiste sur ce sujet ?

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Jacques Percebois

Aujourd'hui, les tarifs en offre de marché sont plus bas que les tarifs réglementés de vente.

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Jacques Percebois

Certains ont le sentiment qu'ils sont protégés parce qu'ils sont au TRV. Mais il peut arriver que des offres de marché soient en dessous de ce tarif. Les prix risquent-ils d'augmenter à moyen terme, notamment si ceux du pétrole et gaz s'accroissent ? Ce risque existe toujours. Mais, même si la Commission européenne accepte en principe que la France maintienne un TRV bleu, le Conseil d'État considère qu'il faut le supprimer pour le gaz. Ne faudra-t-il pas le supprimer, à terme, pour l'électricité ? C'est un sujet politiquement très délicat. Certains y verraient le signal qu'on abandonne un tarif pour les particuliers.

En tout état de cause, supprimer l'ARENH sans mettre fin au TRV bleu serait contradictoire. La commission Champsaur et la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « loi NOME », les avaient d'ailleurs associés.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 17 h 30

Présents. - Mme Laure de La Raudière, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Claire O'Petit, M. Vincent Thiébaut

Excusés. - M. Julien Aubert, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Turquois