Madame la présidente, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour réétudier la proposition de loi portant création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, à la suite de l'échec regrettable de la CMP et de l'absence d'accord satisfaisant trouvé avec le Sénat, alors que nous étions d'accord sur 99 % du texte.
Je vous rappelle que la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) constitue un engagement du Président de la République auprès des élus locaux, qui souhaitent une simplification dans le paysage des opérateurs de l'État intervenant au profit des territoires.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'examen en première lecture, l'objet de la présente proposition de loi est de permettre à chaque territoire de révéler les ressources uniques et singulières dont il dispose et de créer une dynamique collective autour de projets partagés. L'agence doit permettre de changer le regard des collectivités sur elles-mêmes et le regard de chacun sur ces territoires, ce qui passe par une nécessaire différenciation. Chaque projet porté par l'agence devra s'inspirer des spécificités locales pour magnifier le territoire. Elle n'est donc pas uniquement un outil destiné à pallier certaines difficultés, mais aussi un soutien au service d'impulsions innovantes et positives.
Contrairement aux appels à projets venus d'en haut, qui bénéficient surtout à ceux qui ont les moyens techniques d'y répondre, l'agence accompagnera des projets de proximité pour développer l'attractivité de chacun et la solidarité des territoires entre eux. Elle devra et saura répondre aux grands enjeux d'inclusion sociale, de transition écologique, de nouveau développement économique, de culture ou de mobilité dans un projet global qui fera de nos territoires des lieux de dynamisme.
Ce texte, vous en êtes désormais familiers. Plus de trente heures d'auditions ont été menées auprès d'acteurs des territoires qui ont apporté leur vision de l'agence. Plus de quatre cents amendements ont été déposés en première lecture et discutés en commission en présence de Mme la ministre Jacqueline Gourault en février dernier, puis lors de l'examen du texte en séance publique en mars.
Les discussions qui ont duré une dizaine d'heures en commission et près de vingt heures dans l'hémicycle ont permis d'améliorer ce texte et de l'adapter aux spécificités locales. Nous avons ainsi rappelé l'importance pour l'agence de veiller au partage des savoirs et des pratiques en mettant à la disposition de tous les territoires les projets dont elle a connaissance, via une véritable « projetothèque ».
Nous avons aussi longuement débattu pour adapter ses missions, en particulier pour les territoires en difficulté. Grâce à votre investissement, des amendements ayant pour objet l'introduction de la notion d'équité territoriale ou la définition d'un contrat de territoire sont ainsi venus enrichir le texte. La philosophie que nous avons voulu lui donner correspond à celle que je porte dans ma vision des territoires ruraux, c'est-à-dire une vision positive. Plutôt que de se focaliser sur les difficultés, le texte cherche à favoriser les réponses apportées à celles-ci par l'émergence de projets positifs, innovants et spécifiques que sont capables de porter tous les territoires, quelles que soient leurs particularités. À cet égard, je me félicite que l'amendement que j'avais présenté afin de cibler aussi les projets innovants et ne pas parler uniquement en termes de difficultés, mais également d'atouts à révéler, ait été adopté.
La version adoptée en première lecture a amélioré le texte initial pour répondre à ce souci d'efficacité, notamment à travers la création d'un comité local de cohésion territoriale qui réunira, à la demande du préfet, les élus du territoire, mais aussi les acteurs locaux privés ou publics concernés tels que les agences régionales de santé, l'agence de l'eau et des personnalités de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il sera informé des demandes d'accompagnement émanant des collectivités. Vous avez été nombreux à soutenir cet amendement et je vous remercie pour cette forte mobilisation.
Malgré tous nos efforts pour trouver un accord avec le Sénat, la commission mixte paritaire n'a pas abouti. L'échec de cette CMP est tout à fait regrettable, car nous voyons tous les jours sur nos territoires l'urgence d'aider les collectivités à développer et porter des projets. C'est une attente qui remonte directement du terrain et qui fait suite à la fracture économique, sociale et numérique qui aggrave la situation de bon nombre de territoires. Avec ce texte, nous répondons rapidement à ces attentes et à ce besoin de projets pour révéler toutes les potentialités des territoires.
Cette agence a vocation à être une structure légère, qui facilite les initiatives. Elle ne doit donc pas être bloquée, ce à quoi aurait abouti la proposition faite par le Sénat, introduisant indirectement un droit de veto permanent des collectivités locales totalement contraire au projet initial. Ce différend sur les conditions de délibération au sein du conseil d'administration de l'agence, qui comprend un nombre élevé de collectivités, n'a pu être surmonté en dépit de notre main tendue. Lors de la CMP, nos collègues de la majorité sénatoriale ont oublié les objectifs et les attentes à l'égard de l'ANCT, qui a pour mission d'entreprendre dans les territoires et d'accompagner les projets, en aucun cas de les bloquer.
Cette agence est nécessaire pour tous les territoires, mais elle ne réussira sa mission qu'à condition de jouer systématiquement son rôle de facilitateur. Elle met au premier rang les collectivités territoriales, en répondant aux attentes des élus locaux qui ont besoin de cet accompagnement sur mesure.
En première lecture, je pense que nous avons su améliorer le texte pour que l'agence s'adapte aux spécificités de tous. Profitons de ce retour en commission pour porter un nouveau regard sur le texte et lui apporter les modifications nécessaires. Dans le souci de tendre la main au Sénat, mon collègue M. Christophe Euzet, rapporteur pour avis de la commission des lois, et moi-même, présenterons un amendement sur la composition du conseil d'administration. Il octroie un siège supplémentaire aux représentants des collectivités locales et instaure un mécanisme de seconde délibération qui permet de ne pas paralyser les décisions de l'agence en cas de désaccord.
À terme, l'Agence nationale de la cohésion des territoires sera jugée sur sa capacité à porter des projets et sur le nombre d'initiatives qui aboutiront pour améliorer la vie des habitants et renforcer l'attractivité des territoires. Nous avons donc le devoir de ne pas bloquer ni alourdir son fonctionnement.
Je forme le voeu que ce nouvel examen sache prendre en compte le constat de l'urgence pour les territoires d'être dotés d'une structure qui révèle leurs atouts et leurs singularités. Il serait regrettable que nous fassions ici des choix politiques au détriment de choix techniques, pour un fonctionnement optimal de l'agence au service des territoires dont nous sommes tous issus.