Je ne serai pas trop audacieux sur la question des travailleurs sociaux et du manque de moyens, car je ne peux vous contredire ; il serait mal venu de vous dire que nous disposons de suffisamment de moyens.
La grande question du travail social aujourd'hui est la question du sens. Un combat doit être mené pour redonner, en particulier aux travailleurs sociaux, le sens de la mission. Il ne s'agit pas uniquement d'un métier où l'on se contente d'assumer les charges, cela va bien au-delà. À chaque fois que nous avons analysé de gros dysfonctionnements dans la protection de l'enfance – des affaires de pédophilie notamment –, nous nous sommes rendu compte que le problème venait d'une absence de coordination, à la fois des personnes et des institutions.
La question qui se pose aujourd'hui – et qui ne concerne pas uniquement le travail social – est celle du sens de la mission dans la fonction publique. Je persiste et signe : nous ne pouvons avoir le privilège de la garantie d'emploi sans avoir en contrepartie le devoir d'une autre lecture de notre responsabilité.
S'agissant des départements et du manque de moyens, j'évoquerai le poids des mineurs non accompagnés (MNA), qui vient frapper massivement les collectivités locales. C'est encore une anecdote, mais je suis allé récemment à un mariage de personnes qui travaillent dans le social. J'y allais pour faire la fête, et toute la soirée on est venu me parler de ce qu'il conviendrait de faire pour les enfants en danger. J'étais finalement très heureux de voir à quel point les travailleurs sociaux étaient motivés et ont profité de ma présence pour essayer de faire quelque chose.
Nous avons donc bien la possibilité aujourd'hui de remettre la question du sens au coeur du débat public et d'accompagner les départements, notamment sur leurs difficultés en termes de moyens.
La question des MNA a joué un rôle très positif dans les départements, puisqu'ils ont été obligés d'innover devant cet afflux de cas nouveaux – faire un peu plus confiance aux enfants, leur proposer, par exemple, des colocations – une innovation qui est en train d'impacter tout le reste de leur dispositif de protection de l'enfance.
Concernant les assistants familiaux, la difficulté du recrutement provient tout d'abord du changement des modes de vie. Les gens ne veulent plus de contraintes. Or être assistant familial, c'est très contraignant – ce qui est regrettable car, malgré les difficultés que Didier Lesueur a soulevées concernant le côté fonctionnarisé du métier, cette solution est la meilleure pour l'enfant. Un chantier mériterait donc d'être ouvert sur cette question pour définir la meilleure façon de maintenir le caractère familial de ce placement. Peut-être conviendrait-il de les payer davantage. Rien n'est plus déchirant pour un enfant que d'être retiré de sa famille d'accueil lorsqu'elle part en vacances ! Quelle blessure !
Les anciens de l'ASE vous diront que même lorsque leur famille d'accueil était même-même un peu déstructurée, elle lui redonnait les bons repères – avec les bons et les mauvais côtés de la vie de famille.