Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre invitation. Je vais m'exprimer devant vous au nom de France Hydro Électricité, qui est le syndicat de filière de la petite hydroélectricité, et j'axerai mon propos sur les problématiques de type environnemental.
Je dirai en préambule qu'en hydroélectricité, on a besoin essentiellement de trois choses, à savoir d'équilibre, de sujets étudiés au cas par cas, et de beaucoup de science. Sur ce point, je rejoins M. Métais pour considérer que l'innovation, la science, l'objectivation et la rationalité sont des aspects extrêmement importants, du point de vue technique comme de ceux de la biologie, des milieux aquatiques et de la biodiversité.
France Hydro Électricité identifie trois grands leviers : premièrement, la gouvernance et l'organisation de l'État en matière de petites centrales hydroélectriques, deuxièmement, les questions proprement environnementales, troisièmement, les questions relatives à l'énergie et aux mécanismes de soutien de la filière.
Pour ce qui est de l'organisation de l'État, la situation actuelle ne paraît pas normale, car elle n'est pas équilibrée. En effet, nos dossiers sont instruits au niveau des départements par les seuls services de police de l'eau et, quand on dépose un dossier de renouvellement ou de nouveau projet, l'arrêté d'autorisation qui est rendu est composé de dix ou douze pages, parmi lesquelles une seule ligne concerne l'énergie – pour spécifier la puissance maximale brute. La quasi-totalité du regard porté sur un dossier concerne en effet son aspect environnemental, et plus spécifiquement le milieu aquatique. Il ne s'agit pas même de considérer le bon état écologique des eaux, mais simplement la continuité écologique : en d'autres termes, aujourd'hui, le développement ou la mise en conformité d'une installation se font – ou ne se font pas – presque exclusivement au regard de critères relatifs à la migration des poissons, ceux portant sur la finalité des installations, à savoir la production d'énergie renouvelable et la contribution que la filière peut apporter aux grands enjeux environnementaux au sens global du terme – qualité de l'air, dérèglement climatique, etc. – étant laissés de côté. Il paraît donc urgent de rééquilibrer l'instruction des projets, afin de permettre aux préfets de prendre une décision elle aussi plus équilibrée.
Du point de vue de l'environnement, il convient de rappeler le principal blocage, aujourd'hui malheureusement considéré comme un fait accompli, à savoir le fait que la plupart des cours d'eau relèvent de la liste 1. Les cours d'eau sont en effet classés en trois catégories : la liste 1, où il est interdit de construire des obstacles, la liste 2, où c'est possible à condition de veiller à la continuité écologique, tous les autres cours d'eau ne faisant pas l'objet d'un classement. Aujourd'hui, le classement en liste 1 oblitère 75 % des projets de développement du potentiel hydroélectrique, alors que le caractère objectif et scientifique de ce classement a été mis en cause à de nombreuses reprises : la qualité de l'expertise présidant à son établissement laisse un peu à désirer, et nous plaidons pour la mise en oeuvre en la matière – mais aussi pour tous les classements réalisés au niveau des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) – d'une expertise contradictoire de nature scientifique et intégrant les connaissances les plus récentes, à la lumière de laquelle tous les classements auraient vocation à être revus.
Le deuxième frein à la filière hydroélectrique, qui repose sur un parc vieillissant, est celui touchant à la perte de productibles. On sait qu'on a perdu environ 3 milliards de kilowattheures (KWh), tous acteurs confondus, du fait du relèvement des débits réservés, c'est-à-dire du niveau d'eau qu'il faut obligatoirement laisser dans le lit des cours d'eau pour permettre la migration piscicole : quand vous regardez les chiffres annuels de production hydroélectrique, vous constatez que 3 milliards de kilowattheures ne sont pas délivrés, ce chiffre correspondant à ce que la profession doit laisser pour la biodiversité.
Nous continuons à mettre en conformité des centrales. Là aussi, nous demandons une évaluation au cas par cas, l'établissement de très bons diagnostics par des bureaux d'études qualifiés et un partage de ces diagnostics avec les services déconcentrés de l'État, une réelle concertation et surtout que soit portée une attention sur la perte de productibles et sur le rapport coût-bénéfice des aménagements qui nous sont demandés. Il est indispensable en effet de regarder quel est le coût des aménagements demandés et le réel bénéfice pour la biodiversité afin de prendre une décision, là encore, équilibrée.
En matière de soutien économique et de freins au développement, cela vous surprendra peut-être si je vous dis que je demande de bonnes statistiques. En effet, j'aimerais savoir de quoi l'on parle en matière de suivi de développement de la filière. Aujourd'hui, beaucoup de statistiques existent, mais il y a parfois confusion entre rénovations et nouvelles centrales. Je ne suis donc pas tout à fait sûre que l'on ait les vrais chiffres sur la trajectoire de développement de l'hydroélectricité.
Comme l'a rappelé M. Giraud, nous souhaitons davantage de souplesse dans nos contrats de mécanisme de soutien pour l'augmentation de puissance. Tout ce qui existait auparavant qui nous permettait d'augmenter la puissance très facilement a disparu – je pense notamment aux contrats additionnels. Comme lui, je pense que c'est une histoire de fous.
Les derniers appels d'offres nous obligent malheureusement à soumettre le projet à enquête publique, c'est-à-dire lorsqu'il est déjà très avancé dans son développement. Bien évidemment, si l'appel d'offres n'est pas un succès, les coûts échoués sont très élevés. Il faut savoir que le coût d'un dossier est de 300 000 euros, ce qui freine les petits acteurs à participer aux appels d'offres.
Enfin dans le parcours du combattant qu'est le développement de petites centrales aujourd'hui, la maîtrise foncière et l'accès à la maîtrise foncière constituent un obstacle supplémentaire en raison d'une mise en concurrence sur le foncier public.
Je vous remercie de votre attention. Nous restons, bien évidemment, à votre disposition.