Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du jeudi 4 avril 2019 à 9h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • concession
  • existant
  • frein
  • hydroélectricité
  • hydroélectrique
  • potentiel
  • renouvelable
  • site
  • électricité
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem  

La réunion

Source

L'audition débute à neuf heures vingt.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, je vous remercie de votre forte mobilisation pour le sujet intéressant qui nous réunit aujourd'hui dans le cadre de notre mission d'information relative aux freins à la transition énergétique, qui, je le rappelle, s'articule autour de sept axes, à savoir la vision pour l'avenir sur le mix énergétique en matière de consommation et de production, le développement des filières des énergies renouvelables (EnR), les questions relatives à la mobilité, celles portant sur les économies d'énergie, la projection des grands groupes sur cet enjeu, la fiscalité et le financement, et enfin le rôle des collectivités territoriales dans la transition énergétique.

Cette mission a pour objet d'identifier les nombreux freins à la transition énergétique, présents au sein des différentes filières, afin d'être en mesure de formuler ensuite des propositions et recommandations qui se traduiront, nous l'espérons, par des décisions qui permettront de lever un certain nombre de freins.

La table ronde d'aujourd'hui, qui a pour objet l'hydroélectricité, ne porte pas tant sur la remise en concurrence des concessions hydroélectriques que sur les freins au développement de l'hydroélectricité – notamment la petite hydroélectricité – et des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP).

Elle porte également sur les leviers permettant de concilier les enjeux de maîtrise des impacts environnementaux avec le développement des nouvelles installations, ainsi que le maintien des performances énergétiques et des installations existantes.

Vous tous qui êtes dans ce milieu savez mieux que moi que l'hydroélectricité joue un rôle crucial dans la production d'énergie renouvelable et que c'est l'un des secteurs éminemment stratégiques, à la fois pour le mix énergétique et pour l'équilibre de nos systèmes électriques, d'où l'importance de cette thématique pour notre mission.

Nous accueillons donc M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), M. Alexandre Roesch, délégué général, et M. Louis Lallemand, responsable de la filière « hydroélectricité et territoires » ; M. Jean-Charles Galland, président de la commission hydroélectricité et directeur adjoint d'EDF, M. Yves Giraud, directeur d'EDF Hydro, et M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques chez EDF ; M. Olivier Métais, président de la Société hydrotechnique de France (SHF), professeur des universités à l'Institut polytechnique de Grenoble ; M. Marc Boudier, président de l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG), et M. Géry Lecerf, président du collège fourniture de l'AFIEG, directeur des affaires publiques d'ALPIQ France ; M. Jacques Pulou, référent hydroélectricité de France Nature Environnement (FNE) ; enfin, Mme Anne Pénalba, vice-présidente de France Hydro Électricité, et M. Jean-Marc Lévy, délégué général.

Je vais maintenant donner la parole à un représentant de chaque société pour un exposé liminaire d'environ cinq minutes, avant que nous ne passions à un échange de questions et de réponses.

Permalien
Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER)

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, l'hydroélectricité est effectivement un élément essentiel dans la transition énergétique, en particulier dans le domaine de l'électricité, puisque c'est aujourd'hui encore la première énergie renouvelable électrique en termes de puissance et de production d'énergie, mais aussi et surtout un moyen de production extrêmement réactif, flexible et permettant le stockage de masse de l'électricité. De ce point de vue, l'hydroélectricité constitue un moyen absolument indispensable pour intégrer un maximum d'énergies variables non commandables telles que l'éolien et le solaire photovoltaïque.

Cependant, le développement de cette filière possédant encore un vrai potentiel est aujourd'hui extrêmement restreint, puisque l'hydroélectricité ne représente qu'environ 20 % du parc installé en puissance et 10 % à 15 % en énergie, en fonction de la pluviométrie annuelle – c'était 13,4 % en 2018. L'objectif de l'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est d'augmenter la capacité de production de 1 gigawatt (GW) à l'horizon 2028. Nous avons revendiqué et nous revendiquons toujours d'augmenter la capacité de production de 1,7 GW, et nous avons identifié un potentiel mobilisable de plus de 4 GW, à la fois sous la forme d'équipements de sites neufs – en concession ou en autorisation –, mais aussi par la rénovation ou l'optimisation de sites existants, pour lesquels il serait nécessaire de disposer d'un cadre économique stable et incitatif, notamment à travers la pérennisation et la simplification des appels d'offres existants en matière de petite hydroélectricité, et en lançant des procédures d'octroi pour de nouvelles concessions.

La rénovation et l'optimisation du parc actuel constituent un aspect essentiel de notre activité. Alors que nous avons affaire à des technologies ayant une durée de vie très longue, il est aujourd'hui interdit d'augmenter la puissance des centrales en concession ; pour ce qui est des centrales en autorisation, l'augmentation de puissance est limitée à 10 %.

Un autre frein, que vous avez évoqué dans votre introduction, réside dans l'insuffisante visibilité dont disposent les acteurs de la filière sur les modalités et perspectives de renouvellement des concessions hydroélectriques, de manière à apporter davantage de sécurité aux investissements sur ces installations.

Comme je l'ai dit en introduction, l'une des caractéristiques essentielles de l'hydroélectricité est sa flexibilité. Il convient donc de préserver les capacités de flexibilité de l'hydroélectricité en évitant toute mesure qui pourrait conduire à les brider, et en sensibilisant les services de l'État aux impacts énergétiques, climatiques et économiques du recours à l'hydroélectricité lors de l'élaboration des différentes instructions. Il faut également identifier les moyens de mieux rémunérer cette flexibilité et, pour cela, nous proposons d'expérimenter des marchés locaux de la flexibilité afin de faire émerger des solutions dimensionnées aux enjeux des réseaux électriques.

Par ailleurs, l'État doit être appelé – je pense que c'est prévu dans la PPE – à lancer le développement de nouvelles stations de transfert d'énergie par pompage, de façon à ce que nous ne soyons pas pris au dépourvu au moment où cette capacité deviendra absolument nécessaire, avec le développement du solaire et de l'éolien – étant précisé que plusieurs années sont nécessaires pour instruire des dossiers de développement de STEP.

Un autre frein que nous identifions est celui de la fiscalité, en particulier de la fiscalité locale. L'hydroélectricité est l'une des énergies les plus touchées par la fiscalité, qui représente aujourd'hui un cinquième du prix de vente de l'énergie – on compte environ 600 millions d'euros de fiscalité locale –, ce qui peut constituer un frein non seulement à l'investissement, mais aussi à la rénovation ou à la maintenance de sites actuels. Nous proposons donc de laisser la main aux collectivités pour prendre des mesures d'exonération temporaire de taxe foncière, pour assurer les investissements de rénovation de certaines centrales, ou pour participer au développement de nouvelles installations.

Faute de temps, je m'arrête là et je laisse à l'un des intervenants suivants le soin d'évoquer la conciliation des enjeux énergétiques et environnementaux.

Permalien
Yves Giraud, directeur d'EDF Hydro

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation à cette audition de la mission d'information et, en tant que directeur d'EDF Hydro, je suis à la fois ravi et honoré de vous parler de cette énergie qu'est l'hydraulique. Curieusement, en France, cette énergie est souvent la belle oubliée des débats portant sur la transition énergétique. C'est bien dommage car, comme l'a dit M. le président Jean-Louis Bal, l'hydraulique est la première des énergies renouvelables en termes de production d'électricité, en France et dans le monde. Elle représente en effet près des deux tiers de la production d'EnR, le tiers restant étant composé d'éolien, de biomasse et de solaire.

En 2018, elle a produit 63 térawattheures (TWh), soit 13,4 % de la consommation. L'hydraulique est ainsi en France, non seulement la première des énergies nouvelles, mais aussi la deuxième source de production d'électricité après le nucléaire, et elle joue un rôle essentiel à la pointe. En effet, un lac de barrage n'est pas seulement une gigantesque retenue d'eau, mais aussi une gigantesque retenue d'énergie – puisqu'avec l'eau, nous faisons de l'énergie. Je précise que c'est de l'énergie à la demande : par exemple, près de Grenoble, dans l'Isère, il suffit d'ouvrir les robinets de Grand'Maison pour disposer quasi instantanément d'une puissance de 1,8 GW sur le réseau, c'est-à-dire l'équivalent de deux réacteurs nucléaires.

La puissance totale hydraulique installée est de 25,5 GW, c'est-à-dire 40 % de la puissance nucléaire, ce qui n'est pas rien. Comme M. le président du SER l'a dit, ce n'est pas une énergie renouvelable comme les autres, car elle est flexible et stockable et permet ainsi l'intégration des autres énergies renouvelables dites variables.

Je veux insister sur le fait que le secteur de l'hydraulique fait intervenir de nombreux acteurs – parmi lesquels EDF, qui réalise 66 % de la production d'électricité, mais il y en a beaucoup d'autres –, pour un total de près de 21 000 emplois directs et indirects en France. Sur ce point, je renvoie au Livre blanc de l'hydroélectricité élaboré par la profession, ainsi qu'au cahier d'acteur du SER et de France Hydro Électricité. C'est une filière industrielle française d'excellence, dynamique, innovante, sans parler du rôle essentiel – a fortiori en ces temps de changement climatique – que joue cette filière dans la gestion de l'eau.

Il y a cependant une autre raison de remettre l'hydraulique au coeur de la transition énergétique, à savoir son potentiel de développement. Sans reprendre les chiffres cités par Jean-Louis Bal, je veux insister sur le fait qu'il y a, contrairement aux idées reçues, un vrai potentiel de développement de l'hydroélectricité en France. Il nous faut donc rapidement libérer ce potentiel, notamment en raison de l'enjeu que représentent les milliers d'emplois correspondants dans des territoires souvent ruraux ou de montagne.

Pour ce faire, je propose d'actionner trois leviers qui permettront de débloquer les freins à la transition énergétique. Le premier est celui des appels d'offres pour de nouveaux aménagements, le deuxième est celui des améliorations sur les aménagements existants, afin d'en tirer plus d'énergie et plus de puissance, et le troisième, prévu par la loi, consisterait en la prolongation de quelques concessions en contrepartie d'investissements, ce qui permettrait également de tirer plus d'énergie et de puissance des installations existantes.

Pour ce qui est des appels d'offres pour de nouveaux aménagements, il y en a eu pour la petite hydraulique sous forme d'autorisations, qu'il faut évidemment poursuivre, mais nous attendons d'autres appels d'offres pour des aménagements de plus grande puissance, sous la forme de concessions. Si l'État a estimé lui-même en 2013 qu'il existait un potentiel de 1,2 GW d'hydroélectricité neuve – dans le respect des classements des cours d'eau – aucun appel d'offres de ce type n'a été lancé pour le moment, alors qu'une quarantaine de sites avaient été identifiés par l'État.

Comme l'a dit Jean-Louis Bal, il faut lancer des appels d'offres pour le développement du stockage de l'électricité, qui représente aujourd'hui en France 5 GW d'hydroélectricité sous forme de STEP. Il y a en la matière des possibilités quasi infinies de développement en termes de puissance : il suffit d'avoir un réservoir en amont et un réservoir en aval, et de placer une STEP entre les deux !

Le deuxième levier, celui des améliorations sur les aménagements existants, est difficilement actionnable, pour des raisons qui paraissent aberrantes. Nous avons la possibilité d'augmenter la puissance et l'énergie de certains aménagements sans conséquences environnementales, sans modifier le barrage existant, en construisant simplement un nouveau groupe, comme nous le faisons actuellement à La Coche, en Savoie, où nous avons apporté un groupe de 240 MW sur un aménagement existant, ce qui produit l'équivalent en énergie supplémentaire de la consommation de 40 000 habitants – il suffit parfois même de changer les roues, comme nous le faisons à La Bâthie, en Savoie, pour obtenir un considérable gain en termes d'énergie produite.

L'augmentation de puissance obtenue par ce type d'améliorations peut aller jusqu'à 20 % en puissance ou en énergie – cela a notamment été le cas à la suite de l'entrée en vigueur de la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) de 2005.

Pour réaliser ce type d'opérations, nous ne demandons aucun soutien public, pas même une prolongation de concession : tout ce qu'il nous faut, c'est une autorisation. Or, il se trouve qu'à l'heure actuelle, cette autorisation est extrêmement difficile, voire impossible à obtenir, car l'amélioration d'un ouvrage existant est considérée comme une modification substantielle du contrat de concession, équivalant à la fin du contrat… C'est vraiment une histoire de fous !

Le troisième levier est celui consistant en la prolongation de certaines concessions. Alors que les démarches liées aux appels d'offres prennent beaucoup de temps, dans un certain nombre de cas, nous pourrions obtenir très rapidement des augmentations d'énergie et de puissance sur des concessions existantes, grâce aux prolongations de concession prévues par la loi. Nous souhaitons que ce dispositif puisse être mis en oeuvre, en particulier pour permettre à notre projet dans la vallée de la Truyère d'aboutir. Ce magnifique projet, qui procurerait des gains importants en termes de flexibilité et de stockage, mais aussi en termes d'emploi, y compris dans les départements voisins – en particulier l'Aveyron –, est aujourd'hui bloqué par des discussions avec la Commission européenne.

J'aurais pu parler de la fiscalité et de bien d'autres choses, mais j'en laisse le soin à mes collègues. En conclusion, je dirai qu'à l'heure où l'hydraulique se développe et où les STEP fleurissent un peu partout dans le monde – il suffit de traverser les Alpes pour voir le soutien extraordinaire dont bénéficie la petite hydraulique en Italie –, il serait incompréhensible que, dans une France comptant cinq grands fleuves, sept massifs montagneux et des milliers de rivières, on ne puisse pas exploiter davantage l'hydraulique, qui représente 17 % de la production d'électricité dans le monde et constitue la troisième source d'énergie électrique après le charbon et le gaz. À mon sens, nous sommes tout à fait capables d'en faire autant en France, et donc d'atteindre une production d'électricité hydraulique représentant 15 % à 17 % de la production totale – tout cela en respectant l'environnement, bien entendu.

Permalien
Olivier Métais, président de la Société hydrotechnique de France (SHF), professeur des universités à l'Institut polytechnique de Grenoble

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, beaucoup de choses ont déjà été dites, que je vais m'efforcer de ne pas répéter : mon propos portera donc sur des aspects complémentaires.

De par son statut de société savante, la Société hydrotechnique de France (SHF) peut se prévaloir d'une parfaite neutralité. Notre rôle consiste à promouvoir le partage de la connaissance et l'innovation et, au-delà, l'aide à la prospective. Rassemblant environ 600 membres, notre société présente l'avantage de compter en son sein des profils très divers, puisqu'on y trouve des industriels, des bureaux d'études, des universitaires, des centres de recherche publics et privés, et des acteurs publics.

L'une de nos divisions est dédiée à l'hydroélectricité et, à ce titre, nous organisons chaque année un colloque sur ce thème, Hydro energy and Sustainability, dont les dernières éditions reprenaient exactement ce qui vient d'être dit sur les enjeux et les verrous associés à l'hydroélectricité. En 2011, ce colloque portait sur le thème « Les stations de pompage hydraulique, défis et opportunités » ; en 2014, sur la rénovation des centrales hydroélectriques ; en 2016, sur le thème « Environnement et hydroélectricité » ; et en 2019 – la dernière édition, à laquelle vous nous avez fait l'honneur de participer –, sur le thème « Quel avenir voulons-nous pour l'hydroélectricité en France et en Europe ? »

Notre société organise un certain nombre de groupes de travail chargés de rassembler des données objectives, de réfléchir et de faire des propositions d'actions sur des questions concrètes liées à l'ingénierie de l'eau. Au passage, je veux rappeler que l'hydroélectricité, ce n'est pas seulement les barrages, les retenues et le fil de l'eau, mais aussi l'énergie marine, un domaine dans lequel la France a un atout majeur à jouer – sur ce thème, nous avons récemment édité un dossier intitulé Un nouveau regard sur l'énergie des marées, dont je vous communiquerai un exemplaire.

À mon sens, on ne peut parler des freins au développement de l'hydroélectrique sans évoquer, à l'inverse, les points nécessaires à la réussite d'un projet dans ce secteur, qui constituent quatre piliers principaux, à savoir l'intégration territoriale, la viabilité économique, l'intégration environnementale et la faisabilité technique, que l'on doit s'efforcer de concilier de façon harmonieuse.

En matière de réglementation, les principaux freins sont l'inflation normative et le foisonnement des réglementations, ce qui apparaît clairement dans le Livre blanc de l'hydroélectricité. J'estime qu'en France, nous ne laissons pas suffisamment de place à l'expérimentation, contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays, notamment au Royaume-Uni.

Pour ce qui est de la viabilité économique, si on parle souvent de production d'énergie, on évoque plus rarement les autres volets que sont la gestion optimisée de la ressource en eau et les multi-usages de l'eau, dont l'extrême importance doit être reconnue et qui doivent bénéficier, à ce titre, d'une fiscalité adaptée – ce qui n'est pas le cas actuellement.

J'en viens à la faisabilité technique, qui passe par l'innovation. Depuis des années, je me bats pour qu'on cesse d'affirmer que l'hydraulique et l'hydroélectricité constituent une science nature : en réalité, le développement de ce secteur nécessite encore énormément d'innovation.

Pour ce qui est de la fonction de stockage de l'hydraulique, certains font valoir que d'autres moyens de stockage sont en train de se développer. En réalité, chaque moyen de stockage a ses particularités et, pour ce qui est de l'hydraulique, elle permet de stocker de grandes quantités d'énergie sur une longue période et de les restituer, de façon presque instantanée, c'est-à-dire en quelques secondes. Cela dit, l'innovation doit désormais permettre le couplage entre les différentes sources de stockage, en particulier les batteries. Nous devons également concevoir la turbine hydraulique du futur – c'est l'un des points sur lesquels je travaille –, c'est-à-dire la turbine hydraulique flexible.

La Société hydrotechnique de France veut insister sur le fait que l'effort d'innovation se doit d'être soutenu et encouragé aux niveaux national et européen par une feuille de route clairement définie : en d'autres termes, il faut définir des programmes de recherche et d'innovation cohérents. À cet égard, je mentionnerai l'initiative HydroPower Europe, financée par l'Union européenne, qui interroge tous les acteurs de l'hydroélectricité afin de définir des axes stratégiques de recherche et une feuille de route cohérente.

En tant que professeur, je suis sollicité pour participer à l'élaboration de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche, et je pense que toutes les actions mises en oeuvre dans le cadre des stratégies de la recherche doivent inclure très clairement l'hydraulique et l'hydroélectricité en tant que telles qui, je le répète, ne sont pas une science ringarde.

Permalien
Anne Pénalba, vice-présidente de France Hydro Électricité

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre invitation. Je vais m'exprimer devant vous au nom de France Hydro Électricité, qui est le syndicat de filière de la petite hydroélectricité, et j'axerai mon propos sur les problématiques de type environnemental.

Je dirai en préambule qu'en hydroélectricité, on a besoin essentiellement de trois choses, à savoir d'équilibre, de sujets étudiés au cas par cas, et de beaucoup de science. Sur ce point, je rejoins M. Métais pour considérer que l'innovation, la science, l'objectivation et la rationalité sont des aspects extrêmement importants, du point de vue technique comme de ceux de la biologie, des milieux aquatiques et de la biodiversité.

France Hydro Électricité identifie trois grands leviers : premièrement, la gouvernance et l'organisation de l'État en matière de petites centrales hydroélectriques, deuxièmement, les questions proprement environnementales, troisièmement, les questions relatives à l'énergie et aux mécanismes de soutien de la filière.

Pour ce qui est de l'organisation de l'État, la situation actuelle ne paraît pas normale, car elle n'est pas équilibrée. En effet, nos dossiers sont instruits au niveau des départements par les seuls services de police de l'eau et, quand on dépose un dossier de renouvellement ou de nouveau projet, l'arrêté d'autorisation qui est rendu est composé de dix ou douze pages, parmi lesquelles une seule ligne concerne l'énergie – pour spécifier la puissance maximale brute. La quasi-totalité du regard porté sur un dossier concerne en effet son aspect environnemental, et plus spécifiquement le milieu aquatique. Il ne s'agit pas même de considérer le bon état écologique des eaux, mais simplement la continuité écologique : en d'autres termes, aujourd'hui, le développement ou la mise en conformité d'une installation se font – ou ne se font pas – presque exclusivement au regard de critères relatifs à la migration des poissons, ceux portant sur la finalité des installations, à savoir la production d'énergie renouvelable et la contribution que la filière peut apporter aux grands enjeux environnementaux au sens global du terme – qualité de l'air, dérèglement climatique, etc. – étant laissés de côté. Il paraît donc urgent de rééquilibrer l'instruction des projets, afin de permettre aux préfets de prendre une décision elle aussi plus équilibrée.

Du point de vue de l'environnement, il convient de rappeler le principal blocage, aujourd'hui malheureusement considéré comme un fait accompli, à savoir le fait que la plupart des cours d'eau relèvent de la liste 1. Les cours d'eau sont en effet classés en trois catégories : la liste 1, où il est interdit de construire des obstacles, la liste 2, où c'est possible à condition de veiller à la continuité écologique, tous les autres cours d'eau ne faisant pas l'objet d'un classement. Aujourd'hui, le classement en liste 1 oblitère 75 % des projets de développement du potentiel hydroélectrique, alors que le caractère objectif et scientifique de ce classement a été mis en cause à de nombreuses reprises : la qualité de l'expertise présidant à son établissement laisse un peu à désirer, et nous plaidons pour la mise en oeuvre en la matière – mais aussi pour tous les classements réalisés au niveau des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) – d'une expertise contradictoire de nature scientifique et intégrant les connaissances les plus récentes, à la lumière de laquelle tous les classements auraient vocation à être revus.

Le deuxième frein à la filière hydroélectrique, qui repose sur un parc vieillissant, est celui touchant à la perte de productibles. On sait qu'on a perdu environ 3 milliards de kilowattheures (KWh), tous acteurs confondus, du fait du relèvement des débits réservés, c'est-à-dire du niveau d'eau qu'il faut obligatoirement laisser dans le lit des cours d'eau pour permettre la migration piscicole : quand vous regardez les chiffres annuels de production hydroélectrique, vous constatez que 3 milliards de kilowattheures ne sont pas délivrés, ce chiffre correspondant à ce que la profession doit laisser pour la biodiversité.

Nous continuons à mettre en conformité des centrales. Là aussi, nous demandons une évaluation au cas par cas, l'établissement de très bons diagnostics par des bureaux d'études qualifiés et un partage de ces diagnostics avec les services déconcentrés de l'État, une réelle concertation et surtout que soit portée une attention sur la perte de productibles et sur le rapport coût-bénéfice des aménagements qui nous sont demandés. Il est indispensable en effet de regarder quel est le coût des aménagements demandés et le réel bénéfice pour la biodiversité afin de prendre une décision, là encore, équilibrée.

En matière de soutien économique et de freins au développement, cela vous surprendra peut-être si je vous dis que je demande de bonnes statistiques. En effet, j'aimerais savoir de quoi l'on parle en matière de suivi de développement de la filière. Aujourd'hui, beaucoup de statistiques existent, mais il y a parfois confusion entre rénovations et nouvelles centrales. Je ne suis donc pas tout à fait sûre que l'on ait les vrais chiffres sur la trajectoire de développement de l'hydroélectricité.

Comme l'a rappelé M. Giraud, nous souhaitons davantage de souplesse dans nos contrats de mécanisme de soutien pour l'augmentation de puissance. Tout ce qui existait auparavant qui nous permettait d'augmenter la puissance très facilement a disparu – je pense notamment aux contrats additionnels. Comme lui, je pense que c'est une histoire de fous.

Les derniers appels d'offres nous obligent malheureusement à soumettre le projet à enquête publique, c'est-à-dire lorsqu'il est déjà très avancé dans son développement. Bien évidemment, si l'appel d'offres n'est pas un succès, les coûts échoués sont très élevés. Il faut savoir que le coût d'un dossier est de 300 000 euros, ce qui freine les petits acteurs à participer aux appels d'offres.

Enfin dans le parcours du combattant qu'est le développement de petites centrales aujourd'hui, la maîtrise foncière et l'accès à la maîtrise foncière constituent un obstacle supplémentaire en raison d'une mise en concurrence sur le foncier public.

Je vous remercie de votre attention. Nous restons, bien évidemment, à votre disposition.

Permalien
Marc Boudier, président de l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG)

Beaucoup de choses ont déjà été dites.

L'hydroélectricité, qui est une énergie importante, est particulièrement développée en France puisqu'elle représente de 12 % à 15 % de la production d'électricité – c'est la première source de production après le nucléaire – même si dans d'autres pays la production hydroélectrique est bien plus importante. C'est le cas en Suède où elle atteint 45 %, et le pourcentage est encore plus élevé en Autriche et en Suisse.

L'hydroélectricité présente une série d'avantages en termes de modulation, de capacité de répondre à la pointe et, comme l'a dit M. Giraud, il est possible d'améliorer encore ses performances. C'est un secteur qui a la capacité de croître grâce aux installations existantes, notamment les grands barrages, et il existe aussi certainement des possibilités sur la petite hydroélectricité.

Le respect des considérations environnementales pourrait être considéré comme un frein, alors qu'il est tout à fait normal de le prendre en compte. Ce n'est pas en augmentant le nombre d'ouvrages que l'on parviendra à développer l'hydroélectricité et, pourquoi pas, à atteindre en France de 15 % à 17 %, comme le disait M. Giraud, mais en améliorant l'existant grâce à des investissements importants.

L'un des freins principaux à la réalisation d'investissements dans cette filière, c'est l'absence de décision en ce qui concerne le renouvellement des concessions hydroélectriques. Ce sujet empoisonne la filière depuis des années, il empoisonne évidemment ceux qui, comme les membres de l'AFIEG, aspirent à pouvoir participer à ces investissements, ces installations. Ce climat d'incertitude, ce manque de visibilité empoisonnent aussi l'acteur historique. Il faut sortir de ces débats et clarifier une situation qui correspond à l'application du droit français. En effet, alors qu'on a défini la politique à suivre à partir de 2006, quasiment rien ne s'est passé depuis dans ce domaine. Nous sommes dans une situation où des concessions, alors qu'elles sont échues depuis longtemps, ne sont pas renouvelées. Aussi est-il nécessaire, je le répète, de clarifier la situation.

Je ne reviendrai pas sur tous les éléments de ce dossier, sur ce que l'on peut considérer comme de faux débats sur la privatisation, sur le fait que des acteurs étrangers seraient intéressés alors qu'un groupe français comme Total aspire à participer. Un des freins potentiels est aussi le coût de cette amélioration. Peut-on considérer qu'un seul acteur, quels que soient ses mérites, doit porter les investissements massifs nécessaires si l'on veut vraiment améliorer la situation ? Il est important, au contraire, de pouvoir diversifier les sources de financement. L'ordre de grandeur des investissements à opérer peut être fixé à 10 milliards d'euros, avec un coût estimé entre 1 et 2 millions par MW installé sur de l'existant – rehaussement des barrages, suréquipement, changement de turbines, connexion de lacs existants, bassin de démodulation, contrôle commande, modernisation des conduites forcées –, de 2 à 4 millions par MW installé pour des nouveaux seuils en petite hydroélectricité, et de 2 à 4 millions par MW en cas de STEP. D'ailleurs, certains projets sont à réaliser, d'autres ne sont peut-être pas forcément rentables aujourd'hui.

J'ajoute que le renouvellement des concessions est aussi l'occasion de remettre à plat toute une série de considérations d'ordre environnemental et de sécurité. Certains cahiers des charges datent de dizaines d'années. Il est vraiment important et utile de profiter de cette occasion pour relancer la filière hydroélectrique. Ce serait utile, non seulement pour les grands acteurs de l'électricité, mais aussi pour toute une série d'entreprises qui attendent qu'il se passe des choses importantes dans cette filière qui représente un potentiel important de création d'emplois. Il convient donc d'avancer aujourd'hui dans ce domaine.

Permalien
Jacques Pulou, référent hydroélectricité de France nature environnement (FNE), vice-président du comité de bassin Rhône-Méditerranée

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je remercie votre mission d'information de permettre à France nature environnement de s'exprimer, peut-être dans une tonalité un peu différente de ce que l'on vient d'entendre, même si certains éléments se recoupent.

J'ai organisé mon intervention en cinq fiches que je vous transmettrai.

La première fiche concerne la situation alarmante de nos cours d'eau et le rôle de l'hydroélectricité dans cet état.

Les trois quarts des cours d'eau du bassin Rhône-Méditerranée-Corse n'atteindront pas le bon état en 2027. Or, je vous rappelle que, lors du Grenelle de l'environnement, c'est un objectif de 66 % de cours d'eau en bon état qui avait été fixé. Je vous ai fourni un tableau émanant du bureau du comité de bassin de l'agence de l'eau et de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui témoigne de l'importance des différentes pressions qui s'exercent sur nos cours d'eau. On s'aperçoit que les pressions qui n'ont pas d'impact direct sur la qualité de l'eau sont celles qui sont déterminantes pour l'atteinte du bon état. Il s'agit du régime hydrologique, de la morphologie et de la continuité écologique qui occupent les trois premières places.

Pour atteindre l'objectif de bon état, il faut améliorer l'insertion du parc existant dans son environnement naturel et limiter la création d'installations nouvelles aux sites les moins sensibles. L'hydroélectricité est donc un enjeu très important pour atteindre un bon état des eaux.

J'en viens à la deuxième fiche : le développement de l'hydroélectricité joue un rôle marginal dans la transition écologique. Le tableau vous montre que la part relative du développement hydroélectrique dans celui des énergies renouvelables représentera, en 2028, 1 % du total. Comme cela fait cent ans que l'on exploite l'hydroélectricité en France, il est normal que l'on arrive au bout de ce gisement. Bien sûr, certains chiffres circulent, mais ceux-ci ne tiennent pas compte des réalités du terrain. De nombreux endroits, notamment dans les Alpes, n'ont pas été équipés, parce que, lorsque vous creusez un tunnel, la montagne vous tombe dessus – on pourrait citer quelques sites en Tarentaise.

Le développement de l'hydroélectricité ne jouera donc, en toute hypothèse, qu'un rôle marginal dans la transition écologique. L'importance de l'hydroélectricité réside dans sa souplesse et son caractère pilotable, mais cette caractéristique n'est l'apanage que d'une partie du parc actuel : les deux tiers en comptant les STEP, 50 % sans les STEP, et 45 % du productible.

La transition écologique dans le domaine de la production d'électricité – 20 % à 25 % de la consommation d'énergie finale en France – vise entre autres à injecter massivement dans le réseau l'énergie produite par des sources variables, voire intermittentes comme le photovoltaïque. Au-delà de la production électrique, les points durs concernent l'adaptation du réseau à la multiplication des sites de production dispersés et sa régulation. Sur ce dernier point, l'hydroélectricité, et plus particulièrement les grands ouvrages concédés, dotés de réservoirs et fonctionnant par écluses, peuvent apporter une contribution intéressante. Lorsque le parc renouvelable aura atteint une certaine taille et que sa production excédera parfois les besoins, des services de stockage peuvent être utiles et, là encore, la grande hydraulique, dotée de réservoirs, peut jouer ce rôle. Je reviendrai sur ce point ultérieurement.

Le développement de la production électrique ne revêt qu'un caractère marginal dans la transition écologique pour laquelle le maintien, voire l'accroissement de la pilotabilité du parc hydroélectrique constitue par contre un enjeu significatif.

La troisième fiche concerne les perspectives climatiques et sociétales, point qui n'a pas été abordé. Les débits sont menacés. Mme Ayrault, présidente de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), parle d'une baisse de 40 % du module du Rhône, et les exploitants des ouvrages EDF du Drac de la Romanche, que Mme Battistel connaît très bien, évoquent couramment une perte de module avérée de 10 % à 20 %.

Par ailleurs, les études des volumes prélevables, réalisées dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, montrent que 70 territoires de ce bassin manquent ou risquent de manquer d'eau à brève échéance.

Ce risque de pénurie se conjugue avec une augmentation de la variabilité des débits et la multiplication des épisodes de crues ou d'étiages.

Toutes ces perspectives sont préoccupantes, et nous sommes loin d'en avoir pris toute la mesure.

Toute la production hydroélectrique sera affectée, surtout la production au fil de l'eau, et notamment des petites centrales qui n'ont pas de réservoir pour concentrer les apports.

Parallèlement, les besoins en eau à d'autres fins que l'hydroélectricité ne vont pas baisser – alimentation en eau potable (AEP), irrigation, loisirs – compte tenu des épisodes de pénurie qui s'annoncent. Face à ces perspectives peu encourageantes, les investissements hydroélectriques doivent se limiter aux secteurs les moins exposés en tenant compte de ces évolutions inéluctables, et il faut faire attention à tout ce qui concerne le fil de l'eau et la petite hydraulique.

Que peut-on faire d'intelligent en matière d'hydroélectricité en France ? C'est l'objet de la quatrième fiche.

Il faut d'abord focaliser les aides sur les véritables enjeux du parc hydroélectrique dans le contexte de la transition écologique, c'est-à-dire en maintenir la pilotabilité et la souplesse d'intervention.

Le développement anarchique de la petite hydraulique que l'on voit aujourd'hui – plus de 100 projets sont en cours dans les Alpes du nord – fonctionnant au fil de l'eau, sans intérêt pour la souplesse du parc, qui affecte fortement les milieux aquatiques, notamment par sa pullulation sur les bassins versants, en particulier sur les têtes de bassins, doit être stoppé.

Le développement des chutes au fil de l'eau en site vierge doit être limité, et l'équipement des seuils existants doit être mis en balance avec leur effacement, en particulier dans les réservoirs biologiques et les cours d'eau habités par des espèces amphihalines.

Les appels d'offres « petite hydraulique » en cours sont menés sans transparence – pas de réelle concurrence puisque les sites sont différents, choix discrétionnaire entre des réponses non connues – excluent les aménagements des chutes sur les réseaux existants – AEP, assainissement – et le turbinage des débits réservés. L'environnement naturel est peu pris en compte dans l'appréciation des projets. Tout cela conduit bien souvent à de mauvais projets qui suscitent le rejet.

FNE a été consultée sur un certain nombre de sites non équipés en vue d'appels d'offres « concessions ». On a répondu, mais on ne nous a jamais recontactés. De toute façon, la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ne répond à aucune de nos lettres.

Jusque dans les années soixante, l'hydraulique, très proche du parc actuel, faisait jeu égal avec le thermique, constitué de centrales minières au charbon que l'on n'hésitait pas à conserver comme réserve tournante pour assurer les pointes, et des centrales au fioul qui ont été arrêtées après les chocs pétroliers. Cela montre que tout le parc a été construit dans des conditions économiques totalement différentes de ce que l'on connaît aujourd'hui, et totalement différentes de celles que l'on connaîtra en 2035. Aussi le potentiel pour améliorer le parc est-il très grand.

À titre d'exemple, si l'on examine l'équipement du Rhône – 25 % du productible environ –, on ne peut qu'être frappé par le sous-équipement de tout le bas Rhône. Si cet effort d'équipement était réalisé aujourd'hui, on aboutirait à un parc bien différent.

Je tenais donc à appeler l'attention sur le potentiel de modernisation du parc grand hydraulique existant et son adaptation à la transition écologique et au changement climatique. La PPE, indique un potentiel de 400 MW, sans autre précision. Quid du productible ? Qui le connaît vraiment ? Personne en fait, sauf peut-être les exploitants.

Nous sommes favorables à des suréquipements de chutes existantes, sur le Rhône et ailleurs, comme à Gavet sur la Romanche, surtout celles augmentant la souplesse d'intervention du parc si les effets de leurs éclusées en sont maîtrisés. C'est ce que font nos voisins suisses, et c'est ce que fait EDF à La Bâthie-Roselend. Nous sommes favorables à certaines extensions de chutes concédées existantes – ce que termine EDF à La Coche n'a pas appelé de réaction de notre part –, ce qui renvoie à leur renouvellement pour les plus anciennes d'entre elles.

En ce qui concerne les STEP, nous remarquons : que le besoin de stockage ne s'affirme pas avant 2035 ; que la PPE n'identifie ce besoin que de façon très imparfaite puisque le temps de cycle des 1,5 ou 2 GW prévus n'est pas donné alors que ce paramètre essentiel conditionne le volume des réservoirs ; que des technologies existent – pompes turbines à vitesse variable – qu'elles sont disponibles sur le marché, notamment chez l'ex-Alstom à Grenoble, mais qu'elles ne sont pas utilisées pour moderniser l'existant ; que des solutions de stockage de longue durée innovantes existent – je pense à l'hydrogène et au power-to-gas ; que nous avons demandé à la ministre de publier les seize sites de pompage-turbinage sur les infrastructures existantes identifiées par le projet européen e-Storage. Nous n'avons pas eu, là non plus, de réponse aux lettres que nous avons envoyées.

Il y a donc beaucoup à faire sur l'existant tout en diminuant les impacts sur l'environnement. Aussi nous ne comprenons ni n'acceptons que des fonds publics soient engagés aujourd'hui pour détruire notre patrimoine naturel avec des infrastructures nouvelles en sites vierges, souvent sensibles.

La cinquième fiche concerne les concessions hydroélectriques dont nous souhaitons le renouvellement. Nous pensons que l'ouverture à la concurrence est la seule façon aujourd'hui d'y parvenir, au vu de l'état actuel de déliquescence des services de l'État. Il faut disposer pour chaque site d'un ensemble de variantes crédibles que l'on puisse vraiment comparer. J'en veux pour preuve les errements auxquels on assiste à Poutès-Monistrol, et dans le prolongement de la concession du Rhône, où il n'y aura qu'une seule offre de prolongation.

En conclusion, les freins à la transition énergétique sont dus à de mauvais projets. On veut en effet faire accepter à la population des choses qu'elle ne souhaite pas. Si vous revenez à des projets acceptables en matière d'environnement et d'énergie, tout ira bien et il n'y aura plus de freins.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À l'issue de toutes ces interventions très complètes, je crois que vous êtes tous d'accord, y compris M. Pulou, pour dire que l'hydroélectricité est une énergie vertueuse et une filière d'excellence.

Permalien
Jacques Pulou, référent hydroélectricité de France nature environnement (FNE), vice-président du comité de bassin Rhône-Méditerranée

Tout à fait !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de donner la parole à M. le rapporteur qui nous a rejoints, je souhaite insister sur le potentiel de la petite hydroélectricité. Il y a dix ans, on parlait d'un développement de 12 TWh. Puis au vu des différentes contraintes, on s'est finalement mis d'accord sur 3 TWh. Je crois qu'on en est bien loin aujourd'hui, alors que les innovations en matière d'hydroélectricité permettent aujourd'hui de concilier production d'énergies renouvelables, continuité des milieux, respect de la biodiversité dans certains secteurs. Considérez-vous que cet objectif sera un jour atteignable ? Quels freins identifiez-vous ?

Monsieur Pulou, je ne peux pas vous laisser dire qu'il n'y a aucune transparence dans les dépôts de dossiers de la petite hydroélectricité. Pour ma part, je suis présidente d'une commission locale de l'eau (CLE), dans le département de l'Isère, où tous les projets de petite hydroélectricité nous sont soumis pour avis par le préfet.

Permalien
Jacques Pulou, référent hydroélectricité de France nature environnement (FNE), vice-président du comité de bassin Rhône-Méditerranée

Ce n'est pas de cela dont je voulais parler, mais des appels d'offres.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces projets sont étudiés par le bureau de la CLE, composé à la fois d'élus, d'industriels, d'associations environnementales – d'ailleurs, vous y êtes représentés –, de la fédération des pêcheurs et des services de l'État. Les avis de la CLE sont publiés et c'est le préfet qui décide ou non d'autoriser les projets. Ces dossiers font largement débat, et un consensus est dégagé dans une partie des cas, parce que la petite hydroélectricité peut encore se développer dans certains secteurs.

Quant à la question du classement des cours d'eau que vous évoquez, la loi relative à la transition énergétique a prévu que ces classements pouvaient être révisés. Cela ne veut pas dire que tous les cours d'eau classés en site 1 passeraient en site 2, mais que la modification des milieux et l'évolution des innovations permettent peut-être d'avoir un regard différent, avec un passage de la liste 1 à la liste 2, mais peut-être aussi de la liste 2 à la liste 1 dans certains cas. Comme vous l'avez tous dit, le cas par cas est extrêmement important sur cette question.

Monsieur Giraud, vous dites que l'hydroélectricité est la « belle oubliée » des débats sur la transition énergétique. Effectivement, il en est très peu question dans la PPE. J'ai été très déçue qu'on ne parle pas davantage de l'hydroélectricité qui est un pilier majeur dans l'équilibre de notre système électrique.

Monsieur Boudier, vous savez que je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous avez dit, notamment sur la question du renouvellement des concessions, qui n'est pas le sujet du jour. On peut concilier les renouvellements et les séparer des appels d'offres qui peuvent être totalement ouverts, concilier l'ouverture des marchés et le maintien de l'exploitation du patrimoine français. On regarde souvent l'hydroélectricité sous l'angle de la production d'énergie, mais pas suffisamment en matière de gestion de la ressource en eau, et surtout du multi-usage de l'eau – irrigation, tourisme, écrêteur de crues, etc. C'est un ensemble qui la rend un peu particulière par rapport aux autres énergies renouvelables.

Monsieur Métais, vous avez dit que l'hydroélectricité n'était pas une science mature et qu'elle avait besoin d'innovations importantes. Effectivement, d'autres innovations sont possibles. On dit souvent, dans notre jargon de parlementaires, que c'est une énergie mature parce qu'elle ne nécessite plus ou peu de financements complémentaires.

Vous avez tous parlé de potentiel d'optimisation, mais seul M. Pulou l'a évalué à 1 % de l'ensemble de la PPE. Qu'en pensez-vous, les uns et les autres ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mesdames, messieurs, je vous prie de m'excuser pour mon retard.

S'agissant de l'hydroélectricité, je ne pourrai pas faire beaucoup mieux que Mme la présidente dont c'est la grande spécialité. Pour ma part, j'ai plutôt une vue de « plat pays », avec de petits cours d'eau. Je pense que demain l'énergie sera plutôt produite et utilisée localement.

Ma question concerne les difficultés que l'on rencontre pour restaurer les moulins. Dans le Pas-de-Calais, il y a beaucoup de petites rivières et d'anciens moulins désaffectés. Leurs propriétaires veulent les remettre en route, mais ils font face à d'énormes difficultés bien qu'ils soient très respectueux de la biodiversité – ils font tout ce qu'il faut, notamment des passes à poissons. N'oublions pas que jadis ces moulins fonctionnaient et que cela n'empêchait pas la présence de poissons. Je ne comprends pas bien cette opposition entre les associations de pêcheurs et ces projets qui permettent de restaurer notre patrimoine local.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite vous interroger sur un sujet qui tient particulièrement à coeur à l'un de mes collègues sénateurs du Nord. En Flandres se pose la problématique des wateringues. Pouvez-vous nous parler du potentiel de cette hydroélectricité très particulière ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mesdames, messieurs, je vous propose de répondre de manière synthétique à ces questions.

Permalien
Jean-Charles Galland, président de la commission hydroélectricité du SER, directeur adjoint chez EDF

Les objectifs de la PPE sont de 26 400 à 26 700 MW à l'horizon 2028. Pour le syndicat des énergies renouvelables, l'objectif est plus ambitieux puisqu'il devrait, qu'il pourrait être plutôt de 27 200 MW.

Nous avons décomposé la façon de passer de 25 500 MW installés aujourd'hui à 27 200 MW. Le potentiel de développement identifié en nouvelles concessions sur de nouveaux sites est de l'ordre de 300 MW. Il s'agit de sites préidentifiés, qui ont été communiqués aux services de l'État et qui font l'objet d'un inventaire, sur lesquels on peut lancer des démarches d'appels d'offres. 400 MW sont identifiés sur de la rénovation et du suréquipement d'aménagements existants. Enfin, 900 MW environ concernent la petite hydraulique, dont l'équipement des seuils de moulins qui ne sont pas ou plus exploités et qui présentent un potentiel certain même s'il s'agit de petites puissances. Mais, en l'occurrence, les petites rivières font les grands fleuves.

Voilà comment se décomposent, de notre point de vue, les possibilités de développement de la filière.

Permalien
Jacques Pulou, référent hydroélectricité de France nature environnement (FNE), vice-président du comité de bassin Rhône-Méditerranée

Ce que j'ai mis en cause, c'est la façon dont sont menés les appels d'offres sur les autorisations. Rien d'autre. Dans votre bassin, on est effectivement consultés sur les dossiers, sur lesquels on donne notre avis et sur lesquels on livre des éléments d'information, avant que le bureau compétent prenne ses décisions : ce n'est pas du tout ce que je mets en cause.

Ensuite, en ce qui concerne les moulins, leur potentiel énergétique est relativement faible. On est moins dans le domaine de l'énergie que dans le domaine du patrimoine, domaine également très intéressant du reste. Avec les moulins, un problème se pose cependant souvent, et notamment dans votre région : ils sont parcourus par des poissons grands migrateurs comme les truites de mer, les anguilles ou, parfois, les saumons, quand vous avez de la chance, dans la Canche et l'Authie.

Mais le problème est que le fonctionnement des centrales hydroélectriques n'a rien à voir avec le fonctionnement d'un ancien moulin. Pour ce dernier, des règlements d'ouverture de vannes faisaient qu'il y avait des périodes de chômage très importantes, alors qu'une centrale hydraulique fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 361 jours par an à peu près. Une même mesure n'aura donc pas autant d'impact sur les moulins que sur des centrales hydroélectriques.

Quant aux ouvrages de franchissement, ils existent en effet, mais aucun d'entre eux ne marche à 100 %. Dans des rivières où il y a énormément de moulins, même si elles sont équipées d'ouvrages de franchissement, au bout de cinq ou six moulins, il n'y a plus de poissons qui arrivent à passer. Les questions environnementales, par rapport au moulin, se cristallisent là-dessus.

Par contre, je pense que les questions patrimoniales peuvent être prises en compte, grâce à la mise en place de dispositifs réellement efficaces. Mais il ne faut pas que les propriétaires de moulins croient qu'ils ne seront pas soumis à des obligations importantes. Cette année, sur le golfe d'Oléron, une micro-centrale a été endommagée par une crue ; il a fallu entre dix et quinze jours, pendant la migration du saumon, pour qu'elle soit réparée. Ainsi, on voit que l'arasement d'ouvrage est tout de même la solution la plus sûre.

Permalien
Anne Pénalba, vice-présidente de France Hydro Électricité

Va-t-on réussir à obtenir les 3 TWh supplémentaires attendus ? Vous avez compris, alors qu'on part de moins 3 TWh, que cela va être extrêmement compliqué, vu tous les freins au développement des petites centrales qu'on a identifiés. Je me permets d'insister sur les statistiques : quand on entend, d'un côté, que l'hydroélectricité « pullule » et « prolifère », alors que nous pensons qu'elle complètement freinée, il y a vraiment un problème d'objectivation des données. Il serait tout de même bon que chacun sache quelle est exactement la réalité du développement.

Ensuite, je voudrais reprendre la question des appels d'offres sous un angle un petit peu différent. D'une part, il y a déjà, dans l'appel d'offres, un pré-cadrage environnemental de la part de l'État et des services de l'environnement, de sorte que les candidats déposent un dossier qui inclut ce pré-cadrage environnemental et une notation faite par les services de l'État. D'autre part, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) évalue la qualité du dossier, sur la base des différents critères, avant de décider qui est lauréat. Ainsi, le dossier a déjà été parfaitement vu du point de vue de l'environnement. Par la suite, le dossier suit un déroulé classique : il arrive à l'instruction, c'est-à-dire qu'il y a tout de même une enquête publique, laissant toute possibilité aux acteurs de s'intéresser à ces projets, de donner leur avis et de prendre connaissance du dossier. Cela ne se développe donc pas dans le dos tout le monde ; la démarche est parfaitement transparente, au contraire.

Quant à l'intérêt de l'hydroélectricité dans la transition énergétique, un phénomène devient prégnant, à savoir que les citoyens eux-mêmes prennent en compte ce sujet-là. Ils veulent eux-mêmes produire leur électricité, ou alors veulent s'approvisionner en électricité verte. Pour ma part, j'assiste à un phénomène très récent pour les centrales que j'exploite aujourd'hui, à savoir une demande de petite hydroélectricité sur le marché, parce qu'il y a une véritable demande des citoyens, aujourd'hui, pour avoir de l'énergie verte produite à côté de chez eux. Cela fait un mois et demi que je reçois une demande par semaine de d'acteurs ou de fournisseurs divers, qui veulent de la petite hydroélectricité traçable avec ses garanties d'origine, dont ils savent qu'elle est produite sur telle centrale et à tel endroit. Voilà un phénomène assez nouveau : le fait que les citoyens eux-mêmes demandent aujourd'hui ce type d'énergie. Je pense que l'on va voir en partie le même phénomène avec les moulins : une volonté des acteurs d'être autonomes – outre l'aspect patrimonial, bien entendu, qui est indiscutable et qu'on salue tous. Toutes les nouvelles notions telles que l'énergie répartie ou l'autoconsommation, prévues par les directives européennes, mais déjà incluses dans notre réglementation, sont des sujets sur lesquels hydroélectricité a aussi son mot à dire.

L'hydroélectricité dans la transition énergétique ne s'apprécie pas simplement dans une dimension pondérale. Ce n'est pas simplement de la quantité. Son apport passe aussi par la manière dont l'hydroélectricité stabilise les courbes de charges d'énergies qui sont un petit peu plus variables qu'elle dans la journée. L'eau ne s'arrête pas de couler d'un instant à l'autre comme cela peut être le cas, pour d'autres équipements, si un nuage passe devant le soleil. Au fil de l'eau, l'hydroélectricité permet de lisser les courbes de charges et permet aux gestionnaires du réseau de distribution de repousser des investissements qu'il devrait faire plus rapidement, vu le développement important d'autres énergies renouvelables.

Ainsi, l'hydroélectricité permet une transition énergétique de bonne qualité, plus facile que dans d'autres pays européens. Car on aura toujours besoin de toutes les formes d'hydroélectricité pour stabiliser le réseau, que ce soit en effet aux heures de pointe ou s'agissant de l'énergie en base. Le plan de tension de la petite hydroélectricité participe parfaitement aux réglages de la tension sur le réseau. C'est un fait qui est absolument indiscutable. Il ne faut donc absolument pas oublier l'ensemble des services rendus par l'ensemble des formes d'hydroélectricité. Toutes sont nécessaires à la transition énergétique.

Permalien
Marc Boudier, président de l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG)

En ce concerne l'hydroélectricité, il ne faut pas se concentrer uniquement sur la partie énergétique du sujet, même si on en connaît les vertus dans ce domaine-là. Il y a cependant des considérations globales à prendre en compte : animation des vallées, tourisme… C'est pourquoi il est important qu'il y ait, dans le cadre du renouvellement des concessions, une capacité à jauger trois critères : le critère économique, à savoir le montant des redevances versées à l'État, ainsi que les retombées pour les collectivités locales ; le critère environnemental ; le critère énergétique.

L'approche économique doit embrasser une vision globale des choses. On sait que la Suisse ou la Suède présentent des exemples intéressants dont on peut s'inspirer. Ce qui est certain, c'est que, pour gagner, à partir du moment il y aura une compétition, il faudra faire la meilleure offre dans ces trois critères. Il ne s'agit pas de se concentrer uniquement sur la rentabilité future, sans aller jusqu'à ces projets caricaturaux qui ne prévoient pas d'investissements.

Ily a un autre point sur lequel je voudrais insister : nous avons besoin, dans ce secteur d'activité, de visibilité sur le long terme. On ne peut pas rester dans une situation où, depuis neuf ans, on n'a aucune idée du calendrier.

Permalien
Marc Boudier, président de l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG)

Il est important, pour tous les acteurs, de disposer d'une vision actualisée et précise de la façon dont les choses vont se passer, et ce d'autant plus qu'il faudra s'assurer qu'aux délais passés ne s'ajouteront pas des freins futurs.

Permettez-moi de prendre un exemple tout simple : lorsque vous arrivez en fin de concession, vous êtes censé publier largement à l'avance un dossier de fin de concession. Je pense que les concessionnaires sortants ont fait ou feront leur travail, mais j'insiste sur le fait que, dans ce secteur qui est prioritaire et dont tout le monde reconnaît l'importance pour le mix énergétique et pour l'économie française en général, il faut qu'on ait une vision du temps. Il ne faut pas perdre trop de temps dans des débats finalement un peu dogmatiques, mais aussi, demain, du fait d'éventuels freins strictement administratifs ou techniques à l'action.

Permalien
Olivier Métais, président de la Société hydrotechnique de France (SHF), professeur des universités à l'Institut polytechnique de Grenoble

Je vous remercie d'avoir relevé le fait que l'hydroélectricité n'est pas une science mature. Pour réagir à ce qu'a dit madame Penalba, la science n'est effectivement pas uniquement importante dans les aspects technologiques, mais aussi du point de vue de la biodiversité et de la continuité écologique. Il faut donc beaucoup d'innovations dans ce domaine.

Ces dernières années, ni l'hydroélectricité ni, d'ailleurs, l'énergie hydraulique n'ont jamais tenu une place centrale dans les appels d'offres en recherche. Or il faut qu'elles retrouvent cette place centrale. Dans le dernier congrès qu'on a organisé à Grenoble, un commissaire européen nous a fait comprendre qu'en gros, l'hydraulique n'était « pas sexy ». Peut-être faut-il y remédier, mais il y a surtout besoin, dans l'énergie renouvelable, d'innovations dans tous les domaines et d'interfaçage entre les agents et entre les disciplines. Cet interfaçage ne joue pas forcément un rôle en lui-même, mais il joue un rôle en relation avec les autres énergies renouvelables.

Pourquoi des organismes comme l'ADEME ne placent-ils jamais l'hydraulique au centre de leurs recherches et de leurs appels d'offres ? Y a-t-il moyen d'améliorer les choses à ce niveau-là ? L'Europe ne propose pas de programme centré sur l'hydraulique et l'hydroélectricité, toujours envisagés non certes comme roue de secours, mais tout de même seulement comme moyen de stockage. Je serais donc heureux que l'hydraulique trouve ou retrouve une place centrale sur le plan scientifique.

J'appelle aussi à la revalorisation de l'avis scientifique dans les conflits. Car je pense que, dans des situations tendues, lorsqu'il y a des blocages sur des aménagements, il faut revaloriser l'avis scientifique, fondé sur une expertise neutre qui repose sur des arguments qui ne soient ni passionnels ni dogmatiques.

Permalien
Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER)

J'aurai appris un mot aujourd'hui : « wateringue ». Sans doute un mot flamand francisé ? Je ne sais pas quel est le potentiel d'exploitation des wateringues, mais nous allons examiner la question.

Quant à l'impact du changement climatique, devant entraîner une plus grande variabilité de la pluviométrie et du débit de nos différents cours d'eau, il posera un problème de gestion de l'ensemble des usages de l'eau, non seulement pour la production d'électricité, mais aussi pour l'approvisionnement en eau potable, l'irrigation et l'utilisation de l'eau pour le tourisme. Il engendrera surtout un besoin supplémentaire en capacité de stockage. Plus on aura de contraintes sur l'utilisation de l'eau, plus grande sera la nécessité de stocker l'eau et, partant, de disposer de barrages de bonne capacité.

En Nouvelle Aquitaine, la région a mené, sous la direction du climatologue bien connu Hervé Le Treut, des études visant à mesurer l'impact à moyen terme, à l'horizon 2050, du changement climatique. Je pense qu'il serait extrêmement utile que chacune des régions françaises mène le même travail. Car cela permet de bien identifier tous les impacts liés à l'approvisionnement en eau, notamment. Mais l'agriculture va aussi être impactée : il faudra peut-être des cultures qui demandent moins d'eau pour l'irrigation. La forêt sera aussi concernée.

Des prévisions sur le changement climatique, je retiens la nécessité d'avoir un bon stockage et, sur cette base, une gestion des différents usages et une hiérarchisation entre eux qui sera peut-être différente de celle qui existe aujourd'hui.

Permalien
Yves Giraud, directeur d'EDF Hydro

Je voudrais revenir sur trois points : les questions de potentiel, les questions d'investissement et les questions d'environnement et de changement climatique.

D'abord, je voudrais redire que l'hydraulique a un énorme potentiel. Le SER l'a chiffré à une centaine de TWh à l'horizon 2030, soit un tout petit peu plus loin que l'horizon de la PPE 2028, contre seulement 67 TWh aujourd'hui. La différence est donc considérable : on en a sous le pied ! Vous m'interrogiez sur le potentiel en termes de rénovation : eh bien, si nous faisions ce que nous autorise à faire la loi POPE, c'est-à-dire augmenter de 20 % la capacité actuelle de la France, c'est-à-dire 25,5 GW, nous obtiendrions 5 GW supplémentaires. Atteindre 2 gigawatts devrait du moins être facile.

Monsieur Pulou, en ajoutant des groupes, comme nous l'avons fait à La Coche, ou en modernisant les installations comme nous le faisons à la Bâthie, nous ne touchons pas nécessairement à l'environnement, c'est-à-dire au barrage. Quant au stockage, je redis que les possibilités sont quasi infinies, sur le plan technique en tout cas. Si vous disposez d'un réservoir en haut et d'un réservoir en bas, il suffit de pomper et de turbiner pour disposer d'une solution de stockage d'une capacité immense –de la même manière que vous chargez et déchargez une batterie. De surcroît, cette solution est écologique ; en tout cas, elle présente un intérêt, sur le plan environnemental, par rapport à d'autres solutions.

Sur les investissements, je voudrais reprendre ce que disait monsieur Marc Boudier. Je ne crois pas que la question de la mise en concurrence soit l'objet de cette matinée, mais je voudrais corriger l'idée reçue selon laquelle les investissements sont gelés dans l'attente de la mise en concurrence et de l'échéance des titres. La filiale EDF Hydro a investi, sur le territoire de la France métropolitaine, 83 millions d'euros sur des titres échus, au cours des quelques années passées. C'est considérable.

Nous faisons évidemment des investissements de sûreté, en particulier vis-à-vis de la gestion des crues. Nous faisons aussi des investissements de continuité écologique et des investissements d'amélioration de la production. Plus largement, EDF Hydro investit, chaque année, de l'ordre de 400 millions d'euros sur ces ouvrages, ainsi qu'une centaine de millions d'euros pour le développement. Ce sont des chiffres considérables. Je ne suis pas sûr que les électriciens européens en fassent autant dans leur propre pays.

Troisièmement, s'agissant de l'environnement, je remercie monsieur Pulou d'avoir souligné que La Coche, Romanche-Gavet ou la Bâthie où les travaux et aménagements ne lui causent pas de soucis. Je crois qu'on ne doit pas s'interdire de développer de l'hydro-électricité, même si on doit évidemment le faire dans le plus grand respect de l'environnement. Comme l'a dit monsieur Métais, il y a aujourd'hui des solutions techniques permettant d'avoir des turbines ichtyphiles, qui laissent passer les poissons. Beaucoup de PME en France s'en font une fierté. Nous, Français, avons des références en la matière.

Cela dit, plusieurs rapports parlementaires soulignent les difficultés liées à la mise en oeuvre de la continuité écologique, notamment le rapport Vigier-Dubois de votre assemblée, ou celui du sénateur Pointereau. Ces rapports montrent l'intérêt qu'il y aurait à avoir des approches coût-bénéfices, comme l'a souligné Madame Pénalba.

Dans le domaine du changement climatique, EDF Hydro fonde ses convictions sur des études météo et sur des travaux de recherche et développement. Car la France a des spécialités en la matière. Plus précisément, notre conviction est qu'il n'y aura pas moins d'eau, mais qu'il y aura de l'eau différemment : pas dans les mêmes endroits et pas aux mêmes moments, la fonte nivale étant en particulier anticipée par rapport à ce que nous connaissions auparavant. Notre sentiment est que les spécialistes de l'hydraulique ne doivent pas voir cela comme une menace, mais, au contraire, comme une opportunité. C'est ce qu'ils le font déjà.

Ce sont, de fait, déjà des acteurs de l'eau. Nous, à EDF, nous gérons 75 % du stockage artificiel des eaux de surface en France. Nous devons intégrer cette problématique de gestion de l'eau dans le cadre du réchauffement climatique, au même titre que nous y intégrons notre métier premier, qui est celui de produire de l'électricité. C'est une opportunité supplémentaire et c'est une opportunité pour l'hydraulique.

Permalien
Jean-Charles Galland, président de la commission hydroélectricité du SER, directeur adjoint chez EDF

Sur le changement climatique, je crois qu'il faut avoir en tête que, aujourd'hui, on a de fait un soutien du débit des cours d'eau effectué par de grands réservoirs placés en tête de nos cours d'eau. Si vous vous remémorez un petit peu l'hydrologie des dernières années, les étés et les automnes que nous avons connus, vous constatez que ces barrages ont permis d'éviter des catastrophes écologiques, au sens où ils ont permis de soutenir le débit des cours d'eau, de façon constante, sur toute la durée de ces étiages, de plus en plus sévères ces dernières années, du fait de cette nouvelle répartition de la ressource dont parlait Yves Giraud.

Les aménagements hydroélectriques jouent aussi un rôle très important dans l'aménagement du territoire, au sens où la gestion de l'eau permet de concilier de très nombreux usages. Madame la présidente, on avait travaillé sur le sujet sous votre égide : dans un certain nombre de vallées, la valeur ajoutée créée par les aménagements hydroélectriques est très largement inférieure à celle qui est créée par les autres usages, que ce soit l'agriculture, l'eau potable, la navigation… On avait, dans ce cadre, évalué que, sur la vallée de la Durance, la valeur ajoutée de l'hydroélectricité représentait seulement 25 % de la valeur ajoutée totale apportée par les aménagements hydroélectriques, le reste étant créé par l'eau potable, par l'agriculture et par le tourisme, composante également importante.

Enfin, la préservation de l'environnement est une préoccupation vraiment première des hydro-électriciens. La profession a estimé qu'elle avait dépensé de l'ordre d'un milliard d'euros pour les problématiques de continuité écologique ces dernières années. Je pense que cela conduit à un certain nombre de succès. Nombre de cours d'eau qui sont situés à l'aval de nos aménagements sont classés réservoirs biologiques ou sont classés en liste 1. Cela montre bien que les efforts faits produisent leurs résultats. Autre illustration, peut-être plus emblématique : la Dordogne par exemple a été classée réserve mondiale de biosphère par l'Unesco, alors que c'est un cours d'eau très aménagé. Cela montre que la conciliation des usages est tout à fait possible, comme cette conciliation l'est également avec l'environnement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie. Nous avons entendu vos propositions pour lever les freins au développement de l'hydroélectricité, mais aussi votre appel à la vigilance qu'on doit avoir sur la question climatique et environnementale. Je retiendrai plus particulièrement l'amélioration des aménagements existants, puisque c'est ce qui fait le plus largement consensus.

S'agissant du renouvellement des concessions, on ne peut pas rester dans cette situation de statu quo. Mais je suis totalement d'accord avec vous pour dire que l'ouverture large du marché n'est peut-être pas forcément la solution à tout, sinon l'ensemble des pays y seraient venus. D'autres solutions existent. En tout cas, il faut trouver une solution dans des délais les plus rapides possible.

L'audition s'achève à dix heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 4 avril 2019 à 9 h 15

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Jennifer De Temmerman, M. Bruno Duvergé, Mme Nathalie Sarles