Sur de nombreux bancs, nous avons le sentiment d'une occasion manquée. Il est pourtant rare de voir, à l'Assemblée nationale, toutes les sensibilités partager à ce point, et de manière tout à fait sincère, la volonté de participer à un travail commun de reconstruction, à la suite d'un accident malheureux, qui fut pour beaucoup traumatisant et qui a révélé l'importance que ce monument, Notre-Dame de Paris, avait dans l'histoire et dans le coeur de nombre de nos concitoyens et concitoyennes, et même au-delà.
Il symbolise en effet, par les prouesses techniques et humaines que sa construction a nécessitées et par la richesse exceptionnelle de son architecture et de ses ornements, l'expression d'une intelligence tant de l'esprit que de la matière et une technicité humaine qui est célébrée sur tous les bancs. C'est pour cela que nous, à la France insoumise, avions le sentiment que ce qui aurait dû nous animer dans ce débat, c'est la nécessité de passer ensemble un contrat moral sur l'ambition à la fois technique, symbolique, historique et humaine qui avait été à l'origine de l'édification de Notre-Dame et qui aurait pu être renouvelé à l'occasion de sa restauration. Malheureusement, la majorité, le Gouvernement et le Président de la République sont passés à côté de ce moment historique.
Monsieur le ministre, vous avez, tout au moins ce soir, mais j'imagine que cela a été le cas durant toute la journée, beaucoup parlé d'exemplarité. Or comment voulez-vous être exemplaire si vous écrivez non pas la règle, mais l'exception, la dérogation ? Quelle exemplarité peut-il y avoir à déroger à toutes les règles sociales, environnementales, éthiques et démocratiques qui ont pourtant contribué, cela a été dit, à dessiner un cadre qui est devenu une référence au plan international ? Si l'article 9 est un de ceux qui ont suscité la plus grande opposition, c'est parce qu'il concentre tous les problèmes liés à la manière dont vous avez envisagé cette restauration, qui semble ne devoir répondre qu'à un impératif événementiel – il a été question à plusieurs reprises des Jeux olympiques. Le chiffre de cinq ans ne sort pas du chapeau : c'est la durée qui nous sépare de cette échéance. Certes, tout le monde souhaite qu'aussi bien les fidèles que les citoyens et les touristes puissent avoir accès à Notre-Dame le plus rapidement possible, mais cela ne signifie pas qu'il faille pour autant engager la restauration en prenant pour seul étalon cette échéance-là, sans tenir compte, cela a été souligné à de nombreuses reprises, de l'avis de celles et ceux qui travaillent à la préservation et à la conservation du patrimoine. De nombreux experts et expertes ont d'ailleurs lancé des appels en ce sens, que vous avez choisi d'ignorer.
Voilà donc un nouveau projet de loi qui se fait dans l'urgence. Nous en avons pris l'habitude. Encore une fois, vous recourez de manière excessive aux ordonnances. Nous avons toujours critiqué cette méthode. Vous nous demandez de vous faire confiance alors que, de notre point de vue, vous avez, au cours des deux dernières années, montré qu'on ne peut pas vous faire confiance, qu'on ne peut pas croire un seul mot de ce que vous dites, quand bien même ce serait dans l'hémicycle. Cela amène le groupe La France insoumise à ne pas vous accorder la confiance que vous demandez à travers ce projet de loi et ses nombreuses habilitations à légiférer par ordonnance, et à s'opposer à ce texte.
Croyez bien que si nous le faisons, ce n'est pas de gaieté de coeur, ni même par conviction politique – comme cela nous est arrivé de le faire. C'est simplement parce que vous ne vous êtes pas révélés à la hauteur de la tâche.