Intervention de André Chassaigne

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

La lecture du rapport sur la proposition de résolution européenne est un véritable cas d'école pour dénoncer le sort réservé au secteur agricole dans le cadre des accords de libre-échange. L'agriculture, comme vous le dites, fait partie des « intérêts défensifs » européens et « offensifs » pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Elle est traitée comme une monnaie d'échange, contrepartie à livrer à la poursuite des intérêts commerciaux des biens manufacturés et des services. C'est la concrétisation des propos tenus par les commissaires européens et notamment par le commissaire à l'agriculture lors de son audition devant la commission des Affaires économiques et la commission des Affaires européennes, le 10 octobre 2017 : « Il faut faire des compromis et des concessions en matière agricole pour que les secteurs financiers et industriels, créateurs d'emplois en France comme ailleurs en Europe, bénéficient également de ces accords. » Tout est dit.

Le rapport est très clair même si je trouve qu'il aurait été pertinent d'avoir une analyse d'impact plus poussée sur l'importation de produits agricoles néozélandais et australiens. Mais je ne suis pas sûr que l'on dispose de suffisamment de données pour cela.

La proposition de résolution européenne n'est en revanche pas du tout à la hauteur. Le cumul du CETA, du MERCOSUR et des autres traités en cours de négociation, c'est en réalité une bombe contre l'agriculture et l'alimentation européennes. Une bombe !

Aussi, il faut exiger l'exclusion du secteur agricole des accords de libre-échange. C'est une nécessité agricole, alimentaire et climatique. Il faudrait dire les choses. Nos éleveurs seront les victimes d'un libre-échange et d'une doctrine, le néolibéralisme, prêt à livrer corps et biens un secteur répondant à un besoin primordial des Européens et des Français. En réalité, il n'y a pas d'alternative à la sortie du secteur agricole de ces accords. Mais évidemment tout l'édifice de ces accords tomberait sans secteur agricole livré aux appétits libéraux dans ce cas d'école que constituent l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Les carcasses, voire les produits laitiers, vont pouvoir circuler librement sur des dizaines de milliers de kilomètres, pendant que nos producteurs locaux mettront la clé sous la porte. Pour moi, c'est la logique même du libre-échange qui doit être contestée.

Cette proposition de résolution européenne est un enfumage, un paravent qui ne protégera pas l'agriculture française et européenne. Elle aurait pu cependant reprendre les engagements du Président de la République, lors de son intervention sur les accords de libre-échange à Rungis, le 11 octobre 2017, au cours de laquelle il avait déclaré : « Aucun traité commercial ne vous propose d'avoir un droit qui est inférieur à ce que vous opposez à vos propres acteurs. […] Tout le droit européen, toutes nos normes environnementales, sanitaires, sécuritaires concernant toutes les filières qui sont les vôtres seront évidemment pleinement défendues et respectées par l'ensemble des produits importés dans le cadre de ce traité comme dans le cadre de tout traité commercial. » Je pense qu'il aurait fallu reprendre clairement ces engagements dans la proposition de résolution européenne, notamment exiger que l'Union européenne contrôle et interdise toute importation de viande d'animaux nourris aux farines animales ou traités aux antibiotiques dans chacun des traités commerciaux en cours de négociation. Pourquoi ne pas préciser dans ce texte que nous demandons l'interdiction d'entrée sur notre marché de productions animales ayant inclus dans leur cycle de production ou via l'alimentation animale l'utilisation de néonicotinoïdes ou de produits aux modes d'action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes ? Pourquoi ne pas préciser que nous interdirons toute importation de production ayant été produite sur des parcelles traitées au glyphosate ?

Vous comprendrez que je ne voterai pas cette proposition de résolution européenne. Je salue néanmoins ce rapport qui est en fait une dénonciation du sort réservé au secteur agricole. La proposition de résolution européenne n'est pas à la hauteur du rapport.

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