Je me réjouis de la perception favorable que vous avez de ce rapport. J'y vois le résultat de la méthode de concertation que nous avons employée, qui a reposé sur l'écoute de toutes les parties et a tiré profit des rapports parlementaires consacrés au sujet.
Olivier Véran a évoqué la réforme de la Constitution. Une annexe du rapport s'interroge sur la possibilité d'intégrer le risque de perte d'autonomie dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale sans modification constitutionnelle. La réponse n'est pas limpide. Selon l'analyse du membre du Conseil d'État Nicolas Polge et d'autres juristes, tout dépend de l'interprétation que fera le Conseil constitutionnel de la notion de sécurité sociale, mentionnée deux fois dans l'article 34 de la Constitution. Si la définition des deux occurrences est jugée identique – ce qui est la position la plus vraisemblable, selon la plupart des juristes –, une vision large sera privilégiée. De fait, la dépendance pourra s'inscrire dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale. Une vision plus restrictive pourrait toutefois être retenue.
De nombreuses questions ont porté sur le financement et la viabilité de nos propositions. Délibérément, le rapport n'emploie jamais l'expression de cinquième branche. En effet, nous ne souhaitons pas que le risque dépendance soit assimilé à la gestion classique des branches de la sécurité sociale.
Nous voulons en outre affirmer le rôle essentiel du département. Ceci nous renvoie à une question de fond. Aujourd'hui, la protection sociale des Français ne se résume pas à une solvabilisation et à une distribution monétaire, mais repose aussi sur des services de proximité, essentiels à la qualité de l'offre de santé. Nous serons de plus en plus conduits à construire des services de proximité dédiés à la petite enfance, à la santé et au grand âge. Le département peut y jouer un rôle intéressant.
J'affirme toutefois que nous aurons besoin de recettes propres. Aussi la sécurité sociale doit-elle avoir des relations financières claires avec l'État. Sans cela, nous peinerons à construire un équilibre pérenne.
J'assume par ailleurs l'anticipation d'excédents de la sécurité sociale. Ces excédents peuvent survenir spontanément, mais aussi être produits par des dispositions particulières. Si nous excluons tout nouveau prélèvement obligatoire, sans doute faudra-t-il prioriser les dépenses en faveur du grand âge par rapport à d'autres. Nous y voyons une piste pour porter la dépense publique dédiée au grand âge de 1,2 % à 1,6 % du PIB, outre la mobilisation de la CRDS à compter de 2024.
Madame Fiat, je partage en partie vos propos. Je suis pleinement conscient que ce rapport consacré au grand âge devrait s'inscrire dans une politique plus globale de l'autonomie. Nombre de nos constats et propositions s'appliquent parfaitement au sujet du handicap. Certaines de nos recommandations relient d'ailleurs ces deux volets, comme le rapprochement de l'APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Madame Robert, la philosophie qui sous-tend notre rapport est celle de la citoyenneté, de l'autonomie et de la prise en considération des aînés comme des personnes à part entière, dans toute leur dignité. L'enjeu n'est pas de changer de regard sur les personnes âgées uniquement, mais aussi sur nous-mêmes et sur la société à laquelle nous aspirons. J'interroge une société qui valorise la performance avant tout. Les personnes âgées ont beaucoup à nous apprendre. Le temps que nous leur consacrons nous enrichit. La question de la transmission se trouve incidemment posée. À cet égard, je ne considère pas l'équilibre des finances publiques comme une fin en soi. J'y vois le moyen de construire dans la durée une autre société, fondée sur d'autres valeurs, que nous pourrons transmettre aux générations futures.
Monsieur Perrut, plusieurs raisons me rendent dubitatif vis-à-vis d'une assurance dépendance obligatoire privée. Je m'interroge sur la justice d'un tel principe. D'aucuns préconisent un système par répartition dans lequel chaque actif cotiserait 10 à 12 euros mensuels, en vue d'un reste à charge allégé de 500 euros. Notez que pour certains de nos concitoyens, une dépense mensuelle de 10 euros représente un poids non négligeable. Tous les jeunes y seraient soumis des décennies durant, indépendamment de leurs revenus, tandis que les personnes âgées bénéficieraient immédiatement d'un allègement de 500 euros, quels que soient leurs revenus. Une telle mesure équivaudrait à un prélèvement obligatoire. Or l'assurance privée est moins solidaire et moins juste que l'assurance publique.
La question qui nous occupe est loin de se résumer au reste à charge. Plus largement, nous avons besoin de moyens financiers, d'un pilotage et d'une régulation pour prendre en charge globalement le système, y compris l'offre. Si nous misions sur l'assurance privée, nous nous contenterions d'agir sur le reste à charge, de façon quelque peu injuste de surcroît. Si au contraire nous entendons réinventer l'offre, l'intervention des pouvoirs publics sera nécessaire. Un système d'assurance privée forte induirait une déconnexion entre un financeur d'une part, et d'autre part un régulateur dépourvu de moyens. J'ai la ferme conviction que la solidarité nationale doit être au coeur de la prise en charge des aînés dans les décennies à venir.
Je conviens, monsieur Perrut, que nous ne devons pas attendre la loi pour agir. Certaines mesures peuvent sans doute être anticipées. Le sujet est entre les mains des pouvoirs publics.
N'en ayant pas connaissance, je ne saurais me prononcer sur le plan d'économies du CEPS. Le fait que nous proposions de nouvelles dépenses, parfaitement justifiées, n'exclut pas de réaliser des économies par ailleurs. À titre d'exemple, nous recommandons très fortement qu'un dispositif de location des aides techniques, comme les fauteuils, se substitue au système d'achat actuel. Le coût en serait amoindri. De nombreux pays procèdent ainsi.
D'autres économies d'efficience peuvent être réalisées, à une échelle certes plus limitée que dans des domaines de l'action publique où la dimension humaine est moins prégnante. Les établissements pourraient réaliser des achats groupés, entre autres exemples.
Quant au lien entre la prise en charge du grand âge et celle de la petite enfance, monsieur Isaac-Sibille, j'y ai fait référence en appelant à intégrer, dans la négociation sociale, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale des aidants. La prise en compte de ce sujet doit devenir aussi naturelle que pour les jeunes enfants.
Comme je l'ai expliqué, madame Firmin Le Bodo, je ne propose pas la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale.
Enfin, monsieur Dharréville, la coordination que nous proposons concourra à la meilleure organisation d'un service public de l'autonomie, dans la proximité. C'est l'une des ambitions de ce rapport.