Mercredi 10 avril 2019
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente
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La commission entend M. Dominique Libault, président du Haut conseil du financement de la protection sociale, sur son rapport issu de la concertation sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes, remis à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Nous devons tout d'abord procéder à la désignation des membres de la mission d'information relative à l'organisation territoriale de la santé mentale, dont le bureau de notre commission a approuvé la création J'ai reçu les candidatures de M. Brahim Hammouche pour le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés en tant que président, ainsi que de Mmes Martine Wonner pour le groupe La République en Marche et Caroline Fiat pour le groupe La France insoumise, en tant que rapporteures. Avez-vous des oppositions à exprimer ?
Ainsi en a décidé le bureau. Je vous rappelle, monsieur Door, que vous avez déposé une candidature et l'avez ensuite retirée. Le groupe MODEM a décidé d'utiliser son droit de tirage, ce à quoi nous ne pouvons nous opposer. La mission d'information est donc constituée sous la forme que je viens d'énoncer.
Je viens de comprendre que s'exerçait ici le droit de tirage du groupe MODEM. Pour autant, les rapports sont généralement conduits de manière paritaire, par un membre de l'opposition et un membre de la majorité. En l'occurrence, je ferai face à deux membres de la majorité pour coécrire un rapport. Cette façon de procéder est quelque peu perturbante.
Je vous comprends, madame Fiat. Cependant, j'ai respecté les règles de répartition entre l'opposition et la majorité pour la désignation des rapporteurs. La présidence de cette mission ne modifie guère l'équilibre des forces.
Avant d'aborder le point suivant de notre ordre du jour, je vous propose d'entendre Mme Carole Grandjean, notre référente auprès de la commission des affaires européennes, sur la proposition de résolution européenne qu'elle a déposée avec Mme Marguerite Deprez-Audebert relative au socle européen des droits sociaux (n°1791).
Cette proposition de résolution, qui peut être consultée sur le site Internet de l'Assemblée, a été adoptée par la commission des affaires européennes le 21 mars dernier. Bien que l'article 156, alinéa 2, du Règlement de l'Assemblée nationale, n'en impose pas l'examen par notre commission, il m'a semblé utile de proposer à Carole Grandjean de nous en exposer brièvement le contenu.
Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter le rapport d'information relatif au socle européen des droits sociaux, sur lequel j'ai travaillé pendant plusieurs mois avec notre collègue Marguerite Deprez-Audebert pour la commission des affaires européennes. Ce rapport est assorti d'une proposition de résolution européenne, laquelle a été adoptée à l'unanimité par cette commission le 21 mars dernier.
L'objectif de ce rapport était de mesurer les apports du socle européen des droits sociaux, proclamé en novembre 2017, au regard de ce que l'on qualifie d'« acquis social européen », c'est-à-dire de toutes les actions déjà entreprises par l'Union européenne en faveur des droits sociaux.
Le socle européen des droits sociaux est une proclamation interinstitutionnelle de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil. Il contient un long préambule de vingt principes, structuré en trois chapitres, ayant respectivement trait à l'égalité des chances et à l'accès au marché du travail, à l'équité des conditions de travail, et enfin à la protection et l'inclusion sociales.
Notre rapport entend transmettre trois messages.
Tout d'abord, nous souhaitons montrer que le socle est loin d'être le premier acte de l'Union en matière sociale. Nous rappelons ainsi toutes les actions que l'Union européenne a menées en matière sociale. Au total, la législation sociale européenne compte près de 200 textes. Cette situation n'était pas gagnée d'avance. L'acquis social européen s'est construit progressivement, depuis la déclaration Schuman jusqu'à nos jours, en passant par le traité de Rome et le protocole sur la politique sociale du traité de Maastricht.
Aujourd'hui, le traité de Lisbonne définit la politique sociale comme une compétence partagée entre l'Union et les États membres pour les matières définies dans le traité – l'Union devant se limiter, pour le reste, à une coordination des actions des États. Ainsi, malgré ses compétences limitées, l'Union a toujours agi en matière sociale, en particulier en ce qui concerne l'information, la consultation et la santé des travailleurs, depuis 1975, l'égal traitement entre les femmes et les hommes, depuis 1976, la santé publique – qui concerne aujourd'hui 10 % de la réglementation communautaire et 80 % des textes européens en matière sociale –, ou encore le détachement des travailleurs, dont l'encadrement a été renforcé par la directive du 28 juin 2018. N'oublions pas l'ensemble des fonds structurels européens à vocation sociale, représentant 100 milliards d'euros. Citons enfin le dialogue social européen, procédure désormais inscrite dans les traités et ayant déjà produit des effets notables, notamment sur le congé parental, le travail à temps partiel et les contrats à durée déterminée.
Nous mentionnons toutefois dans notre rapport des statistiques tendant à montrer que malgré cet acquis conséquent, l'Union souffre d'une convergence sociale encore insuffisante. À l'échelle internationale, l'Union européenne est indéniablement une zone de prospérité économique et sociale. La quasi totalité des États du continent affichent un niveau de dépense sociale par rapport à leur produit intérieur brut (PIB) supérieur à la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En moyenne, les dépenses sociales de l'Union européenne représentent 27,5 % de son PIB. En la matière, aucun État membre ne se situe en deçà de 15%, tandis qu'aucun pays du monde, en dehors de l'Union, ne dépasse ce même taux.
En 2010, l'Union s'est dotée de la stratégie Europe 2020, comprenant quatre objectifs sociaux, dont deux seulement sont atteints. Ainsi, le taux d'emploi global n'atteint pas la cible de 75 % mais se situe à 71 %, avec d'importants écarts entre les États membres. L'objectif de réduire d'au moins 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté est loin d'être rempli, puisque cette population a crû de 4,8 millions d'individus entre 2008 et 2014. Le taux d'abandon scolaire atteignait 10,6 % en 2017, quand l'objectif était de l'abaisser en deçà de 10 %. Enfin, 39,1 % de la population détenait un diplôme de l'enseignement supérieur en 2016, avec de très fortes disparités nationales, tandis que l'objectif se situait à 40 %. Des progrès ont certes pu être observés sur certains indicateurs, mais sur d'autres, des écarts inquiétants continuent de se creuser.
Notre rapport vise ensuite à montrer que le socle européen des droits sociaux constitue une nouvelle impulsion pour l'Europe sociale. Parmi ses vingt principes, on notera en particulier l'égalité des chances en matière d'emploi et de protection sociale, le droit à un salaire équitable devant respecter un niveau minimum, ou encore une aide aux revenus pour les personnes handicapées. Le rapport rappelle toutes les initiatives prises par la Commission européenne, notamment pour la fusion de certains fonds sociaux en un « fonds social européen plus » doté de 101,2 milliards d'euros, la création d'une autorité européenne du travail visant à soutenir la coopération entre les États membres pour l'application du droit de l'Union européenne en matière du travail, et enfin l'introduction d'un congé parental de quatre mois ainsi que d'un congé pour les aidants. Des accords interinstitutionnels ont été conclus récemment sur la plupart de ces textes, qu'il reste néanmoins à adopter définitivement.
Enfin, et c'est tout l'intérêt de notre proposition de résolution européenne, nous formulons des recommandations de méthode et de mesure pour compléter ce socle. Certains outils nous semblent faire défaut pour la bonne mise en oeuvre de ces droits. Nous proposons ainsi de réfléchir à la création d'un socle minimal d'assurance chômage et à la mise en place de coopérations entre les États membres frontaliers. Sur le même modèle, nous recommandons d'expérimenter le principe d'un salaire minimum. Nous proposons également de doter la future autorité européenne du travail de la mission de suivi des contrôles et des sanctions qu'effectue chaque État membre. Rappelons que 17 millions d'Européens travaillent aujourd'hui dans un autre État membre que le leur. Désormais, l'un des enjeux est de respecter le cadre défini par les directives négociées, ce qui passe notamment par des contrôles et par une coordination entre les États membres.
Nous formulons également des propositions en faveur de l'élévation des compétences dans l'Union. À ce titre, une reconnaissance des enseignements professionnels sur le modèle licence-master-doctorat permettrait de développer l'apprentissage et la validation des acquis de l'expérience sur le plan européen. La mobilité des travailleurs européens et les évolutions entre les métiers en seraient facilitées.
Nous préconisons une coopération plus efficace en matière de logement étudiant, ainsi que des facilités permettant aux jeunes Européens d'accéder à des comptes bancaires avec carte de paiement, de sorte que leur mobilité soit facilitée, y compris s'ils sont issus de familles n'ayant pas l'habitude de voyager au sein de l'Europe.
L'égalité entre les femmes et les hommes doit en outre être approfondie. À cet égard, nous proposons la mise en place d'un médiateur européen doté de compétences relatives aux séparations des couples binationaux ayant des enfants. Ces situations sont en effet, trop souvent, d'une gestion difficile entre les États membres. Notre rapport recommande également de promouvoir l'objectif d'inclusion totale des personnes handicapées dans le cadre scolaire, dans la société en général et dans l'entreprise.
Nous avons été frappées de constater qu'aucune évaluation scientifique ne venait mesurer l'impact des investissements réalisés grâce aux fonds sociaux européens sur les critères sociaux. Il nous paraît donc indispensable de demander à la Commission européenne de produire de telles évaluations et de rectifier les investissements en conséquence.
Nous proposons enfin deux pistes de réflexion à plus long terme. La première, qui a été évoquée par le président de la République lors du sommet de Göteborg, consisterait à établir une conventionnalité positive. Il s'agirait de conditionner l'octroi de fonds européens au respect de certains critères sociaux. Cette conditionnalité ne devrait naturellement pas s'exercer au détriment des populations qui bénéficient des fonds sociaux. C'est bien là que réside la principale difficulté.
Enfin, il nous paraît intéressant de réfléchir à l'instauration d'une forme de « Maastricht social ». Notre recommandation serait d'introduire des critères clairs et contraignants en matière sociale, donnant lieu à un suivi et, le cas échéant, à des sanctions, sur le modèle des critères de convergence du traité de Maastricht.
En conclusion, je voudrais affirmer que les droits sociaux inscrits dans le socle européen des droits sociaux engagent autant les États que l'Union européenne pour l'avenir. Ils nous donnent à voir le chemin déjà parcouru, mais aussi ce qu'il nous reste à accomplir. La proposition de résolution européenne que nous avons adjointe à notre rapport vise à interpeller les institutions européennes sur ces sujets, et à prouver que l'Assemblée nationale française a pleinement pris conscience de l'importance de ce socle et des actions qu'il implique.
L'ordre du jour encombré de notre commission ne nous permettait pas de nous saisir de cette proposition de résolution. C'est pourquoi, plutôt que de faire l'impasse dessus, j'ai choisi de demander à Carole Grandjean de nous présenter le travail très sérieux qui a été mené. Par ailleurs, notre commission a prévu d'effectuer un déplacement à Bruxelles pour travailler sur deux questions essentielles : les retraites d'une part, la formation professionnelle et l'apprentissage d'autre part.
Nous passons à l'audition de M. Dominique Libault sur son rapport issu de la concertation sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes. M. Libault est un interlocuteur bien connu de notre commission. Je ne rappellerai pas toutes les fonctions qu'il a occupées ou qu'il exerce encore ; elles en faisaient le candidat idéal pour un travail de concertation et de réflexion dont l'importance n'échappe à personne. Quatre présidents de la République ont promis une réforme de la dépendance au cours de leur mandat. Depuis, notre société a encore vieilli. Nous savons les drames qui accompagnent parfois le grand âge et la dépendance, l'inquiétude sur les moyens d'y faire face, le poids qui s'exerce sur les proches et les aidants. Nous savons aussi les petites pertes de liberté qui traversent les gestes du quotidien et qui font parfois du grand âge un âge douloureux, voire malheureux. Il est donc temps d'avancer et d'agir.
Le rapport que je vais vous présenter est le fruit d'une concertation à laquelle ont participé des parlementaires, essentiellement des députés. Je les en remercie vivement. L'un des intérêts de cette démarche a précisément résidé dans la concertation à laquelle elle a donné lieu, mobilisant activement, outre les parlementaires, des représentants du secteur concerné, des personnes âgées et des professionnels. Ce décloisonnement entre l'ensemble des acteurs s'est avéré particulièrement intéressant. Il s'est doublé d'une consultation citoyenne, de groupes d'expression et de forums régionaux.
Ce rapport a été établi dans un délai assez court. Peut-être n'approfondit-il pas suffisamment certains sujets et mérite-t-il des travaux complémentaires. Cependant, il s'est efforcé d'adopter une vision panoramique du sujet dans toute son ampleur. En témoignent les thèmes des dix ateliers dans lesquels le travail s'est décliné : métiers du soin et de l'aide aux personnes âgées, cadre de vie et inclusion sociale, offre de demain pour les personnes âgées en perte d'autonomie, aidants, familles et bénévolat, prévention et « bien vieillir », hôpital et personnes âgées, panier de biens ou services et reste à charge, parcours des personnes âgées, gouvernance et pilotage, nouveaux financements.
Une immense attente s'est manifestée tout au long de la concertation et continue de s'exprimer à l'occasion de la réception du rapport.
Les constats que nous dressons s'avèrent largement partagés. Ainsi, nous sommes exposés à un défi démographique majeur. Notre pays comptera 4,8 millions de personnes de plus de 85 ans en 2050, soit trois fois plus qu'aujourd'hui. Le nombre de personnes en perte d'autonomie pourrait doubler à la même échéance – prévision toutefois plus incertaine compte tenu des progrès que pourraient réaliser la médecine et la prévention d'ici-là.
La dépense publique liée à la perte d'autonomie des personnes âgées atteint 23,7 milliards d'euros, soit près de 80 % de la dépense totale consacrée à ce domaine, laquelle se monte à 30 milliards d'euros. Ce niveau est certes important, mais reste relativement modeste au regard de l'ensemble des dépenses de protection sociale. Tandis que ces dernières représentent 34,3 % de la richesse nationale, la dépense publique en faveur du grand âge n'en représentait que 1,1 % en 2014. Au total, quelque 3 % de la dépense de protection sociale sont consacrés à la perte d'autonomie.
La comparaison avec les pays étrangers est délicate, car tous ne partagent pas la même définition du sujet. Ainsi l'OCDE retient-elle plutôt le concept de soins de longue durée. Il n'en reste pas moins que la France affiche une dépense publique de protection sociale forte par rapport aux autres pays, mais une dépense publique destinée au grand âge inférieure à celle d'États comme les Pays-Bas, la Suède, le Danemark ou l'Allemagne, en avance sur ces sujets.
Au-delà de ces éléments quantitatifs, les Français manifestent une forte inquiétude quant à la qualité de la prise en charge du grand âge, aujourd'hui pour leurs proches et demain pour eux-mêmes. Nous avons tous connaissance de cas de maltraitance. Ils sont représentatifs d'une certaine réalité, mais en aucun cas du traitement des personnes âgées. Je ne saurais trop dire combien fleurissent les initiatives intéressantes et innovantes, et combien nous comptons de personnels dévoués. L'enjeu de la qualité est néanmoins posé. En outre, nos concitoyens manifestent une certaine insatisfaction quant à la façon dont ce sujet est traité, offrant trop souvent un choix binaire entre l'isolement chez soi et l'isolement entre personnes âgées. Ils aspirent à une autre forme prise en charge, davantage respectueuse du libre choix et de la citoyenneté des aînés, qui préserve leur mode de vie habituel et leur vie en société.
Un deuxième constat, tout aussi fort, est le besoin urgent et prioritaire de revaloriser les métiers du grand âge. C'est un préalable à toute politique de prévention, de qualité ou d'innovation dans ce domaine. Tous les opérateurs que j'ai rencontrés, qu'ils exercent à domicile ou en établissement, témoignent d'une difficulté à recruter et à fidéliser leur personnel. Les métiers d'aide-soignant ou d'auxiliaire de vie manquent d'attractivité. Les conditions de travail jouent un rôle important dans cette situation. En effet, le profil des personnes accueillies en établissement a considérablement évolué en vingt ans. Elles demandent une présence et des soins d'une intensité nettement plus forte qu'hier. Or, l'encadrement n'a pas totalement suivi. De nombreux établissements sont touchés par un absentéisme et un renouvellement du personnel forts, ainsi que par des taux élevés d'accidents de travail et de maladies professionnelles. Quant aux conditions de rémunération, elles sont encore moins attractives pour les personnels opérant à domicile qu'en établissement. En conséquence, les écoles d'aides-soignants ne parviennent pas à remplir leurs classes.
Troisième constat, le reste à charge est globalement maîtrisé à domicile mais demeure important en établissement et insuffisamment corrélé aux capacités contributives des intéressés. Le reste à charge moyen exigé est d'environ 1 850 euros, montant supérieur à la pension de retraite pour trois quarts des personnes concernées. Un certain nombre de retraités possèdent néanmoins un patrimoine non nul. L'un des enjeux pourrait être de mobiliser ce dernier.
Nous constatons une demande générale de simplification de la prestation et de coordination de l'ensemble des acteurs, dans une logique de parcours. Trop souvent, l'entrée dans la perte d'autonomie s'assimile à un enchaînement d'épreuves pour la personne âgée ou l'aidant, non parce que l'offre manque, mais parce qu'elle est mal coordonnée et faiblement accessible. Des efforts et des expérimentations intéressantes ont certes été réalisés sur ces sujets de coordination. Néanmoins, le baromètre des aidants et la concertation font ressortir une très forte attente de simplification des parcours, afin que la coordination et la continuité des soins ne soient pas à la charge de la personne elle-même mais qu'elles soient assurées par l'ensemble des acteurs. De nombreux intervenants gravitent autour d'une personne âgée à domicile. À cet égard, la coordination des acteurs sanitaires et sociaux est un sujet majeur. Ils se connaissent trop peu et ne travaillent pas suffisamment ensemble. Ceci rejoint les préoccupations du projet de loi sur l'organisation et la transformation du système de santé (OTSS), mais avec l'intégration appuyée du secteur social. Je ne saurais trop insister sur la nécessité pour le monde social et le monde médical de dialoguer. Nous devons lutter contre une organisation sanitaire et sociale trop cloisonnée.
À domicile comme en établissement, l'offre est d'une qualité très hétérogène. Certains établissements ont des pratiques remarquables. Des labels incitent d'ailleurs à progresser dans la qualité de la prise en charge, fondée sur une nouvelle relation entre aidant et aidé et assurant un soutien à l'autonomie plutôt qu'une gestion de la dépendance. D'autres prises en charge, d'un niveau insuffisant, sont indignes de notre pays.
Notre pays n'agit pas suffisamment pour la prévention de la perte d'autonomie. Autant il atteint de bons résultats au regard de l'espérance de vie, autant il pèche en matière d'espérance de vie en bonne santé, sans incapacité. Ces résultats médiocres sont vraisemblablement dus à une politique insuffisante de prévention générale de la perte d'autonomie. Les pays d'Europe du Nord, qui déploient de telles démarches de façon beaucoup plus active et précoce, obtiennent des résultats nettement supérieurs face au risque de perte d'autonomie.
Il est nécessaire de soutenir et de renforcer les solidarités de proximité autour de la personne âgée, notamment par l'appui aux aidants. Nous savons tous le rôle difficile que jouent les aidants, parfois au détriment de leur propre santé. Ils ont besoin d'être soutenus. Le droit au répit n'est pas suffisamment exercé, pour des raisons tenant au montage financier du dispositif ou à l'éloignement géographique des lieux d'accueil. Des expériences de répit itinérant sont intéressantes et doivent être généralisées. Au-delà des aidants se pose la question des solidarités de proximité en général. Le sujet des personnes âgées n'interpelle pas uniquement l'État et ne doit pas être réservé à la seule solidarité nationale, aussi fondamentale soit-elle. Des démarches de bénévolat s'en emparent également – citons par exemple l'initiative de l'Association pour la mobilisation nationale contre l'isolement social des âgés (MONALISA). Un changement de société s'impose bel et bien pour développer les liens intergénérationnels et rompre l'isolement des personnes âgées.
J'en viens au dernier constat : il importe d'intégrer la personne âgée dans le cadre de vie général. Notre rapport ne se limite pas à un point de vue médico-social, pas plus qu'il ne réduit la personne âgée à sa perte d'autonomie. Nous invitons à considérer les aînés comme des personnes à part entière, ayant une place dans la ville, le territoire et la société – et ce, jusqu'au terme de leur vie. Aussi le sujet du grand âge doit-il être mieux pris en compte dans les politiques d'habitat, de transport, d'accès au service public et plus largement dans tous les aspects de la vie en société.
Fort de ces constats, notre rapport émet 175 propositions, toutes complémentaires et se renforçant mutuellement. C'est donc une réforme systémique que nous proposons. À titre d'illustration, la revalorisation des métiers permettra d'agir plus efficacement dans la prévention ; la meilleure coordination des parcours évitera des hospitalisations ; le développement de l'accessibilité favorisera le maintien à domicile, etc. Toutes nos recommandations bâtissent une cohérence globale, qui donne sens à la nouvelle prise en charge de la personne âgée que nous appelons de nos voeux. Il serait extrêmement regrettable d'en faire une application partielle.
Notre rapport pose un préalable : la nécessité de changer le regard sur la personne âgée et d'affirmer sa citoyenneté pleine et entière. Nous soumettons des propositions concrètes pour favoriser le lien intergénérationnel en mobilisant davantage le service civique, en tirant profit du service national universel ou en soutenant les initiatives de solidarité de proximité comme celle de MONALISA. Nous préconisons la diffusion d'une culture de la vigilance et de l'attention dans l'ensemble des lieux accueillant du public. Il importe également de supprimer les zones blanches de la mobilité et de renforcer la responsabilité de l'intercommunalité sur ce sujet.
Nous recommandons d'investir dans l'attractivité des métiers du grand âge, à domicile comme en établissement. Plusieurs pistes doivent y contribuer : l'amélioration des conditions de travail, l'accompagnement d'une montée en compétences de l'ensemble des professionnels, l'accès facilité aux métiers du grand âge, l'ouverture des perspectives de carrière, ou encore l'évolution des grilles salariales. Le tout doit être piloté de manière transversale, par une véritable politique de filière. Je me réjouis qu'à la réception de ce rapport, la ministre des solidarités et de la santé ait immédiatement annoncé qu'elle identifiait là une priorité, et qu'elle désignerait le pilote d'un plan national pour les métiers du grand âge. Une filière doit bel et bien être construite, réunissant des personnels de statuts différents : fonction publique hospitalière ou territoriale, personnels relevant des conventions collectives du secteur privé lucratif ou non lucratif. Il est nécessaire d'avoir une vue globale de cet ensemble.
Par ailleurs, nous préconisons d'augmenter de 25 % le taux d'encadrement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) d'ici à 2024, par rapport à la situation de 2015. Ce taux se rapporte au personnel proche de la personne en EHPAD, hors fonctions administratives. Cette mesure demandera un certain temps pour se concrétiser, parallèlement à l'effort de renforcement de l'attractivité des métiers du grand âge. Nous estimons que cette dynamique doit être engagée très rapidement.
Nous proposons de généraliser la fonction de responsable d'unité de vie pour les aides-soignants en établissement. Selon les modes d'organisation retenus, il arrive en effet que ces professionnels soient quelque peu laissés à eux-mêmes, sans hiérarchie intermédiaire. Ailleurs, des petites unités de vie comptent un cadre chargé de la qualité, parfois appelé gouvernant, qui assure la continuité du niveau de prise en charge. Ce poste constitue aussi un débouché pour les aides-soignants, tandis que les perspectives d'évolution manquent aujourd'hui pour ces personnels. Notez que l'hétérogénéité de la qualité vaut parfois au sein même d'un établissement. C'est pourquoi il paraît essentiel d'assurer une plus grande continuité de la qualité.
Au-delà de la revalorisation des métiers, la deuxième priorité identifiée par le rapport est de permettre aux personnes âgées de choisir librement de rester à domicile. Cela suppose de répondre à l'ensemble de leurs besoins d'accompagnement, d'assurer la viabilité, la qualité et l'attractivité des prestations, de renforcer l'intégration entre le domicile et l'établissement, et enfin de mieux articuler les différentes interventions à domicile. À cette fin, il convient de revoir le mode de tarification des services d'aide à domicile, qui fonctionnent actuellement exclusivement sur une base horaire. Aujourd'hui, n'est considéré comme service que le face-à-face avec la personne âgée. Or la prestation recouvre d'autres dimensions, insuffisamment valorisées, comme la formation du personnel et les temps de coordination. Aussi préconisons-nous une réforme du financement des services d'aide à domicile.
Nous proposons en outre une nouvelle prestation d'autonomie à domicile, afin d'accroître le recours aux aides techniques et aux solutions de répit, humaines ou matérielles. Aujourd'hui, le droit au répit ne peut être demandé qu'en situation de saturation du plan d'aide. Le recours à ce dispositif s'en trouve complexifié.
Les solutions complémentaires d'accueil doivent être généralisées pour étayer le maintien à domicile. Lors de la concertation, un certain nombre de présidents de conseils départementaux ont évoqué l'accueil familial, solution intéressante mais ayant besoin d'être accompagnée par un soutien des établissements. Demain, ces derniers devraient être des centres de ressources pour les territoires, et plus seulement des lieux d'hébergement. Ils devront apporter leur support aux solutions de maintien à domicile. Il sera de surcroît nécessaire de déployer des solutions intermédiaires telles que l'hébergement temporaire en EHPAD ou l'accueil de jour ou de nuit, offrant une aide temporaire et laissant ouverte la perspective d'un retour à domicile. Dans tous les cas, la fluidité doit être de mise.
Notre troisième priorité réside dans le pilotage par la qualité et pour la qualité. Nous recommandons d'encourager et de soutenir financièrement la démarche d'amélioration de la qualité de service, en établissement comme à domicile. Il importe également d'investir pour rénover les établissements. Je me permets d'insister sur ce point : un trop grand nombre d'établissements, notamment publics, sont vétustes. Or, on ne peut dispenser une prise en charge digne ni offrir des conditions de travail de qualité dans un environnement dégradé. Il faut accepter d'investir sur ce sujet. Le secteur privé y procède, mais applique en conséquence des tarifs d'hébergement élevés et inaccessibles à une large partie de la population. Le secteur public souffre souvent d'une forme d'atomisation de son organisation. Il a besoin d'être mieux structuré et de disposer de locaux rénovés, propices à l'accueil et plus ouverts.
Les démarches de labellisation de la qualité des établissements doivent être promues. La Haute Autorité de santé (HAS) lance d'ailleurs un travail sur la certification des établissements de santé, laquelle devrait être opérationnelle en 2021. Nous y voyons une piste très importante. Il convient en outre d'imposer des indicateurs de qualité obligatoires et d'informer le grand public des résultats afférents.
La simplification du pilotage des établissements, notamment par la fusion des sections budgétaires relatives aux soins d'une part, et à la dépendance d'autre part, nous semble un gage de la qualité future. L'éclatement actuel des financements ne permet pas suffisamment de travailler sur la qualité. Nous préconisons de surcroît la création d'un « fonds qualité » destiné aux établissements et aux structures d'accompagnement et de soins à domicile.
La priorité suivante tient au parcours des personnes âgées et vise à mettre fin aux silos afin de simplifier la vie des personnes. Nous recommandons la mise en place d'un guichet unique du grand âge, que nous appelons « maison des aidés et des aidants ». Cette entité devra regrouper l'ensemble des services existant dans les secteurs social et sanitaire : centres locaux d'information et de coordination gérontologique (CLICg), méthodes d'action intégration autonomie (MAIA), filières gériatriques, etc. Elle devra s'articuler avec les guichets uniques portés par la loi OTSS. J'insiste sur le fait que la maison des aidés et des aidants devra être un guichet unique tout à la fois social et sanitaire, conjuguant véritablement ces deux volets.
Une fois que la personne âgée a franchi le seuil de la perte d'autonomie, une coordination doit s'instaurer tout au long de son parcours. La prise en charge doit offrir des solutions graduées, au gré des dégradations successives. Elle doit commencer par de la prévention afin de limiter la perte d'autonomie, et reposer ensuite sur une coordination des acteurs. Nous proposons notamment de généraliser les plans personnalisés de santé, qui permettent aux intervenants sanitaires et sociaux d'avoir une vue partagée du parcours, de la situation de santé et du plan de santé de la personne. Les expérimentations qui en ont été menées ont produit des résultats positifs.
Nous proposons de définir dans la loi « un droit commun au parcours de santé » : la coordination et la continuité des soins doivent devenir un droit des personnes âgées. Aujourd'hui, elles sont trop souvent optionnelles.
Une série de mesures avancées par le rapport touchent à l'hôpital. En effet, l'arrivée d'une personne âgée aux urgences constitue un risque notoire. Comme nous l'expliquait le directeur d'un centre hospitalier universitaire, le meilleur hôpital, pour la personne âgée, est celui qu'on lui évite de fréquenter, où elle reste le moins longtemps et où elle est accueillie par un autre service que les urgences. Nous recommandons ainsi de créer une filière d'admission directe pour les personnes âgées et de former à la culture gériatrique l'ensemble des personnels de l'hôpital. Des équipes mobiles de gériatrie doivent être déployées sur les lieux de vie des personnes pour appuyer le maintien à domicile et éviter l'hospitalisation. Tous ces éléments nous semblent extrêmement importants pour construire un parcours et une continuité de prise en charge de la personne.
Une nouvelle offre doit voir le jour pour concrétiser le libre choix des personnes et proposer une vraie alternative. L'EHPAD doit s'ouvrir sur son territoire et proposer des services aè destination de la population prise en charge aè domicile. L'offre doit de surcroît être rééquilibrée entre les territoires. Parmi nos propositions figure la création d'un nouveau statut d'établissement territorial pour les personnes âgées, qui délivrerait tout à la fois des services d'hébergement et de maintien à domicile. Le décloisonnement est, de fait, l'un des maîtres-mots des préconisations du rapport. Par ailleurs, les « résidences autonomie » et « résidences services » ont une fonction très importante et doivent être intégrées au dispositif.
Il est important de préciser que le rapport a été construit avec des personnalités extérieures mais aussi des administrations d'État, et qu'il a pris en compte les contraintes pesant sur les finances publiques. Aussi nous sommes-nous efforcés de prioriser nos recommandations.
Concernant le reste à charge, il nous semble prioritaire de réduire la contribution des personnes modestes. Nous préconisons de concentrer l'effort sur cette population. La révision des prestations que nous proposons a pour conséquence d'abaisser le reste à charge d'environ 300 euros pour les personnes dont le revenu est compris entre 1 000 et 1 600 euros. Nous suggérons en outre des aménagements de l'aide sociale à l'hébergement, dans le but d'harmoniser les pratiques entre les départements. L'obligation alimentaire pour les petits-enfants pourrait être supprimée et le reste à vivre des personnes devrait être augmenté. Enfin, pour les personnes restant très longtemps en EHPAD, un « bouclier » devrait être créé pour transférer la charge financière des familles vers la collectivité.
J'en viens à la priorité que constitue la lutte contre l'isolement de la personne âgée et des aidants. Nous voulons faciliter les démarches des proches aidants et favoriser la conciliation de ce rôle familial avec la vie professionnelle. Dans notre pays, cette conciliation entre vie familiale et vie active est de mise pour la garde d'enfants. Elle est intégrée aux négociations sociales au sein des entreprises ou des branches professionnelles. En revanche, le monde professionnel ne reconnaît guère la contrainte que représente la prise en charge par un salarié d'un parent âgé dépendant. Aussi, nous recommandons de faire de la conciliation du rôle d'aidant et de la vie professionnelle un sujet obligatoire du dialogue social et un critère de responsabilité sociale des entreprises. Il nous paraît également important d'indemniser le congé de proche aidant. Citons enfin la simplification des démarches qu'induirait la création de maisons des aînés et des aidants, ou encore la mobilisation des conférences de financeurs pour soutenir les initiatives innovantes de soutien aux aidants.
Autre priorité, il nous semble capital de fixer un objectif collectif d'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé, et par conséquent de renforcer la prévention. Tout comme la coordination des parcours, une prévention plus active peut éviter des coûts élevés et constituer un facteur d'économie. Certaines de nos propositions visent à renforcer le pilotage de la politique de prévention, à développer des cultures de métier partagées, ainsi qu'à inscrire le repérage de la fragilité dans les pratiques de chaque acteur susceptible d'être en contact avec une personne âgée. Il importe en outre de développer les recherches fondamentale et clinique sur le vieillissement. Entre autres pistes, l'activité des gérontopôles doit être mieux structurée.
J'en arrive au financement de ce dispositif, étant entendu que de nombreuses mesures du rapport ne sont pas de nature financière. Néanmoins, la crédibilité du plan tiendra aussi aux moyens qui lui seront accordés. Nous évaluons à 9 milliards d'euros l'augmentation nécessaire du financement à l'horizon de 2030, dont 6 milliards d'euros correspondant à des mesures nouvelles et 3 milliards d'euros résultant d'évolutions démographiques. La dépense publique en faveur du grand âge passerait ainsi de 1,2 % à 1,6 % du PIB entre 2018 et 2030. Cet effort n'est pas négligeable, mais doit être mis en regard avec des dépenses de protection sociale qui atteignent 34 % du PIB. Sur la durée, cet objectif nous semble donc acceptable.
Nous jugeons important que demain, le financement soit assuré par des ressources claires, affectées au risque de perte d'autonomie dont nous proposons qu'il soit identifié comme tel dans la loi de financement de la sécurité sociale. En cela, nous rejoignons un amendement de votre rapporteur général sur l'objet de la loi de financement de la sécurité sociale dans le cadre de la révision constitutionnelle. Le principe des recettes affectées contribuera, de notre point de vue, à la lisibilité, à la crédibilité et à l'acceptation du dispositif par les Français, à une époque où d'aucuns doutent de l'utilité des prélèvements publics.
La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) arrivera à échéance en 2024, libérant quelque 24 milliards d'euros. Nous proposons qu'une partie de cette somme soit affectée au financement de la perte d'autonomie à compter de 2024. Cette contribution généralisée aurait la même assiette que la CRDS et s'y substituerait donc en partie. Cette mesure n'est pas neutre au regard des critères de convergence du traité de Maastricht. Aujourd'hui en effet, seul le paiement des intérêts de la dette sociale est comptabilisé comme une dépense publique au sens des traités européens, le reste du produit de la CRDS constituant une contribution au désendettement. Demain, les dépenses que couvrirait cette nouvelle contribution sociale constitueraient de nouvelles dépenses publiques, ce qui augmenterait le déficit public au sens du traité de Maastricht. Quoi qu'il en soit, le remboursement de la dette sociale prendra fin en 2024. Notre proposition n'induit donc pas de dégradation.
Avant 2024, le sujet est plus complexe, d'autant que les excédents de la sécurité sociale anticipés par la loi de financement pour 2019 seront plus longs à apparaître qu'escompté. Je suis néanmoins optimiste quant à leur survenance. Ce retard s'explique par une conjoncture économique un peu moins favorable que prévu – quoique les derniers signes ne soient pas si négatifs – et par l'impact qu'ont eu les mesures prises par le gouvernement sur la dépense publique. D'ici à 2024, il me paraît crédible de mobiliser des excédents de la sécurité sociale. Du reste, certaines branches sont déjà excédentaires. Les excédents peuvent aussi être dégagés par des mesures de maîtrise de la dépense. Nous n'excluons aucunement cette hypothèse, parallèlement à la mobilisation d'une partie du fonds de réserve pour les retraites, notamment pour la rénovation des EHPAD.
Notre rapport retient donc deux options fortes : ne pas instaurer de nouveau prélèvement obligatoire, et ne pas recourir à l'assurance privée en substitut de la solidarité nationale. L'assurance privée peut néanmoins avoir sa place dans le dispositif à titre complémentaire, de même que des formules de viager modernes permettant de mobiliser le patrimoine.
Enfin, la gouvernance est un sujet compliqué faisant intervenir de nombreux acteurs. Elle est souvent vécue comme consommatrice en temps au niveau local.
Sur le plan national, ainsi que je l'ai expliqué, nous proposons de reconnaître un risque de perte d'autonomie en tant que tel. Sur le plan local, nous proposons de mieux articuler la relation entre les agences régionales de santé (ARS) et les départements. Le rôle du département à l'égard du cadre de vie de la personne âgée serait conforté. Par ailleurs, nous invitons les départements et les ARS à construire conjointement les maisons des aidés et des aidants, en assurant la conjonction des secteurs sanitaire et social. Les EHPAD auraient un interlocuteur unique dans la section des soins et de la dépendance, sur financement fusionné. Cet interlocuteur serait a priori l'ARS, sans interdire des expérimentations dans lesquelles le département assumerait ce rôle.
Je vous remercie, monsieur Libault, pour cet important travail qui répond à une attente forte des Français : que l'on tienne davantage compte de la perte d'autonomie. Pour la première fois sera créé un risque dans la sécurité sociale sans augmentation afférente des impôts, mais en accroissant de 50 % les dépenses et en intégrant les dépenses locales et nationales.
La réforme constitutionnelle a prévu de substituer une loi de financement de la protection sociale à la loi de financement de la sécurité sociale, afin d'entériner la création d'une branche dépendance. Avons-nous raison d'avoir voté l'amendement correspondant en première lecture, ou pouvons-nous prendre le risque de ne pas intégrer cette modification dans la révision constitutionnelle à venir ?
Par ailleurs, la sécurité sociale n'est plus excédentaire puisque ses excédents théoriques ont été transférés au budget de l'État, que ce soit via un remboursement plus rapide de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), via la contribution sociale généralisée (CSG) ou la non-compensation des exonérations de cotisations sociales. Toutefois, la donne a changé. De nouvelles dépenses sociales se sont fait jour. En toute logique, nous pourrions donc envisager de modifier la position que nous avons adoptée l'année dernière. Certains d'entre nous sont favorables à la possibilité d'utiliser les excédents à venir ou d'étaler quelque peu le remboursement de la dette sociale, afin que d'ici à 2023 ou 2024, nous puissions dégager les sommes que vous évoquez dans votre rapport.
Enfin, une fois la CADES éteinte, la piste de l'utilisation de la CRDS ou d'une partie de la CSG pour payer les dépenses de dépendance paraît extrêmement intéressante.
Monsieur Libault, votre rapport sur le grand âge était très attendu. Vous y faites 175 propositions pour une politique nouvelle et forte de la dépendance. Avec le vieillissement de la population, un mur démographique se dresse devant nous. Aujourd'hui, 9,1 % de la population est âgée de 75 ans ou plus. Dans vingt ans – autant dire, demain –, cette proportion atteindra 14,6 %.
Votre rapport fournit le socle du travail que nous devons accomplir. Il identifie les problèmes que sont la perte d'autonomie, l'isolement, l'éloignement des familles, la grande dépendance et son coût de plus en plus difficile à supporter. Il recommande aussi de prendre en compte la souffrance des aidants familiaux ou professionnels, la pénibilité du travail des personnels soignants, leur manque de reconnaissance sociale et financière et leur nombre largement insuffisant.
Votre rapport souligne plusieurs difficultés : des prises en charge morcelées, un système complexe et inégal selon les départements, un manque d'articulation entre les intervenants. Il propose des pistes très intéressantes : changer le regard sur le grand âge, adopter une logique de parcours, respecter les choix de vie de la personne âgée, repenser les métiers du grand âge à domicile ou en EHPAD. Pénalisés par un manque d'attractivité, ces métiers doivent être valorisés par une formation adéquate et par une meilleure structuration de la filière. Vous appelez ainsi à une hausse de 25 % du taux d'encadrement en EHPAD.
Vous recommandez en outre une diminution du reste à charge mensuel pour les personnes à revenus modestes, ainsi qu'une indemnisation universelle d'environ 50 euros par jour pour les aidants familiaux.
Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces mesures et sur leur financement ? Pourriez-vous expliciter la philosophie qui sous-tend votre appel à opérer un changement profond du système d'accompagnement de nos aînés ?
Le vieillissement est une chance, mais aussi un grand défi pour notre société, qui doit prendre en charge le grand âge et la dépendance. Monsieur Libault, je salue la qualité et l'exhaustivité de votre travail. En effet, il est grand temps d'agir et de porter un nouveau regard sur le grand âge.
Les 175 propositions avancées par votre rapport – priorité donnée au domicile, plan pour les métiers du grand âge, rénovation des EHPAD, reste à charge et « bouclier autonomie », soutien aux aidants, guichet unique, prévention, lutte contre l'isolement, etc. – impliquent une dépense publique estimée à 9,2 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2030. Comment la financer ? Le gouvernement assure qu'il n'introduira pas d'impôt supplémentaire. De fait, le rapport évoque une réattribution de la CRDS au financement de la dépendance, l'affectation d'une part de la CSG à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la priorisation des moyens destinés aux personnes âgées dans l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), ou encore le décaissement du fonds de réserve pour les retraites. Nous pouvons toutefois nous interroger, comme l'ont fait récemment les sénateurs, sur le financement du dispositif par la CRDS et par les excédents des comptes de la sécurité sociale, mais aussi sur la fiabilité de certaines projections figurant dans le rapport. Nous aimerions vous entendre sur ce sujet. En outre, que pensez-vous de l'assurance dépendance obligatoire pour le financement de la dépendance ?
Par ailleurs, pouvons-nous nous permettre d'attendre la mise oeuvre de la loi, alors que des avancées concrètes sont urgentes en faveur des EHPAD ? Je souligne que les organisations syndicales attendent 40 000 postes dans les EHPAD et les services de soins à domicile.
Alors que vous donnez la priorité au maintien au domicile, que pensez-vous du plan d'économies décidé par le Comité économique des produits de santé (CEPS), qui amputera de 95 millions d'euros les moyens destinés au public fragile vivant à domicile ?
Enfin, j'aimerais vous entendre aussi sur l'articulation des missions entre l'échelon local décentralisé, le département – avec sa compétence tarifaire – et les ARS, services déconcentrés de l'État. À cet égard, en effet, la proximité paraît essentielle.
Monsieur Libault, je vous remercie pour la qualité de ce travail, qui résulte d'une concertation engagée bien avant le grand débat national et ayant mobilisé des milliers de personnes. Je salue l'approche humaine adoptée par votre rapport, centré sur la personne âgée et sur son parcours. Une importance toute particulière y est donnée, à juste titre, au libre choix entre le maintien à domicile et l'entrée en établissement. Vous insistez sur le fait que la personne âgée doive se sentir « chez soi » tout au long de son parcours, sans avoir le sentiment d'être ballottée entre différents modes de prise en charge. Vous recommandez également d'allonger le temps de présence aux côtés de la personne âgée.
Il me semble pertinent d'établir un parallèle entre la fin de vie et le début de la vie. Nous pourrions ainsi nous inspirer des réussites de notre politique de la petite enfance, tant en matière d'organisation – reposant, en l'occurrence, sur les caisses d'allocations familiales (CAF) – que d'attractivité des métiers, de diversité de l'offre, à domicile ou en crèche, ou de soutien aux aidants.
Gardons-nous, par ailleurs, de faire de la question du financement un préalable. Cela aurait pour effet de freiner la dynamique. Veillons plutôt à soumettre une belle proposition à nos concitoyens, pour répondre à leurs angoisses et à leurs inquiétudes face au vieillissement et à la fin de vie. Le sujet du financement viendra dans un second temps, et je ne doute pas que nous trouverons les moyens nécessaires. En 1945, nos aînés ont su créer une sécurité sociale dans un pays en ruines. Aujourd'hui, dans un pays riche et organisé, nous saurons faire face à ce nouveau risque.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je tiens à vous remercier, monsieur Libault, pour la qualité de votre rapport. Pour le préparer, vous avez mené une grande concertation nationale avec les acteurs concernés. Vous formulez 175 propositions qui font consensus auprès de la quasi-totalité des acteurs.
Nous partageons un grand nombre de vos préoccupations : renforcer le soutien à domicile, améliorer la qualité de l'accueil des personnes âgées en établissement spécialisé, assurer un meilleur accompagnement et une reconnaissance des proches aidants, améliorer les conditions de travail des aidants professionnels, réduire le coût de la prise en charge, diminuer le reste à charge pour les séjours en établissement, faciliter l'accès à la santé des personnes âgées, développer des lieux alternatifs et intergénérationnels.
Pour autant, un certain nombre d'interrogations demeurent, à commencer par la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale que vous appelez de vos voeux. L'idée n'est pas nouvelle. Toutefois, cette solution est-elle envisageable aujourd'hui ? Voyez-vous dans la dépendance un risque au même titre que la perte d'emploi ou la retraite ? Sur le plan philosophique, la dépendance peut-elle être mise sur le même plan que les quatre autres branches de la sécurité sociale ?
Se pose également la question, maintes fois évoquée, du financement du dispositif. Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à l'utilisation de la CRDS pour financer la dépendance, puisque la dette sociale devrait être remboursée intégralement d'ici à 2024. Nous éviterions ainsi la création d'un nouvel impôt, tout en remplissant l'objectif essentiel du financement de la dépendance.
Enfin, nous sommes attachés à ce que la dépendance soit financée par tous les revenus : ceux du travail, certes, mais aussi ceux du remplacement, et bien évidemment ceux du capital. C'est une question de justice sociale. Il est essentiel, dans la période actuelle, de se montrer juste et équitable vis-à-vis des Français.
À mon tour, monsieur Libault, je tiens à vous féliciter pour la qualité de vos travaux. Ce rapport résulte d'une construction commune menée par de nombreux acteurs, des mois durant. Nul doute qu'il fera date pour sa clarté, la finesse de son analyse, mais aussi l'audace et l'exhaustivité de ses propositions en matière de prévention, de consolidation du maintien à domicile, d'attractivité, de valorisation professionnelle et de création de nouveaux métiers, mais également de soutien aux proches aidants.
Jusqu'à présent, les nombreux rapports et les tentatives de légiférer sur le sujet ont achoppé sur la question du financement. Vous envisagez la perte d'autonomie comme un cinquième risque devant être porté par la solidarité nationale et devant faire l'objet d'un examen dans le cadre du PLFSS. Vous proposez de réaffecter des ressources publiques à ce risque, sans hausse des prélèvements obligatoires. Ceci se déclinerait en deux temps. Avant 2024, il s'agirait d'affecter au financement de la dépendance les excédents du régime général de la sécurité sociale, mais également de prioriser, dans l'ONDAM, l'enveloppe liée aux dépenses consacrées aux personnes âgées et d'opérer un décaissement du fonds de réserve pour les retraites. Après 2024, la CRDS serait réattribuée au financement de la dépendance. Nous nous interrogeons sur les marges de manoeuvre réelles dont nous disposerons, particulièrement avant 2024. En effet, le gouvernement a décidé de déroger à la règle de compensation des exonérations du budget de la sécurité sociale. En outre, les excédents de la sécurité sociale que vous entendez mobiliser sont encore virtuels.
La philosophie profondément humaine qui sous-tend ce rapport fait, je crois, l'unanimité des acteurs. Elle appelle à changer de regard sur le grand âge, à inclure pleinement nos anciens dans la vie de la Cité et à les rendre acteurs de leurs choix. Nombre de nos concitoyens souhaitent finir leur vie dans leur environnement familier. Ceci implique une restructuration des acteurs de l'aide à domicile.
Enfin, le changement de regard sur le grand âge et le maintien à domicile soulèvent un enjeu de dignité et d'humanité, qui constitue sans doute l'un de nos plus grands défis.
Bien que je me joigne aux remerciements de mes collègues, je ne vous cacherai pas que votre rapport, monsieur Libault, suscite quelques déceptions parmi notre groupe. Vous proposez d'augmenter de 25 % le taux d'encadrement en EHPAD, en faisant passer l'encadrement en personnel au chevet du résident de 0,60 à 0,65 équivalent temps plein (ETP). J'avoue que cette logique mathématique m'échappe : comment aboutissez-vous à ce taux ? En outre, votre définition du taux d'encadrement exclut certaines fonctions pourtant essentielles. À titre d'exemple, je considère que le cuisinier d'un établissement participe à la vie des personnes âgées dépendantes. Pourriez-vous nous apporter davantage de précisions sur les personnels que vous qualifiez « d'encadrement » ?
L'urgence dans laquelle nous nous trouvons, qui conduit à parler de maltraitance institutionnelle, l'emporte sur les considérations financières. Il nous faut agir au plus vite, et prendre les financements où ils se trouvent.
À l'occasion du projet de loi OTSS, la ministre des solidarités et de la santé avait rappelé que la dépendance et l'autonomie ne concernaient pas seulement les aînés, mais aussi les personnes handicapées. Celles-ci doivent trouver toute leur place dans les politiques mises en oeuvre dans ces domaines. Comme les EHPAD, les maisons d'accueil spécialisées et les instituts médico-éducatifs souffrent d'une faible attractivité de leurs métiers. Du reste, la problématique du maintien à domicile touche autant les personnes handicapées que les aînés souffrant de dépendance.
Enfin, il serait illusoire de viser une plus grande qualité des services dispensés aux aînés sans donner aux personnels qui en ont la charge les moyens de travailler dignement. Votre rapport me semble manquer de précision sur ce sujet.
Monsieur Libault, je tiens à saluer la qualité de votre travail. Nombre de ses recommandations me semblent prendre la bonne direction. Je crois d'ailleurs y reconnaître des propositions que j'ai portées en d'autres lieux, sans toujours en détenir, certes, la paternité. Citons le soutien aux aidants, la revalorisation des métiers ou encore la continuité des soins, qui demande d'attribuer des moyens à l'hôpital.
J'en viens à mes questions. Tout d'abord, les propositions de votre rapport sont-elles toujours au bon niveau ? Je reprends à mon compte la question que vient de poser Caroline Fiat sur l'encadrement dans les EHPAD. Quelle trajectoire faut-il mettre en oeuvre pour atteindre des résultats significatifs en la matière ?
Notre groupe, la Gauche démocrate et républicaine, n'est pas défavorable à une révision de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), mais nourrit des interrogations, voire des inquiétudes, quant aux propositions de plafonnement contenues dans le rapport.
Une zone d'ombre semble prévaloir sur la nécessité de mettre en place un service public de l'autonomie ainsi qu'une offre d'EHPAD égalitaire et non lucrative. Les EHPAD doivent être de véritables lieux de vie, et non simplement d'hébergement, et assurer aux résidents le plus haut niveau d'autonomie et de bien-être.
Par ailleurs, la perte d'autonomie nous semble relever du soin tout au long de la vie, et par conséquent de l'assurance maladie. Nous ne voyons donc pas la nécessité de créer un nouveau risque. Ce dernier ne nous paraît pas assurable isolément, et requiert donc un financement socialisé, inscrit dans le droit. La création d'un risque distinct laisse craindre une couverture non seulement abaissée, mais encore avec des modes diversifiés, susceptibles d'aiguiser certains appétits.
Pour éviter le financement par l'impôt et le recours au travail gratuit, il importe de mobiliser autrement les fonds de la CRDS, sans toutefois que la santé et la retraite ne s'en trouvent pénalisées. Nous avons là un point de désaccord fondamental.
Je me réjouis de la perception favorable que vous avez de ce rapport. J'y vois le résultat de la méthode de concertation que nous avons employée, qui a reposé sur l'écoute de toutes les parties et a tiré profit des rapports parlementaires consacrés au sujet.
Olivier Véran a évoqué la réforme de la Constitution. Une annexe du rapport s'interroge sur la possibilité d'intégrer le risque de perte d'autonomie dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale sans modification constitutionnelle. La réponse n'est pas limpide. Selon l'analyse du membre du Conseil d'État Nicolas Polge et d'autres juristes, tout dépend de l'interprétation que fera le Conseil constitutionnel de la notion de sécurité sociale, mentionnée deux fois dans l'article 34 de la Constitution. Si la définition des deux occurrences est jugée identique – ce qui est la position la plus vraisemblable, selon la plupart des juristes –, une vision large sera privilégiée. De fait, la dépendance pourra s'inscrire dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale. Une vision plus restrictive pourrait toutefois être retenue.
De nombreuses questions ont porté sur le financement et la viabilité de nos propositions. Délibérément, le rapport n'emploie jamais l'expression de cinquième branche. En effet, nous ne souhaitons pas que le risque dépendance soit assimilé à la gestion classique des branches de la sécurité sociale.
Nous voulons en outre affirmer le rôle essentiel du département. Ceci nous renvoie à une question de fond. Aujourd'hui, la protection sociale des Français ne se résume pas à une solvabilisation et à une distribution monétaire, mais repose aussi sur des services de proximité, essentiels à la qualité de l'offre de santé. Nous serons de plus en plus conduits à construire des services de proximité dédiés à la petite enfance, à la santé et au grand âge. Le département peut y jouer un rôle intéressant.
J'affirme toutefois que nous aurons besoin de recettes propres. Aussi la sécurité sociale doit-elle avoir des relations financières claires avec l'État. Sans cela, nous peinerons à construire un équilibre pérenne.
J'assume par ailleurs l'anticipation d'excédents de la sécurité sociale. Ces excédents peuvent survenir spontanément, mais aussi être produits par des dispositions particulières. Si nous excluons tout nouveau prélèvement obligatoire, sans doute faudra-t-il prioriser les dépenses en faveur du grand âge par rapport à d'autres. Nous y voyons une piste pour porter la dépense publique dédiée au grand âge de 1,2 % à 1,6 % du PIB, outre la mobilisation de la CRDS à compter de 2024.
Madame Fiat, je partage en partie vos propos. Je suis pleinement conscient que ce rapport consacré au grand âge devrait s'inscrire dans une politique plus globale de l'autonomie. Nombre de nos constats et propositions s'appliquent parfaitement au sujet du handicap. Certaines de nos recommandations relient d'ailleurs ces deux volets, comme le rapprochement de l'APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Madame Robert, la philosophie qui sous-tend notre rapport est celle de la citoyenneté, de l'autonomie et de la prise en considération des aînés comme des personnes à part entière, dans toute leur dignité. L'enjeu n'est pas de changer de regard sur les personnes âgées uniquement, mais aussi sur nous-mêmes et sur la société à laquelle nous aspirons. J'interroge une société qui valorise la performance avant tout. Les personnes âgées ont beaucoup à nous apprendre. Le temps que nous leur consacrons nous enrichit. La question de la transmission se trouve incidemment posée. À cet égard, je ne considère pas l'équilibre des finances publiques comme une fin en soi. J'y vois le moyen de construire dans la durée une autre société, fondée sur d'autres valeurs, que nous pourrons transmettre aux générations futures.
Monsieur Perrut, plusieurs raisons me rendent dubitatif vis-à-vis d'une assurance dépendance obligatoire privée. Je m'interroge sur la justice d'un tel principe. D'aucuns préconisent un système par répartition dans lequel chaque actif cotiserait 10 à 12 euros mensuels, en vue d'un reste à charge allégé de 500 euros. Notez que pour certains de nos concitoyens, une dépense mensuelle de 10 euros représente un poids non négligeable. Tous les jeunes y seraient soumis des décennies durant, indépendamment de leurs revenus, tandis que les personnes âgées bénéficieraient immédiatement d'un allègement de 500 euros, quels que soient leurs revenus. Une telle mesure équivaudrait à un prélèvement obligatoire. Or l'assurance privée est moins solidaire et moins juste que l'assurance publique.
La question qui nous occupe est loin de se résumer au reste à charge. Plus largement, nous avons besoin de moyens financiers, d'un pilotage et d'une régulation pour prendre en charge globalement le système, y compris l'offre. Si nous misions sur l'assurance privée, nous nous contenterions d'agir sur le reste à charge, de façon quelque peu injuste de surcroît. Si au contraire nous entendons réinventer l'offre, l'intervention des pouvoirs publics sera nécessaire. Un système d'assurance privée forte induirait une déconnexion entre un financeur d'une part, et d'autre part un régulateur dépourvu de moyens. J'ai la ferme conviction que la solidarité nationale doit être au coeur de la prise en charge des aînés dans les décennies à venir.
Je conviens, monsieur Perrut, que nous ne devons pas attendre la loi pour agir. Certaines mesures peuvent sans doute être anticipées. Le sujet est entre les mains des pouvoirs publics.
N'en ayant pas connaissance, je ne saurais me prononcer sur le plan d'économies du CEPS. Le fait que nous proposions de nouvelles dépenses, parfaitement justifiées, n'exclut pas de réaliser des économies par ailleurs. À titre d'exemple, nous recommandons très fortement qu'un dispositif de location des aides techniques, comme les fauteuils, se substitue au système d'achat actuel. Le coût en serait amoindri. De nombreux pays procèdent ainsi.
D'autres économies d'efficience peuvent être réalisées, à une échelle certes plus limitée que dans des domaines de l'action publique où la dimension humaine est moins prégnante. Les établissements pourraient réaliser des achats groupés, entre autres exemples.
Quant au lien entre la prise en charge du grand âge et celle de la petite enfance, monsieur Isaac-Sibille, j'y ai fait référence en appelant à intégrer, dans la négociation sociale, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale des aidants. La prise en compte de ce sujet doit devenir aussi naturelle que pour les jeunes enfants.
Comme je l'ai expliqué, madame Firmin Le Bodo, je ne propose pas la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale.
Enfin, monsieur Dharréville, la coordination que nous proposons concourra à la meilleure organisation d'un service public de l'autonomie, dans la proximité. C'est l'une des ambitions de ce rapport.
Ma question portera sur l'option de financement à long terme que vous préconisez, monsieur Libault, en lieu et place de l'actuelle CRDS, dont l'extinction est programmée pour 2024, et à assiette comparable. Cette contribution serait en mesure de financer votre plan de 9 milliards d'euros pour la dépendance. Elle aurait toutefois pour principal défaut de relever le niveau de nos dépenses publiques au sens des critères de convergence du traité de Maastricht. Sur quelles sources d'économies des dépenses publiques recommandez-vous de travailler pour respecter la promesse de ne pas augmenter le niveau des prélèvements obligatoires et pour éviter de rehausser le déficit public au sens des critères de Maastricht ?
Je me réjouis que votre rapport, monsieur Libault, accorde une attention soutenue aux aidants et reprenne des sujets que nous avons pu aborder par le passé. J'aimerais recueillir votre avis sur les contrats assurantiels et les contrats d'assurance dépendance individuels. Risquons-nous de voir s'installer un système à deux vitesses, relativement pénalisant ?
Par ailleurs, je souhaiterais vous entendre sur la formation des aidants. Les rencontres et les auditions que je mène depuis plusieurs années m'ont appris que la formation au rôle d'aidant – indispensable pour ne pas commettre, sans le savoir, des actes de maltraitance – devait être doublée d'un droit à formation pour le retour à l'emploi. Souvent en effet, les aidants mettent en suspens leur carrière pour se consacrer à leur proche dépendant.
Je vous remercie, Monsieur Libault, pour votre rapport passionnant. Je souhaiterais vous interroger sur la revalorisation des métiers du grand âge. Comme vous le soulignez, les besoins en personnel sont considérables mais se heurtent à des difficultés de recrutement qui s'aggravent de façon inquiétante. Vous notez que la diversité des statuts empêche le pilotage d'une stratégie globale et prospective sur les métiers et la formation. Comment sortir de cette impasse ? Peut-on faire travailler ensemble la fonction publique hospitalière, la fonction publique territoriale, le secteur privé lucratif et celui des particuliers employeurs pour arriver à développer, peut-être via un opérateur commun, une prospective sur les métiers et un système partagé de formation ?
Jamais l'élaboration d'une loi, me semble-t-il, n'a bénéficié de rapports si nombreux ni d'une concertation aussi large et approfondie. Nous ne pourrons donc pas être qualifiés de « parlementaires hors-sol » !
L'opérationnalité de la loi sera néanmoins conditionnée par la gouvernance et le pilotage qui seront mis en place. En la matière, le rapport ne fournit pas toutes les réponses. Il conviendra de pousser plus avant la réflexion, notamment via des expérimentations, pour associer l'ensemble des collectivités qui interviennent auprès des populations vieillissantes.
Monsieur Libault, je tiens à vous remercier pour ce rapport très complet, qui a le mérite d'avancer des pistes de réforme parfois audacieuses, dans un cadre budgétaire pourtant très contraignant.
Le rapport préconise d'utiliser l'excédent de la sécurité sociale. Après le plan d'urgence de 10 milliards d'euros, toutefois, je doute qu'il reste quelque excédent. La non-indexation des pensions en 2020 est également évoquée. Or de nombreux ministres ont affirmé qu'une telle disposition ne sera pas retenue. Quant à la ponction sur le fonds de réserve pour les retraites, celui-ci a vocation à garantir l'équilibre des retraites et non celui de la dépendance. Vous avez enfin évoqué l'avenir de la CRDS. Quel est votre sentiment sur ces différents aspects ?
Monsieur Libault, je vous remercie pour votre exposé et pour les conditions dans lesquelles s'est déroulée la concertation. Pour avoir eu la chance d'assister à la concertation nationale d'orientation, je peux témoigner qu'il y régnait un vrai climat d'écoute et que rien n'était décidé d'avance. Vous appelez à changer de regard sur le grand âge. Des pistes concrètes ont-elles émergé des ateliers pour atteindre cet objectif ?
Votre rapport, monsieur Libault, préconise de mobiliser les prélèvements obligatoires existants, comme la CRDS. Rappelons que celle-ci a été prolongée par une loi organique jusqu'en 2024. L'introduction du risque de dépendance à échéance de 2024 pose la question de la loi organique. Du point de vue de cette dernière en effet, il s'agirait d'un impôt et non d'une prestation sociale. Quelle est la justification constitutionnelle de cette proposition de transfert d'un impôt vers une prestation sociale ?
Ce rapport, j'en suis certaine, fera date. Riche de nombreuses propositions, il porte une vision et une ambition pour une société qui entend faire une vraie place à ses aînés. Parmi ses priorités figure en bonne place le choix de rester chez soi. Cela suppose de disposer d'une offre d'accompagnement à domicile adéquate et de qualité homogène sur l'ensemble du territoire. Les professionnels du secteur, mais aussi les aidants, craignent que les mesures proposées n'aillent pas assez loin, notamment en termes d'adéquation avec les besoins et d'adaptation des logements. Ils restent donc inquiets sur notre capacité à créer les conditions nécessaires pour que le libre choix des personnes âgées dépendantes s'exerce sereinement. Pouvez-vous d'ores et déjà nous donner quelques pistes susceptibles de les rassurer ?
Monsieur Libault, je vous adresse un remerciement très sincère pour ce rapport qui aborde sous toutes ses facettes la question du vieillissement de la population avec incapacité. Le sujet de la dépendance me tient particulièrement à coeur ; j'en ai d'ailleurs témoigné à l'occasion du grand débat national.
Votre rapport évoque des chiffres qui doivent nous faire réfléchir. À partir de 2030, nous devrons prendre en charge chaque année 40 000 personnes supplémentaires en situation de dépendance. Inquiet de cette situation, le groupe Libertés et Territoires est fort intéressé par vos propositions, notamment en termes de revalorisation des métiers ou de formation. J'ai apprécié que vous citiez la formation-action Humanitude qui permet, au sein des EHPAD, de porter un autre regard sur la personne âgée. Vous prônez aussi, à juste titre, le décloisonnement entre les secteurs sanitaire et médico-social.
Je regrette néanmoins que persiste une confusion entre la dépendance et la perte d'autonomie. La dépendance est l'impossibilité de réaliser les actes de la vie quotidienne, tandis que l'autonomie renvoie à la capacité de chaque personne d'agir librement. La priorité est d'accompagner par des moyens humains et financiers les personnes en situation de dépendance, pour leur permettre de rester autonomes le plus longtemps possible.
Je m'étonne par ailleurs que le rapport n'évoque pas la barrière de l'âge. Or, entre le grand âge et le handicap, il y a toujours des questions de dépendances. Seriez-vous favorable à la suppression de la barrière de l'âge ?
Monsieur Libault, l'une des grandes orientations de votre rapport cible la filière des métiers du grand âge. Face au défi démographique à venir et aux enjeux actuels de recrutement, il me semble essentiel d'instaurer une politique de filière pour ces métiers. Il importe notamment d'adapter les capacités de formation et de faire évoluer les contenus vers de nouvelles compétences techniques et non techniques permettant d'améliorer la « bientraitance ». Selon vous, quels chantiers devraient être mis en place assez rapidement pour permettre aux métiers du grand âge d'être plus attractifs, mais aussi plus évolutifs et adaptables ?
La Réunion comptera 22 500 personnes âgées de plus de 60 ans en 2030. La charge du vieillissement y sera plus lourde qu'en métropole car, même si la proportion des personnes âgées sera plus faible, leur nombre doublera. Dans le même temps, avec une natalité plus élevée, La Réunion verra se poursuive sa croissance démographique. Elle devra donc assumer conjointement le coût du vieillissement et celui de l'insertion des jeunes.
Dans les territoires ultramarins, les personnes âgées vivent le plus souvent seules, dans des logements inadaptés à leurs besoins mais dont elles sont généralement propriétaires. En outre, on compte à La Réunion, parmi les moins de 75 ans, 27 % de bénéficiaires de l'APA, contre 9 % dans l'Hexagone. Par conséquent, seule une très faible minorité est prise en charge par des structures collectives adaptées, dont manquent les outre-mer. Comment adapter le plan national pour les métiers du grand âge à ces territoires ?
Monsieur Libault, je souhaite vous interroger sur l'accompagnement à domicile, dont vous soulignez combien il est intéressant, et qui répond à l'attente d'une majorité de Français. Aujourd'hui, les services à domicile sont certes très performants, mais leurs acteurs agissent parfois isolés les uns des autres – infirmiers réalisant des accompagnements médicaux, aides de la vie quotidienne – et ne sont pas suffisamment en lien avec les EHPAD. Comment décloisonner ces types de prise en charge ?
Dans le cadre de ce rapport, nous n'avions pas pour mission d'explorer les économies pouvant être réalisées dans les dépenses publiques. Nous donnons toutefois quelques éléments de comparaison avec d'autres pays. Ainsi, la France dépense plutôt moins que d'autres pour le grand âge, mais plutôt davantage pour les retraites et la santé. Sans doute faut-il donc analyser plus avant ces grandes masses. L'Espagne affiche de très bons résultats en termes d'espérance de vie, avec un taux de dépenses de santé par rapport au PIB très inférieur à celui de la France. Par une organisation plus efficace, peut-être pourrions-nous donc atteindre de meilleurs résultats. Les mesures de coordination que nous proposons sont susceptibles de dégager d'importantes économies, en évitant des hospitalisations en particulier.
Monsieur Christophe, l'un de nos ateliers a analysé les contrats d'assurance dépendance individuels, avec l'éclairage de spécialistes. Aujourd'hui, ces contrats nous semblent loin d'être optimaux et doivent gagner en maturité. Ils entretiennent une certaine incertitude sur les conditions auxquelles aura droit l'assuré le moment venu. Un effort préalable de clarification de leurs garanties est nécessaire.
Vous avez été nombreux à aborder la formation des professionnels et des aidants. Peut-être le rapport n'approfondit-il pas suffisamment la question de la formation de ces derniers. Comme vous le savez, l'association France Alzheimer ou la fondation Médéric Alzheimer mènent des actions extrêmement intéressantes dans ce domaine : formations, groupes de parole, cafés des aidants, etc. Il est essentiel de lutter contre l'isolement des aidants en leur proposant des lieux d'échange et des groupes de pairs.
Vis-à-vis des professionnels, nous proposons de réviser les référentiels d'un grand nombre de formations afin de développer les nouvelles compétences nécessaires et d'enrichir le contenu des métiers. Les formations devront être revues en conséquence.
Vous noterez, madame Dubié, que le rapport n'utilise pas le terme de dépendance. Notre comité scientifique a travaillé sur des questions de sémantique. La CNSA s'intéresse également à ces sujets et poursuivra nos réflexions. La plupart des acteurs recommandent d'éviter le mot « dépendance », qui risque d'enfermer les personnes dans leur situation. Nous proposons aussi d'abandonner l'appellation d'EHPAD au profit de celles de maison du grand âge, de maison de l'autonomie ou de maison médicalisée des séniors.
Concernant la stigmatisation de l'âge, madame Dufeu Schubert, nous recommandons le lancement de campagnes de communication nationales, à l'instar de celles de la CNSA. La dimension intergénérationnelle doit être développée, notamment via le service civique, le service national universel ou les rencontres entre écoliers et personnes âgées. Dans ce même esprit de sensibilisation, l'École nationale supérieure de sécurité sociale, dont j'assure la direction, organise tous les deux ans un concours avec l'Éducation nationale sur le thème de la solidarité, qui traite notamment de la lutte contre l'isolement. De nombreuses autres pistes méritent d'être explorées.
Madame Ramassamy, je vous remercie d'avoir évoqué les territoires ultramarins, dont chacun présente des particularités au regard du vieillissement. Votre question met en exergue la nécessité d'une approche territoriale tenant compte des spécificités locales. Ceci rejoint la réflexion de Monique Iborra sur la gouvernance. Il m'importe au plus haut point que l'on veille à créer de véritables dynamiques territoriales, dans lesquelles les acteurs se concertent et se coordonnent pour mettre en place des stratégies, autour de constats partagés. La conférence départementale que nous proposons d'instaurer y contribuera. Ceci doit se doubler d'une réelle équité territoriale. La gouvernance devra donc articuler les deux volets que sont la dynamique et l'équité territoriales.
Le dispositif d'accueil familial est encore aujourd'hui peu connu, malgré sa grande utilité dans la prise en charge des personnes dépendantes. Il permet à une personne âgée ou handicapée ne pouvant assumer seule ses besoins au quotidien de séjourner au domicile d'un accueillant familial en échange d'une rémunération. Les accueillants familiaux sont une solution intermédiaire entre le domicile et l'établissement. Souffrant d'un manque de valorisation, ce dispositif reste marginal. Ainsi, moins de 10 000 accueillants familiaux étaient agréés en 2015. Les accueillants ne bénéficient pas de l'assurance chômage ni des aides d'accès à l'emploi, et ne sont pas toujours salariés.
Pour rendre ce dispositif plus attractif, vous préconisez, monsieur Libault, que l'accueil familial soit adossé à des structures médico-sociales. Pourriez-vous préciser l'effet que vous en escomptez sur l'attractivité de la profession ? Seriez-vous favorable à un rapprochement du régime des accueillants familiaux avec celui des assistants familiaux, ces derniers bénéficiant par exemple d'une convention collective apportant un cadre juridique clair à leur activité ?
Catherine Fabre a devancé ma question sur le statut des personnels. Vous y avez répondu en termes de formation. Il resterait à évoquer le très important sujet de la revalorisation salariale, notamment pour les aides-soignants à domicile et en EHPAD.
Le maintien à domicile doit être développé autant que possible. Néanmoins, cette solution n'est pas envisageable pour certaines personnes. Pour des raisons familiales ou pour des raisons de santé, ces dernières doivent alors intégrer un EHPAD. Or, certaines régions de France manquent cruellement de places d'EHPAD. Comment envisagez-vous la résorption de ce problème ?
Enfin, le médecin coordonnateur n'est pas mentionné dans votre rapport. Entendez-vous faire évoluer son rôle, en lui permettant par exemple de faire des prescriptions ? Cette possibilité a été évoquée à de nombreuses reprises dans le cadre de la loi OTSS.
Monsieur Libault, vous posez comme préalable le changement de regard sur les personnes âgées et la réaffirmation de leur citoyenneté pleine et entière. Or les EHPAD sont souvent situés en périphérie des centres urbains, loin des regards. Cette absence de visibilité nuit à la place des personnes âgées dans la vie de la société et de la Cité. Vous soumettez des propositions à ce sujet. En quoi permettront-elles de répondre à l'éloignement des EHPAD des centres-bourgs ?
Ma seconde question porte sur le développement d'habitats intermédiaires. Aucune de vos propositions ne fait référence à la mutualisation des APA, qui pourrait permettre à des personnes âgées de vivre en colocation et de demeurer dans les coeurs de ville. Jugez-vous cette solution intéressante ?
À l'instar de Delphine Bagarry, je tiens à souligner l'atout que représente l'accueil intermédiaire dans la fluidité des parcours entre le domicile et l'EHPAD. Comment envisagez-vous la structuration des habitats intermédiaires ?
Il est par ailleurs nécessaire de développer l'accueil temporaire des aidants pour leur offrir des temps de répit. Ces dispositifs sont aujourd'hui insuffisants.
Enfin, comment oeuvrer à l'intégration des structures d'accueil des personnes âgées dans les centres-villes et les centres-bourgs, condition indispensable au développement des liens intergénérationnels et à la dédramatisation du grand âge ?
Monsieur Libault, je ne peux que saluer la qualité de votre rapport. Vous ne détournez pas les yeux de questions difficiles mais malheureusement trop souvent éludées. J'apprécie en particulier le travail que vous avez consacré aux proches aidants, qui seraient au nombre de 24 millions. Nous côtoyons ces concitoyens tous les jours sur le terrain, dans nos circonscriptions et nos permanences. Ils nous relatent un quotidien difficile tant sur le plan émotionnel que financier, et attendent des réponses que nous ne pouvons encore leur fournir. Devenir un proche aidant, c'est faire des sacrifices dans sa vie immédiate mais aussi dans sa carrière professionnelle. Je souscris pleinement aux propositions que vous formulez pour accompagner les aidants sur le plan financier ainsi que dans leurs démarches. Une réforme du grand âge et de la dépendance ne sera réussie que si elle intègre pleinement les besoins des aidants familiaux. Je vous remercie pour votre implication en la matière.
Nécessité fait loi, a-t-on coutume de dire. Cet adage nous vaut aujourd'hui cet excellent rapport, monsieur Libault, dont je vous remercie.
« La vieillesse bien comprise est l'âge de l'espérance » écrivait Victor Hugo. Pour la grande majorité de nos aînés, l'espérance est de bien vieillir chez soi. Je ne reviendrai pas sur la valorisation des métiers du grand âge, qui a déjà été largement évoquée.
Mon propos se concentrera sur la prévention. Chez les personnes âgées, les chutes sont souvent une porte d'entrée vers la dépendance. Elles donnent lieu à des hospitalisations qui, si elles s'allongent, accroissent cette même dépendance. Certains pays proposent des démarches de prévention intéressantes en la matière. Aux Pays-Bas par exemple, des associations apprennent aux aînés à amortir les chutes. Comment pourrions-nous valoriser le rôle des associations dans la prévention de la dépendance – à l'égard des chutes notamment – et du repli sur soi lié au grand âge ?
Par ailleurs, pourriez-vous préciser les rôles respectifs et complémentaires de la CNSA et des départements en vue d'une réelle solidarité nationale ?
Dans votre rapport, monsieur Libault, vous préconisez d'augmenter le temps passé auprès des personnes âgées à domicile ainsi que d'améliorer les carrières et les conditions de travail des aides à domicile. La quasi-totalité de ces personnels sont des femmes, qui pour la moitié gagnent moins de 900 euros par mois. Vous proposez de créer un tarif unique national sur la base de la tarification horaire de référence à 21 euros, et une dotation forfaitaire équivalente à 3 euros par heure de prestation. Pensez-vous vraiment que cette augmentation tarifaire soit suffisante pour attirer des candidats vers ce métier précaire et à forte pénibilité ?
Cher Dominique Libault, je vous remercie pour la qualité des travaux que vous avez menés. L'un de nos principaux défis est la prévention, afin de maintenir le plus longtemps possible l'autonomie des personnes âgées. Lors de votre visite à Lille, vous avez pu découvrir le « parcours longévité » de l'Institut Pasteur, qui propose un bilan de santé et des mesures d'accompagnement en matière de sport, de nutrition, de stress et de sommeil. L'Institut Pasteur recommande que ce parcours soit suivi le plus tôt possible, y compris par des personnes étant encore dans la vie active. Quelles seraient les conditions de déploiement de ce type de parcours, notamment au travers des services de santé au travail ? Avez-vous identifié des freins à lever ou des leviers à activer à cette fin ?
Comme mes collègues, je vous félicite, monsieur Libault, pour la démarche participative que vous avez instaurée dans le cadre de votre mission. Cette méthode répond de toute évidence aux aspirations de nos concitoyens.
Comme le souligne votre rapport, notre objectif doit être celui du « bien vieillir ». Or notre politique est souvent centrée sur le soin, la réparation ou la compensation. La prévention est certes l'un des piliers de la stratégie nationale de santé – et nous pouvons nous en réjouir. Néanmoins, l'atelier de la présente mission consacré à la gouvernance et au pilotage a mis en lumière une juxtaposition d'organisations, en particulier dans la prévention, malgré la création des conférences de financeurs. Quant aux expérimentations, elles sont rarement évaluées, et de ce fait peu valorisées. Quelles pistes peuvent être envisagées en matière de pilotage, de financement et de plus grande expertise de la prévention ?
Monsieur Libault, serait-il envisageable que les conseils de la vie sociale jouissent d'une plus large écoute et d'une participation renforcée dans les projets et la marche des établissements ? Par ailleurs, ne pensez-vous pas que les départements seraient les meilleurs chefs de file de la gouvernance ? Enfin, disposez-vous d'une évaluation des conférences des financeurs ?
Monsieur Libault, vous proposez une baisse du reste à charge de 300 euros pour les personnes résidant en EHPAD et dont les revenus courants se situeraient entre 1 000 et 1 600 euros mensuels. Le reste à charge moyen serait d'environ 1 500 euros, ce qui est particulièrement élevé pour les personnes bénéficiant de petites pensions de retraite. Quel est votre avis sur les solutions assurantielles qui viendraient en complément de la solidarité nationale ?
Le vieillissement est un sujet majeur de notre société. Il nous concerne tous. L'une des propositions de votre rapport, monsieur Libault, est d'augmenter de 25 % le taux d'encadrement en EHPAD d'ici à 2024, ce qui représenterait 80 000 postes supplémentaires. Cependant, l'urgence est réelle. Elle se fait sentir dès aujourd'hui. Près de la moitié des maisons de retraite médicalisées déclarent rencontrer des difficultés de recrutement en aides-soignants et en médecins. C'est pourquoi des mesures ponctuelles sont dès à présent nécessaires. Vous nous exposez une vision d'avenir concernant les EHPAD, mais quelles mesures préconisez-vous pour aujourd'hui ? Comment oeuvrer au décloisonnement des différents acteurs : maisons des seniors, EHPAD, professionnels du maintien à domicile et de l'accueil de jour ?
La Martinique est le territoire français le plus vieillissant. À l'horizon de 2030, plus de 40 % de sa population sera âgée de plus de 60 ans, contre 30 % dans l'Hexagone. Plus l'âge avance, plus les revenus diminuent. Et plus l'âge avance, plus les dépenses diminuent. Il serait souhaitable d'envisager une analyse prospective des effets socio-économiques du vieillissement sur ce territoire, notamment dans l'optique de préfigurer ce qui pourrait être mis en place dans la France tout entière. J'ajoute que plus l'âge avance, plus la santé décline et plus les dépenses de santé progressent. Une proposition intéressante réside dans la généralisation de la pratique du « sport santé » pour les personnes âgées, avec prise en charge par la sécurité sociale, étant admis que la pratique d'un sport diminue les effets de la dépendance.
Je vous remercie, monsieur Libault, pour la qualité de votre rapport et la richesse de vos propositions. L'une des clés pour rénover la prise en charge des aînés est d'oeuvrer au maintien des capacités de ces personnes ainsi qu'au déploiement d'une politique de prévention ambitieuse. Plusieurs recommandations de votre rapport s'attachent à la prévention de la perte d'autonomie. L'une d'entre elles vise à la généralisation de l'approche dite ICOPE – Integrated Care for Older People – de surveillance des capacités physiques et mentales des personnes, portée par l'Organisation mondiale de la santé. Vous préconisez une expérimentation courte sur un ou deux territoires, avant un déploiement. La mise en oeuvre de cette démarche ne semble pas appeler de réserve. Aussi une phase courte d'expérimentation n'aurait-elle sans doute pour finalité que d'ajuster la démarche et le pilotage. Toutefois, sachant que le déploiement de cette pratique nécessite la formation de l'ensemble des acteurs, à quel horizon pouvons-nous espérer voir sa généralisation sur l'ensemble du territoire ?
Agir pour l'autonomie et mieux prendre soin de nos aînés sont des priorités. Il est indispensable de placer l'autonomie de la personne âgée au coeur de la stratégie, en renforçant la prévention. Ceci passe obligatoirement par une culture commune de la prévention, avec des formations adaptées pour que la prévention devienne un réflexe. Doivent s'y ajouter une revalorisation des métiers – notamment des services d'accompagnement, de l'aide à domicile et des aides-soignants –, une meilleure coordination des acteurs, la définition d'un vrai statut des aidants familiaux et le soutien de ces derniers.
De nombre services peinent à recruter du fait de statuts et de rémunérations peu attractifs. Comment comptez-vous redonner de l'attractivité aux métiers du grand âge, à domicile comme en établissement ?
Mon département, la Saône-et-Loire, a émis le souhait que le conseil départemental puisse être, à titre expérimental, l'interlocuteur de gestion unique pour l'ensemble de l'offre médico-sociale, à domicile comme en établissement, et que l'ARS soit recentrée sur ses missions de contrôle, dans un souci de pilotage plus efficient. Je constate que ce n'est pas le scénario qui est privilégié dans ce rapport. Pourriez-vous préciser les raisons de ce choix ?
J'aimerais vous demander davantage de précisions, monsieur Libault, sur l'approche territoriale que vous préconisez, notamment pour les Outre-mer. Je rappelle que la Réunion, par exemple, passe actuellement de la période du baby-boom des années 60 à celle du papy-boom. La population vieillit à une vitesse grandissante. Dans dix ans, le nombre de personnes de plus de 60 ans aura doublé, tandis que le nombre de personnes de plus de 75 ans aura quadruplé d'ici à 2050. De surcroît, cette population vieillit très mal, en raison de facteurs propres à ce territoire.
Pourriez-vous expliciter votre approche pour les Outre-mer, notamment en termes de dynamique et d'équité territoriales ?
Je vous remercie, monsieur Libault, pour votre rapport très complet. Comme un certain nombre de mes collègues, je suis très attachée au maintien à domicile. Nous voyons se développer la pratique de la colocation entre seniors, avec des visites régulières d'infirmiers et de gouvernants. Cette solution mérite d'être favorisée. Elle semble la plus adéquate pour des personnes qui ne souhaitent plus vivre seules, mais qui n'ont pas la possibilité d'accéder à un EHPAD. Dans certains territoires en effet, il est très difficile d'obtenir une place dans ces établissements.
Ne serait-il pas intéressant de développer la colocation entre séniors ?
Je me réjouis de l'intérêt que vous portez manifestement à ces sujets, qu'il vous appartiendra de porter à l'avenir.
Le cloisonnement des acteurs du maintien à domicile est un sujet majeur. Il est indispensable d'élaborer des instruments de coordination entre ces intervenants. Le plan personnalisé de santé pourra y contribuer, de même que les coordinations territoriales d'appui, qui rejoindront sans doute les maisons des aidés et des aidants. Ces maisons endosseront d'ailleurs un rôle de soutien à la coordination des acteurs et à la recherche de solutions.
Il me paraît également essentiel que ces acteurs soient davantage formés ensemble. Malheureusement, il est très difficile, dans le système actuel, de monter des formations pluri-professionnelles.
Mon ambition est de créer une dynamique de filière pour l'ensemble des métiers du grand âge et de réunir toutes les parties autour de la table, indépendamment de leur statut, public ou privé. Sans doute faudra-t-il fonder un observatoire des métiers dans ce cadre. Les acteurs y semblent prêts.
Madame Romeiro Dias, le rapport préconise d'instaurer des conditions propices au développement de l'accueil familial. Pour être sécurisée, cette modalité devra être adossée à un établissement qui fasse office de structure-ressource. L'accueillant aurait un correspondant dans cet établissement, pourrait y suivre des formations et solliciter des conseils. En cas de problème de santé, la personne âgée y serait hébergée temporairement. Le correspondant pourrait également effectuer des visites au domicile de la famille. Sans doute le statut de l'accueillant familial doit-il aussi être retravaillé. Il serait souhaitable que la future loi s'attache à rénover le statut de l'accueil familial.
Si le rapport évoque peu le rôle du médecin coordonnateur, monsieur Lurton, c'est parce que ce sujet est traité parallèlement au Parlement. Une proposition de loi a été déposée pour que ce médecin endosse un rôle de prescription plus important. Je m'inquiète que la moitié des établissements n'aient pas de médecin coordonnateur. Nous devrons trouver des solutions pour rendre cette fonction plus attractive, en permettant notamment aux médecins coordonnateurs d'exercer d'autres activités en parallèle. Ils sont un maillon important de la chaîne.
Certains d'entre vous m'ont interpellé sur l'éloignement des EHPAD des centres-villes. Le plan de rénovation des EHPAD que nous préconisons peut permettre de travailler sur la localisation de ces établissements. Il peut aussi permettre de travailler sur le reste à charge en EHPAD. En effet, les coûts de rénovation seraient alors couverts par le plan et ne se répercuteraient pas sur les coûts d'hébergement assumés par les résidents.
Nous proposons que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoie des quotas d'habitats intergénérationnels et pour personnes âgées. Demain, au coeur des villes, des logements doivent être systématiquement réservés à ces publics, sous des formes nouvelles. En la matière, les expérimentations innovantes devront être encouragées par les territoires. Trop souvent, le cloisonnement des financements freine l'élaboration de formules inédites. Une souplesse devrait sans doute être donnée aux financements au niveau local, avec des fonds expérimentaux et des fonds qualité, pour encourager l'innovation dans les formes d'habitat. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a introduit, en son article 51, un dispositif permettant d'expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. C'est une fenêtre ouverte pour lancer des expérimentations de prise en charge des personnes âgées.
Plusieurs d'entre vous ont insisté sur le nécessaire effort de prévention. Le rapport recommande que des rendez-vous de prévention soient proposés en priorité à des publics fragiles, à des moments clés de la vie – le départ à la retraite en particulier. L'expérience de l'Institut Pasteur à Lille que vous avez évoquée est très intéressante, madame Lecocq, mais son déploiement se heurterait à un problème de financement. Sans doute faut-il la traduire dans une forme plus simple, susceptible d'être déclinée plus largement sur le territoire.
De même, madame de Vaucouleurs, l'approche ICOPE est extrêmement intéressante. Elle doit être généralisée sans délai. Pour piloter des approches innovantes de prévention, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des gériatres très investis dans ces sujets, à l'instar du professeur Vellas.
Vous observez, madame Guion-Firmin, que les femmes travaillant à domicile ou en établissement auprès des personnes âgées perçoivent une rémunération faible. C'est l'occasion de préciser que le sujet de la prise en charge des personnes âgées renvoie très largement à l'égalité entre hommes et femmes. Ces professions sont féminines à 97 %, et les aidants sont très majoritairement des femmes. La sous-valorisation de ces métiers s'explique vraisemblablement, pour partie, par une certaine culture des relations entre hommes et femmes caractérisant notre société.
Sans surprise, certains jugent nos propositions trop onéreuses, quand d'autres estiment qu'elles peuvent être encore étendues. Quoi qu'il en soit, j'estime que certaines de ces dispositions doivent être rapidement mises en oeuvre, afin de créer une dynamique. Des observatoires doivent voir le jour, sur les personnels en EHPAD notamment, pour travailler sur l'évolution nécessaire des effectifs. Notre rapport ne prétend pas apporter de solutions définitives. Il importe plutôt d'instaurer une gouvernance et un pilotage capables d'ajuster les mesures au fil du temps. Dans tous les cas, la plus grande attention devra être portée aux effets des dispositions sur l'attractivité des métiers.
Je serais favorable à une révision assez rapide des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens que passent les EHPAD avec l'État, pour y intégrer certaines des dimensions portées par le rapport.
Une fois encore, monsieur Nilor, c'est en garantissant des marges de manoeuvre territoriales que nous pourrons répondre aux enjeux spécifiques des différentes populations. La Martinique, par exemple, est un département où le vieillissement est préoccupant. Ce sujet devra être traité à l'aune de la dynamique démographique de ce territoire et du diagnostic des réponses qui y ont été apportées jusqu'à présent.
À la suite de M. Delatte, je conclurai mon intervention par quelques vers de Victor Hugo extraits de « Booz endormi » :
« Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand
« Le vieillard, qui revient vers la source première,
« Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
« Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
« Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière. »
Sachons voir de la lumière dans les yeux de nos aînés, et sachons la réveiller.
Applaudissements.
La séance est levée onze heures cinquante.
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Information relative à la Commission
La commission a désigné comme membres de la mission d'information relative à l'organisation territoriale de la santé mentale :
– M. Brahim Hammouche (Mouvement Démocrate et apparentés) président ;
– Mme Martine Wonner (La République en Marche), co-rapporteure ;
– Mme Caroline Fiat (La France insoumise), co-rapporteure.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 10 avril 2019 à 9 heures 30
Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, M. Mustapha Laabid, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Nicole Sanquer, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, Mme Nathalie Elimas, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Adrien Quatennens, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistait également à la réunion. – Mme Gisèle Biémouret