Je me réjouis de l'intérêt que vous portez manifestement à ces sujets, qu'il vous appartiendra de porter à l'avenir.
Le cloisonnement des acteurs du maintien à domicile est un sujet majeur. Il est indispensable d'élaborer des instruments de coordination entre ces intervenants. Le plan personnalisé de santé pourra y contribuer, de même que les coordinations territoriales d'appui, qui rejoindront sans doute les maisons des aidés et des aidants. Ces maisons endosseront d'ailleurs un rôle de soutien à la coordination des acteurs et à la recherche de solutions.
Il me paraît également essentiel que ces acteurs soient davantage formés ensemble. Malheureusement, il est très difficile, dans le système actuel, de monter des formations pluri-professionnelles.
Mon ambition est de créer une dynamique de filière pour l'ensemble des métiers du grand âge et de réunir toutes les parties autour de la table, indépendamment de leur statut, public ou privé. Sans doute faudra-t-il fonder un observatoire des métiers dans ce cadre. Les acteurs y semblent prêts.
Madame Romeiro Dias, le rapport préconise d'instaurer des conditions propices au développement de l'accueil familial. Pour être sécurisée, cette modalité devra être adossée à un établissement qui fasse office de structure-ressource. L'accueillant aurait un correspondant dans cet établissement, pourrait y suivre des formations et solliciter des conseils. En cas de problème de santé, la personne âgée y serait hébergée temporairement. Le correspondant pourrait également effectuer des visites au domicile de la famille. Sans doute le statut de l'accueillant familial doit-il aussi être retravaillé. Il serait souhaitable que la future loi s'attache à rénover le statut de l'accueil familial.
Si le rapport évoque peu le rôle du médecin coordonnateur, monsieur Lurton, c'est parce que ce sujet est traité parallèlement au Parlement. Une proposition de loi a été déposée pour que ce médecin endosse un rôle de prescription plus important. Je m'inquiète que la moitié des établissements n'aient pas de médecin coordonnateur. Nous devrons trouver des solutions pour rendre cette fonction plus attractive, en permettant notamment aux médecins coordonnateurs d'exercer d'autres activités en parallèle. Ils sont un maillon important de la chaîne.
Certains d'entre vous m'ont interpellé sur l'éloignement des EHPAD des centres-villes. Le plan de rénovation des EHPAD que nous préconisons peut permettre de travailler sur la localisation de ces établissements. Il peut aussi permettre de travailler sur le reste à charge en EHPAD. En effet, les coûts de rénovation seraient alors couverts par le plan et ne se répercuteraient pas sur les coûts d'hébergement assumés par les résidents.
Nous proposons que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoie des quotas d'habitats intergénérationnels et pour personnes âgées. Demain, au coeur des villes, des logements doivent être systématiquement réservés à ces publics, sous des formes nouvelles. En la matière, les expérimentations innovantes devront être encouragées par les territoires. Trop souvent, le cloisonnement des financements freine l'élaboration de formules inédites. Une souplesse devrait sans doute être donnée aux financements au niveau local, avec des fonds expérimentaux et des fonds qualité, pour encourager l'innovation dans les formes d'habitat. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a introduit, en son article 51, un dispositif permettant d'expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. C'est une fenêtre ouverte pour lancer des expérimentations de prise en charge des personnes âgées.
Plusieurs d'entre vous ont insisté sur le nécessaire effort de prévention. Le rapport recommande que des rendez-vous de prévention soient proposés en priorité à des publics fragiles, à des moments clés de la vie – le départ à la retraite en particulier. L'expérience de l'Institut Pasteur à Lille que vous avez évoquée est très intéressante, madame Lecocq, mais son déploiement se heurterait à un problème de financement. Sans doute faut-il la traduire dans une forme plus simple, susceptible d'être déclinée plus largement sur le territoire.
De même, madame de Vaucouleurs, l'approche ICOPE est extrêmement intéressante. Elle doit être généralisée sans délai. Pour piloter des approches innovantes de prévention, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des gériatres très investis dans ces sujets, à l'instar du professeur Vellas.
Vous observez, madame Guion-Firmin, que les femmes travaillant à domicile ou en établissement auprès des personnes âgées perçoivent une rémunération faible. C'est l'occasion de préciser que le sujet de la prise en charge des personnes âgées renvoie très largement à l'égalité entre hommes et femmes. Ces professions sont féminines à 97 %, et les aidants sont très majoritairement des femmes. La sous-valorisation de ces métiers s'explique vraisemblablement, pour partie, par une certaine culture des relations entre hommes et femmes caractérisant notre société.
Sans surprise, certains jugent nos propositions trop onéreuses, quand d'autres estiment qu'elles peuvent être encore étendues. Quoi qu'il en soit, j'estime que certaines de ces dispositions doivent être rapidement mises en oeuvre, afin de créer une dynamique. Des observatoires doivent voir le jour, sur les personnels en EHPAD notamment, pour travailler sur l'évolution nécessaire des effectifs. Notre rapport ne prétend pas apporter de solutions définitives. Il importe plutôt d'instaurer une gouvernance et un pilotage capables d'ajuster les mesures au fil du temps. Dans tous les cas, la plus grande attention devra être portée aux effets des dispositions sur l'attractivité des métiers.
Je serais favorable à une révision assez rapide des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens que passent les EHPAD avec l'État, pour y intégrer certaines des dimensions portées par le rapport.
Une fois encore, monsieur Nilor, c'est en garantissant des marges de manoeuvre territoriales que nous pourrons répondre aux enjeux spécifiques des différentes populations. La Martinique, par exemple, est un département où le vieillissement est préoccupant. Ce sujet devra être traité à l'aune de la dynamique démographique de ce territoire et du diagnostic des réponses qui y ont été apportées jusqu'à présent.
À la suite de M. Delatte, je conclurai mon intervention par quelques vers de Victor Hugo extraits de « Booz endormi » :
« Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand
« Le vieillard, qui revient vers la source première,
« Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
« Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
« Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière. »
Sachons voir de la lumière dans les yeux de nos aînés, et sachons la réveiller.