J'arrête là le benchmarking : mes exemples suffisent à mesurer le peu d'ambition réformatrice de votre projet de loi. J'ai lu ce matin dans la presse : « Les députés s'attaquent au statut des fonctionnaires ». Diantre ! Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, une très bonne attachée de presse ! En fait, vous vous attaquez aux CAP – commissions administratives paritaires : c'est à peu près tout.
Aucune réflexion sur les missions, aucune réflexion non plus sur une simplification statutaire : le livre blanc sur l'avenir de la fonction publique remis en 2008 par Jean-Ludovic Silicani préconisait la mise en place d'une fonction publique de métiers, à travers le remplacement des quelque 500 corps par une cinquantaine. Cette logique de métiers pourrait, enfin, réellement faciliter la mobilité entre les ministères, comme entre les trois versants de la fonction publique. Or votre texte ne prévoit aucune évolution sur ce point.
Vous facilitez, assurément, les allers-retours avec le privé ; demain, il sera cependant toujours aussi compliqué, voire impossible, de passer d'une fonction publique à une autre – il n'y a quasiment aucune disposition dans le texte sur le sujet – , ou d'un ministère à un autre, voire, au sein d'un même ministère, d'une région à une autre, puisqu'il n'y aura plus de CAP. En dépit des quelques heures que nous avons passées ensemble en commission des lois, je n'ai toujours pas compris par quelle instance seraient remplacées les CAP sur les mutations.
Il n'y a par ailleurs aucune disposition relative au temps de travail dans votre texte. Ah si : vous décidez courageusement, vingt ans après – on se croirait dans Hibernatus – d'appliquer la loi Aubry, alors que le vrai sujet du temps de travail devrait être celui d'un retour aux 39 heures, après bien sûr en avoir défini les conditions et dans la concertation. Je tiens à rappeler que repasser de 35 à 39 heures dans la fonction publique permettrait d'économiser 400 000 postes et 10 milliards d'euros. Dans la fonction publique allemande, la durée hebdomadaire du travail s'élève à 41 heures. Je le concède : il s'agit d'un chantier bien plus difficile que celui auquel vous vous êtes attaqué.
Toutefois, les premières victimes de votre manque de courage sont les fonctionnaires eux-mêmes, dont le pouvoir d'achat – une étude de l'Institut Montaigne l'a révélé il y a peu – a été réduit de 10 % en dix ans : sujet sur lequel vous êtes, nous sommes totalement incapables de formuler des propositions d'évolution à court ou moyen terme. Je pense en particulier aux agents de la catégorie C, dont les régimes indemnitaires sont généralement les plus modestes et ne permettent pas de compenser le gel du point d'indice : c'est aussi, monsieur le secrétaire d'État, un des messages envoyés par les gilets jaunes dans la crise que nous venons de traverser.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de réfléchir à un dispositif temporaire autorisant une évolution différenciée du point d'indice, ouvrant sur un rattrapage des catégories C et B sans pour autant aggraver la charge publique.
Plus généralement, alors que vous avez déjà renoncé à la réduction des 120 000 emplois de fonctionnaires annoncée par Emmanuel Macron durant sa campagne, …