… vous ne prévoyez dans ce texte aucune mesure permettant de réduire la dépense publique, ce qui devrait pourtant constituer le premier objectif de toute réforme en la matière. Les dépenses publiques de fonctionnement représentent, je le rappelle, 18 % du PIB dans notre pays. Au contraire, le recours accru à des agents contractuels, notamment sur des emplois de cadres comme vous le proposez, aura mécaniquement un effet inflationniste et alourdira encore plus le coût de la fonction publique dans notre pays.
Vous ne traitez pas non plus la question des plus hautes rémunérations de la fonction publique. Je me suis étonné en commission des lois que 70 000 fonctionnaires de la seule fonction publique d'État soient rémunérés hors échelle lettre, c'est-à-dire, en comptant les primes, plus de 5 000 euros nets par mois. Le pire est que ce chiffre n'était que de 25 000 en 1985, c'est-à-dire avant la décentralisation. Depuis la décentralisation, le nombre des fonctionnaires rémunérés hors échelle lettre est donc passé de 25 000 à 70 000 ! J'ai calculé approximativement que, si l'on réduisait leur nombre de 10 %, on réaliserait une économie d'1 milliard d'euros. Ce serait une approche nouvelle de la diminution de la dépense publique, alors qu'on tape toujours en bout de chaîne, là où les Français ont le plus besoin de services publics de proximité.
J'avoue que j'ai été surpris, monsieur le secrétaire d'État, par le chiffre que vous nous avez donné en commission des lois : la moyenne des rémunérations des fonctionnaires appartenant au dernier centile – les mieux payés – serait de 9 500 euros par mois. Il faudra que vous nous précisiez la base que vous prenez pour calculer ce centile : en effet, si elle correspond aux 2,4 millions de fonctionnaires civils, cela fait beaucoup de monde ! Ces chiffres sont à mes yeux assez surprenants.
En fait, votre texte se limite à deux évolutions : faciliter le recours au contrat et vider de leur contenu les CAP. Et sur ces deux évolutions, il apporte des garanties si peu précises que vous avez réussi l'exploit de vous mettre à dos toutes les organisations représentatives au cours des conseils supérieurs de la fonction publique.
S'agissant du recours au contrat, ce n'est assurément pas le grand soir : vous vous contentez d'ajouter du dérogatoire au principe du recrutement sous statut. II existe déjà cinq cas de dérogation au statut : vous en ajoutez trois. Ces perspectives, je le reconnais, sont plutôt bonnes à prendre : le contrat est un outil de souplesse, apprécié par les employeurs publics. Elles posent toutefois des problèmes auxquels votre texte n'apporte pas de solution.
Ainsi, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen proclame « l'égal accès aux emplois publics ». Le concours permet de respecter ce principe. Concrètement, comment cette égalité d'accès sera-t-elle assurée dans le cadre d'un système qui entend banaliser le recours au contrat de gré à gré ? Le fait de vous contenter de recopier dans la loi ce principe déjà inscrit dans le bloc de constitutionnalité me paraît quelque peu superfétatoire, monsieur le secrétaire d'État. La loi devrait, comme le prévoit l'article 34 de la Constitution, fixer les règles garantissant le respect de ce principe. À ce stade, vous ne le faites pas, et il me semble que notre assemblée sera dans « l'incompétence négative », pour reprendre la terminologie employée par le Conseil constitutionnel.
Le recours aux contrats de projet, que vous créez à l'article 8, s'il correspond probablement à un besoin pour des fonctions d'encadrement ou des fonctions très techniques, ne convient pas, à l'évidence, au recrutement des personnels de catégorie C. Vous ne ferez finalement qu'ajouter de la précarité, alors que vous prétendez la combattre par ailleurs. Je note que le Gouvernement est, du reste, en pleine contradiction : il propose aux partenaires sociaux, dans le secteur privé, de pénaliser le recours aux CDD, mais facilite, dans le secteur public, le recours aux mêmes contrats courts.